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lundi 7 août 2023

Les Belles de Londres, Tome 1 : L'Amazone du Sussex de Mimi Matthews

 

 

 

Issue d'une famille éclaboussée par un scandale, Evelyn Malravers sait que personne ne l'attend à Londres pour la saison. Comment trouver le beau parti qui lui permettra d'assurer l'avenir des siens ? En se servant de ses deux passions : les chevaux et la mode. Oui, elle va se distinguer en devenant la plus éblouissante de ces belles écuyères qui paradent chaque jour dans Hyde Park ! Pour cela, il lui faut l'aide de celui qui habille les amazones les plus élégantes de la capitale : Ahmad Malik, un métisse indien au charisme troublant. À eux deux, ils vont conquérir la ville, trouver le succès, et peut-être bien plus encore...




 

 
 
 
 
 

Londres, Angleterre, mars 1862

Evelyne Malravers entra dans la boutique faiblement éclairée de Conduit Street. Une enseigne modeste, au-dessus de la porte, annonçait les noms et profession des propriétaires : MM. Doyle & Heppenstall, tailleurs. L’intérieur de la boutique était tout aussi modeste. À la lueur diffuse des appliques au gaz, elle vit deux profonds fauteuils de cuir, un miroir à trois faces et un haut comptoir d’acajou. Derrière celui-ci, s’alignaient des étagères chargées de rouleaux d’étoffes de qualité, dans de sobres tons de noir, marron et bleu.

Il était 18 h 45. Quasiment l’heure de la fermeture. Venant de l’arrière-salle, le murmure d’une profonde voix masculine filtrait à travers l’ouverture, fermée d’un rideau, qui séparait les deux pièces.

Le pouls d’Evelyne s’accéléra. La boutique d’un tailleur était un domaine masculin, où la présence d’une femme était aussi rare qu’inopportune. Mais ce n’était pas ce qui l’arrêterait. La tête haute, elle s’approcha du comptoir et agita la clochette.

La voix se tut dans l’arrière-salle. Quelques secondes plus tard, un mince gentleman aux cheveux blancs écarta le rideau. Il avait les yeux chassieux et le dos courbé, comme s’il avait passé sa vie entière penché sur une table de travail.

Puis-je vous renseigner, madame ? demanda-t-il d’une voix aussi fluette que sa silhouette.

Je vous remercie. J’aimerais parler à M. Doyle, s’il vous plaît.

Je suis M. Doyle.

La déception d’Evelyn fut grande. Elle s’était attendue à rencontrer un prince de la mode, un visionnaire, un homme aux doigts d’or. Mais le vieux monsieur qui se trouvait devant elle ne paraissait ni à la mode ni particulièrement habile de ses dix doigts. Qu’il avait au demeurant noueux, et agités de tremblements.

Puis une pensée lui redonna espoir.

Et M. Heppenstall ? Est-il présent ?

M. Heppenstall est décédé l’automne dernier.

Oh…

Nouvelle déception. La voix profonde derrière le rideau devait appartenir à un employé.

Puis-je vous aider d’une manière ou d’une autre ? reprit M. Doyle avec une pointe d’impatience.

Evelyne se rappela que les apparences pouvaient être trompeuses. Un fait qui s’appliquait à elle en premier lieu. Qui sait, ce tailleur âgé était peut-être capable d’accomplir des prodiges avec une aiguille et du fil.

Je l’espère sincèrement. Voyez-vous…

Elle assura plus fermement ses lunettes cerclées d’argent sur son nez, avant de continuer.

Vous m’avez été recommandé par… une amie.

Ce n’était pas entièrement la vérité, mais pas non plus un mensonge au sens strict.

Il haussa ses épais sourcils blancs.

Une de mes clientes ?

Effectivement. J’aimerais commander une tenue d’équitation.

Quand il posa un regard dubitatif sur ses lunettes, puis sur sa mise discrète, Evelyne éprouva une gêne inattendue.