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lundi 5 mars 2018

Les chroniques de Dani Mega O'Malley, tome 1: Iced - Karen Marie Moning



Sortie : 5 octobre 2013
Éditeur : J'ai Lu
Collection : Semi-poche imaginaire
Nombre de pages : 603 pages



J'imagine que ce sont les gens les plus intéressants qui vont au ciel. Je veux dire, si j'étais Dieu, c'est eux que je voudrais avoir avec moi. J'imagine aussi qu'être éternellement heureux serait franchement éternellement ennuyeux, alors j'essaye de ne pas être trop intéressante, même si c'est parfois dur pour moi. Je préfèrerais être un superhéros en enfer qu'un ange au paradis. Que ce que je ferais de mes journées si je n'avais pas de fesses de démons à botter ?
Nous sommes en l’An 1er après la Chute des Murs. Les Faes sont libres et nous traquent. Là-dehors, c’est une zone de guerre, et pas un jour ne ressemble au précédent. Je suis Dani O’Malley, le chaos des rues de Dublin est ma maison, et il n’y a pas d’autre endroit sur terre où je voudrais être.

Dani « Mega » O’Malley vit selon ses propres règles – et dans un monde submergé par les Unseelis, sa plus grande règle est : "faire tout ce qu’il faut pour survivre". Possédant de rares talents et la toute-puissante Épée de

Lumière, Dani est plus qu’équipée pour la tâche. De fait, elle est un des rares êtres humains capables de se défendre contre les Unseelies. Mais, au milieu de ce chaos, ses dons vont devenir de sérieuses responsabilités à supporter.

Son ex-meilleure amie, MacKayla Lane, veut sa mort, les terrifiants princes Unseelies ont mis un prix sur sa tête, et l’inspecteur Jayne, à la tête des forces de police, est à la recherche de son épée et ne s’arrêtera devant rien pour l’obtenir. Qui plus est, les gens meurent mystérieusement, pétrifiés par le froid partout dans la ville, figés sur place dans des paysages glacés, sous la barre des zéro.

Lorsque le plus séduisant nightclub de Dublin est recouvert de givre, Dani se retrouve à la merci de Ryodan, l’impitoyable et immortel propriétaire du club. Il a besoin de son esprit vif et de son exceptionnel capacité afin de comprendre ce qui gèle les Faes et les humains – et Ryodan fera tout pour s’assurer de sa docilité.

Esquivant les balles, les crocs et les poings, Dani doit faire de traîtres marchés et nouer des alliances désespérées pour sauver son Dublin bien-aimé – avant que tous et tout ne se retrouvent gelés.


ICED est le sixième livre des Fièvres. La seule différence est qu’il est narré par Dani, alternant aussi avec d'autres points de vue à la première personne (l’u
n d’eux étant Christian MacKeltar!). Attention, même si Dani est jeune, ICED n'est PAS du YA !!!

ICED s’ouvre une semaine après Fièvre d'ombres, à l’abbaye des sidhe-seer, le matin après que Cruce y ait été enfermé. Les personnages que vous trouverez dans ICED : Dani, Dancer, Ryodan, Christian, Lor, Jo, Kat, Cruce, Velvet, un regard ou deux sur Mac & Barrons, et bien d’autres.

BURNED et FLAYED sont les tomes 7 et 8 des Fièvres, toujours du point de vue de Dani. Les livres 9 et 10 seront écrits du point de vue de Mac. Attention, si vous ne lisez pas les tomes 6 à 8, les volumes 9 et 10 n’auront pas de sens pour vous.







J'ADORE !!!
Au départ, j'étais sceptique quand à mon potentiel d'accroche pour une gamis de 14 ans qui dit Man toutes les 2 phrases et pourtant le talent de Mme Moning nous fait rentrer dans cette histoire de plein pied.
Iced c'est une invitation à une superbe histoire d'amour qui ne dit pas son nom. Pourtant la passion elle est bien là et elle bouillonne. Je vous mets des extraits dont notamment l'avant dernier qui est assez long mais qui montre bien les rapports de Ryodan et de Dani. Le dernier, c'est mon préféré parce que c'est une déclaration d'amour dont l'intéressée ne comprend pas le sens.


 

KMM est née le 11 novembre 1964 à Cincinnati dans l'Ohio. Elle est diplômé de l'Université de Purdue avec un baccalauréat dans la société et la loi. Avant de devenir un écrivain à plein temps, elle a travaillé comme barman, consultante en informatique, et spécialiste en l'assurance
Elle est spécialisée dans les romans d'amour paranormaux.

Ses romans ont été nominés à trois reprises pour les prestigieuses RITA Awards et The highlander's touch a été élu en 2001 Meilleur roman d’amour paranormal. Son tout premier roman, Beyond the Highland mist, a reçu le prix Romantic Times du Meilleur Time-travel historique.

Tous les romans de Karen Marie Moning mettent en scène de séduisants highlanders, elle est d’ailleurs fan de la série télé du même nom.

  Cliquez sur la couverture
pour lire les autres chroniques de la série. 
 

Les chroniques de Mackayla Lane

http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/les-chroniques-de-mackayla-lane-tome-1.html# http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/les-chroniques-de-mackayla-lane-tome-2.html# http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/les-chroniques-de-mackayla-lane-tome-3.html#more%23 http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/ouvreles-yeux-et-dis-mon-nom.html# http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/les-chroniques-de-mackayla-lane-tome-5.html# http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2014/06/les-chronique-de-mackayla-lane-tome-6.html

Les chroniques de Dani Mega O'Malley

http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/11/les-chroniques-de-dani-mega-omalley.html#
http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2014/09/les-chroniques-de-dani-omalley-tome-2.html#more
http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2015/10/les-chroniques-de-dani-omalley-tome-3.html





Le vent dans mes cheveux ! La super-vitesse ! Je ne sens plus mes pieds, parce qu’ils ont des ailes ! Mon front se plisse sous la concentration et je pousse plus fort, plus vite, chaque nanoseconde compte si je vais devoir me battre contre… – je fonce dans un mur.
D’où vient ce foutu truc ?
Comment j’ai pu le manquer dans mes directives ?
Mon visage tout entier est engourdi et je ne vois rien. L’impact me sort de ma super-vitesse et me fait trébucher. Quand je regagne finalement mon équilibre, je ne suis pas capable de me concentrer sur quoi que ce soit. J’ai heurté le mur si fort que je suis temporairement aveugle. Mon visage va être noir et bleu durant des jours, mes yeux enflés se réduisant à deux fentes. C’est franchement gênant ! Je déteste me montrer avec mes erreurs inscrites sur mon visage, et que tout le monde puissent les voir !
Je perds de précieuses secondes à me remettre et tout ce que à quoi je peux songer, c’est : heureusement que c’était un mur, et pas l’ennemi. Je suis une cible facile à ce moment précis, et c’est de ma propre faute. Je sais bien qu’il vaut mieux que ma tête ne soit pas en avant quand je suis en mode super-vitesse. Vous pouvez vous tuer ainsi. Le corps peut prendre un impact bien plus important que la figure. Vous pouvez vous enfoncer le nez dans le cerveau si vous n’êtes pas prudent.
« Tu t’es plantée, Mega », je marmonne.
Je ne vois toujours rien. J’essuie mon nez sanglant sur ma manche et je tends la main pour sentir ce que j’ai heurté.
« C’est mon sexe », déclare Ryodan.
Je retire ma main d’un mouvement brusque.
« Heurk! »
Je m’étrangle. Je peux sentir mon visage à nouveau – parce que, c’est

comme s’il prenait feu. Dans quel monde je vis pour étendre le bras à cet exact foutu niveau afin de sentir ce que je croyais être un mur, et me retrouver à poser ma main sur un pénis ?

« Vous l’avez fait exprès ! » je l’accuse. Vous m’avez vu étendre la main et vous avez avancé droit devant ! »

« Pourquoi je ferais ça, gamine. »
Ryodan a la manière la plus agaçante de formuler ses questions sans la moindre inflection à la fin. Sa voix ne s’élève pas du tout. Je ne sais pas pourquoi cela me dérange tant. Cela m’énerve, c’est tout.
« Pour m’embarrasser et me faire me sentir stupide ! Vous cherchez toujours l’avantage, n’est-ce pas ? »
Ryodan me rend complètement folle. Je ne peux pas le supporter !
« Se planter, le terme est faible, déclare Ryodan. J’aurais pu te tuer. Sors ta tête de ton cou, gamine. Regarde où tu vas.”
Ma vision commence à s’éclaircir.
« Je. Regardais. Vous vous êtes mis sur mon chemin. »
Je lève les yeux vers lui. Le mec est grand. Le seul lampadaire qui marche encore est derrière sa tête, laissant son visage dans l’ombre, mais c’est comme ça qu’il aime se montrer. Je vous jure, il doit probablement organiser chacun de ses déplacements afin de garder la lumière dans son dos pour une raison. Il affiche ce demi-sourire qu’il arbore souvent, comme s’il était perpétuellement amusé par nous autres, simples mortels.
« Je ne suis pas une simple mortelle », je déclare fraîchement.
« Je n’ai pas dit que tu l’étais. De fait, c’est précisément parce que tu es différente que tu es dans mon radar. »
« Eh bien, faites-en moi sortir. »
« Non. »
J’ai l’impression de couler. Il n’y a pas longtemps de ça, Ryodan m’a traquée jusqu’à l’endroit où je traîne, au sommet d’un de mes châteaux d’eau préférés, et m’a dit qu’il avait un travail pour moi. J’ai refusé, bien entendu. Depuis lors, je m’étais dit que quel que soit le poste vacant, il avait dû trouver quelqu’un pour me remplacer. Je ne veux pas me retrouver mêler à Ryodan et à ses hommes. J’ai le sentiment que vous ne pouvez plus vous en démêler après cela. Vous continuez juste à plonger.

Bien entendu, ça ne m’empêche pas de traîner autour de Chester’s. Vous vous devez de connaître la compétition, savoir ce qu’ils font. Le mec veut quelque chose de moi, je veux savoir quoi. La semaine dernière, j’ai trouvé l’entrée de derrière de son club, celle dont je suis sûre que personne hormis moi et ses hommes ne connaisse l’existence. Je pense qu’ils croyaient qu’elle était si bien cachée qu’ils n’avaient pas besoin de la protéger. Et quelles choses j’ai vues là-dedans ! Mon visage devient rouge à nouveau rien qu’en y repensant.

“J’attends toujours que tu viennes me faire ton rapport, Dani. Tu as dû rencontrer un problème dont je n’ai pas été avisé.”
Un rapport, mon cul. Je ne réponds à personne. La façon dont il prononce la dernière phrase sonne comme s’il m’avait fait suivre et connaît tous les problèmes que j’ai eus ou non.
« Je vais le dire encore une fois. Cela n’arrivera jamais. »
« Tu ne comprends pas. Je ne te donne pas le choix. »
“Vous ne comprenez pas. Je le prends. Vous n’êtes pas mon patron.”
« Tu ferais mieux d’espérer que je le sois, gamine, parce que tu es un risque dans ma ville. Et il n’y a que deux façons dont je m’occupe des variables incontrôlables. L’une d’entre elles est de leur offrir un travail. »
Le regard qu’il me jette me fait clairement comprendre que je ne veux pas savoir quelle est la seconde option. J’essuie encore du sang de mon nez.
« Je croyais que c’était la ville de Barrons », je déclare.

Il ignore le sarcasme.
« Un risque que je ne prendrai pas. Tu es trop rapide, trop forte, et trop stupide. »
« Il n’y a rien de stupide chez moi. En revanche, je suis bien rapide et forte. La meilleure des meilleurs. Dani Mega O’Malley. C’est comme ça qu’ils m’appellent. La Mega. Personne ne peut m’arrêter.”
« Bien sûr qu’ils le peuvent. La sagesse. Le bon sens. L’habilité de faire la différence entre un combat qui vaut la peine de se battre ou la bravade d’hormones adolescentes.»
Heurk ! Ce n’est pas de la bravade ! Je suis réelle, cent pour cent superhéroïne ! Ryodan sait comment s’infiltrer sous ma peau mais je ne lui donne pas la satisfaction de le lui montrer.
« Les hormones n’interfèrent pas avec le cours de mes pensées, je réponds froidement. Comme si mes « hormones d’adolescente » étaient différentes des vôtres. C’est l’hôpital qui se moque de la charité. »
Après ma visite clandestine de la semaine dernière, je sais désormais une chose ou deux sur Ryodan.
« Tu es humaine. Les hormones viendront t’affaiblir à chaque instant. Et tu es bien trop jeune pour connaître quoi que ce soit sur moi. »
« Je ne suis pas trop jeune pour ne rien connaître. Je sais que vous et les autres mecs baisaient tout le temps. J’ai vu ces femmes que vous gardez… »
Je ferme ma bouche.
“Tu as vu.”
“Rien. Je n’ai rien vu.”
Je ne laisse pas souvent échapper des choses. Du moins, cela ne m’arrivait pas avant. Mais les choses sont devenues bizarres ces derniers temps. Mon humeur change comme un caméléon sur un kaléidoscope. Je deviens susceptible et je finis par dire des choses que je n’aurais pas dû dire. Surtout quand quelqu’un m’appelle “gamine” et me donne des ordres. Je suis imprévisible, même à moi-même.
“Tu as été au niveau quatre.”
Ses yeux sont effrayants. Mais là encore, c’est Ryodan. Ses yeux sont souvent effrayants.
« C’est quoi, le niveau quatre ? » je demande innocemment, mais il ne me croit pas une minute.
Le niveau quatre est comme sorti tout droit d’un film porno. Je le sais. J’en regardais pas mal à l’époque, jusqu’à que quelqu’un qui ne se soucie de moi me fasse la leçon, comme si Cette Personne (*elle parle de Mac*) en avait quelque chose à faire. C’est stupide de penser que, juste parce qu’une personne vous crie dessus comme si elle était inquiète sur la manière dont vous grandissez ou de qui vous allez devenir, elle tient à vous.
Il sourit. Je haïs quand il sourit.
« Gamine, tu flirtes avec la mort. »
« Il faudra d’abord m’attraper. »
On sait tous les deux que ce n’est que de la bravade. Il peut m’attraper.

Il plonge son regard dans le mien. Je refuse de détourner les yeux, même si j’ai l’impression qu’il lit à travers mes rétines, qu’il revoit tout ce que j’ai vu. De longues secondes passent. Je relève le menton, plonge une main dans la poche de mon jean et sort ma hanche. Désinvolte, celle qui en a marre, voilà ce que mon corps dit. Juste au cas où il ne comprend pas le message que transmet l’expression de mon visage.
« J’ai senti un souffle d’air dans la partie privée du club la semaine dernière, déclare-t-il finalement. Quelqu’un passant vite. J’ai pensé qu’il s’agissait de Fade qui ne voulait pas être vu pour une quelconque raison. C’était toi. Pas cool, Dani. Pas cool du tout. Est-ce que je parle assez bien ton langage pour que cela pénètre tes tendances suicidaires et ton entêtement d’adolescente.»
Je roule des yeux.
« Heurk, vieux mec, par pitié, n’essayez pas de parler comme moi. Mon oreilles vont en tomber.”
Je lui lance un sourire suffisant aussi brillant qu’une centaine de Mega-watt.
« C’est pas ma faute si vous ne pouvez pas vous concentrer sur moi quand je passe. Et pourquoi vous faites une fixation sur tout ce truc d’adolescent ? Je sais quel âge j’ai. C’est vous qui avez besoin de vous le rappeler ? C’est pour ça que vous n’arrêtez pas de me le jeter à la tête comme une insulte ? C’en est pas une, vous savez. 14 est au sommet du monde. »
Brusquement, il est dans mon espace, l’envahissant complètement. Me laissant à peine de l’espace. Je ne vais pas rester sans rien faire. Je passe en mode super-vitesse. Ou du moins j’essaye. Je fonce sur lui, de plein fouet, frappant mon front contre son menton. Ce n’est pas assez dur. Me jeter sur lui en pleine vitesse aurait dû me fracasser à nouveau le crâne, pas juste chatouiller comme si j’avais buté contre lui. Je me lance en Mega-arrière. Je réussis à faire un pas ou deux, je n’arrive même pas à dépasser la portée de ses bras. C’est quoi ce bordel ? Je suis tellement décontenancée par mon échec que je me tiens là comme une idiote.

Échouer, avec un E en énorme lettre majuscule. Moi.
Il attrape mes épaules et commence à me tirer vers lui. Je ne sais pas ce qu’il a en tête mais il est hors de question que je m’approche de Ryodan. J’explose en une Dani-grenade, pieds et poings. Du moins j’essaye. Je retiens un coup complètement mou pour ne pas transmettre d’autres nouvelles catastrophiques à un mec à qui rien n’échappe et n’hésitera pas à utiliser mes faiblesses contre moi. Qu’est-ce qui m’arrive ? Est-ce que foncer dans lui m’a fait quelque chose ? Comme me briser ? Super-vitesse, partie. Super-force, partie. Je suis aussi faible qu’une morte et… eh ! Dans les bras de Ryodan. Proches. Comme si on allait danser un slow, ou commencer à s’embrasser.

« Mec, tu m’aimes bien ou quoi ? Lâche-moi! »

Il baisse les yeux pour me regarder. Je peux le voir réfléchir derrière ses yeux. Je n’aime pas que l’esprit de Ryodan réfléchisse quand il me regarde moi.
« Bats-toi, gamine. »
Je relève la tête, ma mâchoire saille comme pour dire « va te faire foutre ».
« Peut-être que j’en ai pas envie. Vous avez dit que ça ne servez à rien. Vous n’arrêtez pas de me dire combien vous êtes grand et en charge de la situation. »
« Ça ne t’a jamais arrêté avant cela. »
« Peut-être que je n’ai pas envie de me briser un ongle », je jette, nonchalante, pour couvrir le fait que je viens juste d’essayer de me battre.
Et de m’échapper.
Et pour la première fois depuis… toujours… je suis…. Norm-

Le mot reste coincé dans le fond de ma gorge. Je ne peux pas le sortir. Je ne peux pas l’avaler. Tout va bien. Je n’ai pas besoin de le dire. Ce n’est pas vrai. Cela ne le sera jamais. Je n’ai jamais été ce mot. Cela ne fait pas partie de ma réalité. J’ai probablement juste oublié de manger assez. Je me remémore rapidement ce que j’ai consommé ces dernières heures : 11 barres protéinées, trois boîtes de thon, cinq boîtes de haricots, sept Snickers. Bon, mon menu commence à se faire léger, mais pas assez pour drainer mes réserves. J’appuie de nouveau sur la pédale de la Super-vitesse. Je ne bouge toujours pas.

Il tient ma main, regardant les ongles courts que « Cette Personne » a peint en noir le soir où elle a découvert la vérité me concernant. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas enlevé le vernis. Il s’écaille rapidement avec toutes les batailles dans lesquelles je me trouve.

« Tu n’as pas d’ongles à briser. Essaye encore. »
« Lâchez ma main. »
« Force-moi à le faire. »

Avant que j’ai pu sortir une brillante réplique, ma tête est penchée en arrière, ma colonne arquée tel un arc, et le visage de Ryodan est dans mon cou. Il me mord.

Le salaud me mord !

En plein dans mon cou !



Tu n’es pas responsable du monde entier simplement parce que tu es plus douée que la plupart des gens. ”
“Bien sûr que si. C’est ce que les gens plus doués font. ”
“Tu pourrais me demander de t’apprendre.”
“Hein ?”
Cette nuit est de plus en plus bizarre.
“M’apprendre comme si vous enseigniez à une classe ou à un truc du genre ? Et vous allez appeler ça comment ? Toi-aussi-tu-peux-devenir-un-sociopathe-101? »
“Ce serait plutôt comme une classe d’un niveau avancé.”
Je commence à ricaner. Son sens de l’humour a tendance à vous frapper sournoisement. Puis je me souviens qui parle et me retient.
“Tu veux être plus rapide, plus forte et plus intelligente. Demande-moi de t’apprendre.”
“Je ne vous demanderai rien. Vous êtes peut-être plus rapide et plus fort. Pour l’instant. Mais certainement pas plus intelligent. ”
“C’est ton choix. Mais tourne-toi, car tu ne pars pas maintenant. Il fait nuit et tu sais ce que cela signifie.”
“Genre, il fait sombre ? ”
“Tu restes avec moi jusqu’à l’aube.”
“Pourquoi l’aube ? Vous êtes un vamp, un zombie ou quelque chose qui ne supporte pas la lumière ?”
“J’aime le sexe au petit-déjeuner, gamine. Je mange tôt, et souvent.”


Ryodan n’aime pas Mac. Il ne l’a jamais aimée. Elle s’est mise entre lui et son meilleur pote. Je lui jette un regard.
― Je vais vous dire un secret, Ryodan. Vous vous amusez avec elle, Barrons vous tuera.
Je passe un doigt en travers de mon cou.
― Juste comme ça. Barrons vous bottera les fesses sans même lever les mains.
Il sourit légèrement.
― Eh bien, on dirait que quelqu’un a le béguin pour Barrons.
― Je n’ai pas le béguin pour…
― Oh, si. C’est écrit sur ton visage. N’importe qui pourrait le voir.
― Parfois, boss, vous vous trompez lourdement.
― Je ne me trompe jamais. Tu pourrais tout aussi bien prendre une pancarte. « Dani O’Malley trouve Jericho Barrons canon ». Mon offre d’apprentissage est toujours ouverte. Cela t’épargnerait de futurs embarras. Si je peux le lire sur ton visage, lui aussi.
― Il ne s’en est jamais encore rendu compte, je grommelle avant de réaliser que je viens juste de l’admettre.
Ryodan a une manière de tourner les mots qui vous font dire des choses que vous n’aviez pas du tout l’intention de révéler.
― Je vais peut-être demander à Barrons de m’apprendre, je murmure avant de me tourner vers les escaliers, vers son bureau.
Je me heurte à son torse.
― Mec, bouge. J’essaye d’aller quelque part, là.
― Personne d’autre que moi ne t’apprendra quoi que ce soit, Dani.
Il me touche avant que je le vois venir, sa main sous mon menton, relevant mon visage. Mon frisson est instantané et incontrôlable.
― Ce n’est pas négociable. Tu as signé un contrat avec moi qui garantit l’exclusivité. Tu n’aimerais pas ce qui arriverait si tu tentais de le briser.


“Petite, quand apprendras-tu?”
“Vous seriez étonné par ce que je sais.”
“Tu es peut-être capable de te frayer un chemin hors de la toile d’araignée, mais se dépêtrer du sable mouvant, ce n'est pas la même chose. Plus tu te débats, plus tu perds pied. Résister accélère simplement ta défaite inévitable.”
“Je n’ai jamais été vaincue. Je ne le serai jamais.”
“Rowena était une toile d’araignée.”
Il touche ma joue de sa main qui tient le couteau. L’argent brille à moins d’un pouce de mon œil.
“Tu sais ce que je suis.”
“Un emmerdeur de première.”
“Le sable mouvant. Et tu danses sur lui en ce moment même.”
“Mec, qu’est-ce que vous faites avec le couteau ?”
“L’encre ne m’intéresse plus. Tu vas signer mon contrat dans le sang.”
“Je croyais que vous aviez dit que c’était une candidature, lui dis-je, énervée ”
“Ça l’est, Dani. À un club très exclusif. Ce qui M’appartient.”
“Je n’appartiens à personne.”
“Signe.”
“Vous ne pouvez pas…”
“Ou Jo meurt. Lentement et dans la douleur.”
“Mec, pourquoi tu continues de parler ? Enlève mes chaînes et file-moi ce fout
u contrat.”

“Vous n’êtes pas patient. Vous vous focalisez sur une chose et vous précipitez dessus comme un missile. Vous êtes l’homme le plus insistant et manipulateur que je connaisse. Et j’ai vécu avec Rowena. ”

“Patience et persévérance sont mutuellement exclusives. Tu n’as pas idée de combien je peux être patient. Quand je désire quelque chose.”

“Qu’est ce quelqu’un comme vous peut bien désirer ? Plus de pouvoir ? Plus de jouets ? Plus de sexe ?“

“Tout cela. En même temps.”

“Vous n’êtes qu’un salaud avide.”

“Je vais te dire quelque chose. La plupart des gens passent leur temps limité dans ce monde seulement à moitié en vie. Ils traversent les jours dans un brouillard de responsabilité et de ressentiment. Quelque chose leur arrive peu après leur naissance. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent et commencent à adorer les mauvais dieux. Devoir. Pitié. Égalité. Altruisme. Il n’y a rien que l’on doive faire. Fais ce que tu veux. La pitié n’excite pas dans la nature. Elle est l’égale opportunité de tuer. Nous ne sommes pas nés pareils. Certains sont plus forts, plus intelligents, plus rapides. Ne t’excuse jamais pour cela. L’altruisme est un concept impossible. Il n’y a pas d’action que tu réalises qui ne découle de ce que tu veux ressentir. Ce n’est pas être avide. Mais vivant. Et heureux de l’être chaque foutu jour.”

Je m'écarte du pilier en vacillant. Au moment où je m'apprête à me retourner, je suis à nouveau projetée contre la colonne. Cette fois, je jure que je vois des étoiles et que j'entends des coucous siffler. Je suis tellement étourdie que ma main retombe de la garde de mon épée. J'entends Jo crier derrière moi :
Non ! Ne lui fais pas de mal ! Arrête !
À peine ai-je ébauché un mouvement que je suis plaquée derechef avec violence contre le pilier. Ma lèvre se fend. Ivre de rage, je passe en mode arrêt sur image, dégaine mon épée et la brandis. Si c'est Mac, je ne veux pas lui faire de mal - je veux juste pouvoir m'enfuir -, mais il faut vraiment qu'elle cesse de me provoquer devant tout ce foutu club. J'ai une réputation à préserver.
Mon arme vole de ma main avant que j'aie eu le temps de me retourner. Et, pour la quatrième reprise, je suis frappée et vais mordre cette maudite colonne.
Fais encore un mouvement et je t'arrache le cœur.
Je me fige, aussi immobile que les morceaux d'Unseelies sur les scènes glacées. Ce n'est pas Ryodan qui vient de parler derrière moi. Il a été mortellement éviscéré. Je dois avoir des hallucinations. Ou alors, c'est son fantôme qui me hante. J'aurais dû me douter que ce type reviendrait d'entre les morts pour me pourrir la vie. Déjà, de son vivant, c'était un pro à ce genre de petit jeu.
Je suis écrasée si violemment entre le pilier et la personne qui se trouve derrière moi que je peux à peine respirer.
Vous ne pouvez pas être là, dis-je. Vous êtes mort.
Il me plaque de nouveau contre la colonne, m'arrachant un glapissement.
J'ai découvert ton existence l'année de tes neuf ans, commence-t-il. Fade m'a dit qu'il avait vu dans la rue une gamine humaine capable de se déplacer comme nous. Il a demandé, comme tous mes hommes, que tu sois tuée sans délai. Pour ma part, je trouve rarement nécessaire d'éliminer les enfants humains. Ils ne vivent pas longtemps, de toute façon.
Ça, c'est du Ryodan tout craché. Glacial. Dénué de toute émotion. Peut-être Ryodan avait-il un frère jumeau dont j'ignorais l'existence ? 
Sinon, c'est moi qui suis devenue complètement cinglée et je suis tourmentée par ma mauvaise conscience, avec un réalisme aussi délirant que stupéfiant. Il est mort. Impossible de s'y tromper. J'essaie de bouger ma main pour essuyer le sang de mon visage. Il l'écrase si violemment entre ses doigts que j'en ai presque les os broyés.
J'ai dit : tu ne bouges pas. Même pas un cheveu sur ta tête, compris.
Encore du Ryodan pur jus. Pas de points d'interrogation. Comme je déteste qu'on me dise ce que je dois faire, je ne réponds pas. Un os de mon petit doigt claque. Avec douceur et précision. Comme s'il voulait me montrer qu'il pourrait tous les briser un par un s'il en avait envie. Je serre les dents.
Compris.
Quand tu as eu dix ans, Kasteo m'a dit que tu t'étais procuré l'épée. Mes hommes ont exigé que je la prenne et, de nouveau, que je te tue. De nouveau, j'ai estimé que le chaton pleurnichard mourrait bien assez tôt.
Je ne suis pas un chaton et je ne pleurniche pas. Aïe ! Vous m'avez dit de ne pas bouger. Je n'ai pas bougé, j'ai parlé.
Ne parle pas. Et tu pleureras avant la fin de la soirée. Dans un instant, je vais reculer d'un pas et te libérer. Tu vas te retourner et me suivre en marchant derrière moi. Tu ne parleras à personne. Tu ne regarderas personne. Si quelqu'un d'autre que moi te parle, tu ne répondras pas. Tu ne bougeras aucune partie de ton corps qui ne soit pas nécessaire pour monter l'escalier et entrer dans mon bureau. Si tu dévies de mes ordres d'une quelconque façon, je te brise la jambe gauche devant tout le club. Si tu te débats pendant que je le fais, je te casse aussi la droite. Puis je te porterai en haut de l'escalier que je te donne le choix de gravir par toi-même, et je te casserai les deux bras. Je suppose que je me suis montré clair. Réponds-moi.
Aussi clair que le sol de votre bureau.
Il ne peut pas être vivant. J'ai regardé la Sorcière pourpre lui arracher les entrailles et les coudre à sa robe. Et il ne me casserait tout de même pas les bras et les jambes. Si ?
La présence derrière moi disparaît. Pendant une seconde, je suis surprise par le froid qui m'envahit. Jusqu'à ce qu'il s'écarte, je n'avais pas remarqué la chaleur qu'il irradie.

Il ne peut pas être vivant. La personne derrière moi ne peut pas être Ryodan. Ou alors, Barrons aussi est-il en vie ? Comment le peuvent-ils ? Je sais qu'ils sont coriaces et tout ça, mais personne ne survit à une telle éviscération ! Où ont-ils trouvé de nouveaux boyaux ? Quelqu'un les a-t-il repris à la Sorcière pourpre pour les leur remettre ? Va-t-il ressembler à la créature de Frankenstein ?
Je ne veux pas me retourner. Je n'aime aucune des possibilités qui m'attendent. Si ce n'est pas Ryodan, je suis folle. Si c'est Ryodan, man, je suis morte.
Retourne-toi, la môme.
Je ne peux pas faire bouger mes pieds. Je ne peux pas imaginer qu'il soit là, devant moi. Je tremble comme une feuille. Moi ! Bon sang, qu'est-ce qui m'arrive ? Je suis une dure à cuire ! Je n'ai peur de rien !
Tout de suite.
Je prends une profonde inspiration et pivote sur mes talons. Je scrute son visage, son corps, sa façon de se tenir, l'expression de son regard, son sourire imperceptible et arrogant.
Soit c'est Ryodan, soit c'est un clone parfait.
Je refuse de croire ce qui m'arrive alors. Je hais les hormones, je hais Chez Chester, et par-dessus tout, je hais Ryodan. Je ne peux pas tomber aussi bas. Je ne vais pas y survivre !
J'éclate en sanglots.
Ryodan fait volte-face et se dirige vers l'escalier.
Je trottine lamentablement derrière lui. Tout ce putain de club est en train de regarder Dani Mega O'Malley pleurnicher et suivre docilement Ryodan, sans un mot, comme un toutou bien dressé. Je refuse d'y croire. Je hais ma vie. Je me hais. Je hais mon stupide visage. J'ai envie de m'écrier, pour sauver mon honneur : « Il m'a cassé les côtes et si je pleure, c'est de douleur, parce qu'il y en a une qui est en train de me perforer le poumon, mais je suis coriace, dès que j'irai mieux, je lui botterai les fesses, et à vous aussi, je vous botterai les fesses ! », mais je suis à peu près certaine que si je dis un mot, il va vraiment me casser la jambe. J'essuie mes yeux d'un geste furieux. Mes stupides, grotesques, traîtres d'yeux, avec leurs stupides, grotesques, traîtres de canaux lacrymaux.
Un silence total est tombé sur tout le club. Humains et faës s'écartent devant nous pour nous laisser passer. Jamais je n'ai subi une telle humiliation, et c'est affreusement douloureux. Jo est là, livide, faisant passer son regard de Ryodan à moi et inversement. Elle est peut-être son coup de cœur du mois, mais je peux dire à son expression qu'elle a peur de le provoquer. Ses lèvres forment des mots. Excuse-toi ! Plie, ou il te rompra !
Plutôt mourir. La Mega ne s'incline pas. Je dépasse Lor au bas de l'escalier qui mène au niveau supérieur. Je détourne les yeux, car je ne supporte pas qu'il me regarde me comporter comme un bébé. Il se penche tout près de moi et murmure à mon oreille, très doucement :
Ma belle, tu viens peut-être de sauver ta vie, avec ces larmes. Je croyais que tu avais trop d'ego et pas assez de bon sens pour savoir quand il faut sangloter. Il ne peut pas supporter de voir une femme pleurer. Chaque fois, ça le perd.
Je le fixe. Il me décoche un clin d'œil.
Je le fusille du regard, puisque je ne peux pas le faire en paroles, façon de lui dire Je ne suis pas une femme, et je ne pleure pas, et je n'ai peur de rien.
Il peut supporter de ne pas avoir le contrôle sur toi tant que tu laisses le monde entier croire qu'il l'a. Il est le roi, ici, ma belle. On ne défie pas un roi en public.
Personne ne me contrôle. Personne répondent mes yeux. Et je défie qui je veux, quand je veux, putain de putain !
Il sourit.
Message reçu, la môme. Cinq sur cinq. Souviens-toi juste de ce que je t'ai dit.
Je serre la mâchoire et suis Ryodan dans l'escalier.
Il pivote vers moi dès l'instant où je ferme la porte.
Sèche ces larmes. Tu ne pleures pas. Je ne veux pas que tu pleures. Arrête. Immédiatement.
Je ne pleure pas ! J'ai pris de la poussière dans les yeux quand vous m'avez cognée contre ce pilier. Et moi, je veux que les gens morts restent morts ! Alors je suppose que nous sommes aussi déçus l'un que l'autre, hein ?
C'est ce que tu es ? déçue ? Tu m'as vu être mortellement éviscéré, et maintenant que je me tiens devant toi, vivant, tu es déçue ?
Aurais-je entendu, genre, trois points d'interrogation ?
Je t'interdis de jouer avec les mots !
Il me propulse contre le mur, si violemment que le panneau vibre sous mon dos.
Vous vous moquez bien de ce que je ressens. Vous ne vous en êtes jamais soucié. Vous vous contentez de me donner des ordres en espérant que je vais obéir et vous vous énervez si je ne le fais pas. Je ne suis rien pour vous, alors ne venez pas me raconter que vous vous préoccupez un seul instant de ce que j'éprouve !
La loyauté vient de ce que tu ressens. Ou pas. Tu ne marches pas sur de la glace, la môme, tu es sous l'eau. Avec ma main sur ta tête, pour te maintenir dessous. Alors choisis bien : M comme Mensonge. Et comme Mort. Ou V comme Vérité. Et comme Vie.
Son visage n'est qu'à trois centimètres du mien. Il halète et je ressens la violence qui est en lui. Lor m'a dit de pleurer pour le manipuler. C'est bon pour les nunuches. Pas question de tomber aussi bas. Je suis aussi solide et dangereuse que lui.
Il est vivant. Il est ici. En train de me brutaliser. Sans doute dans le but de m'ordonner de reprendre mon poste. Enfin, une fois qu'il m'aura tuée.
Nous sommes de nouveau nous-mêmes. Robin et Batman.
Il est vivant.
Des pleurs jaillissent de mes yeux.
Arrête !
Il me plaque contre la paroi, si fort que mes dents claquent, mais ces foutues larmes continuent de couler.
Je rebondis et, profitant de mon élan, je m'élance contre lui de toutes mes forces. Il me prend le poignet au moment où je me cogne sur lui et, tout en reculant sous l'impact, il m'entraîne avec lui. Nous nous heurtons contre son bureau. Je vole au-dessus comme sur un tremplin, fais une roulade et bondis sur mes pieds tout en écartant mes cheveux de mes yeux.
Je pose mes paumes sur la table et rugis :
Vous ne comprenez pas que je le ferais, si je pouvais ! Vous croyez que ça m'a fait plaisir de me ridiculiser devant tout votre putain de club ? et devant vous ? Espèce de stupide crétin d'idiot débile ! Et d'abord, que faisiez-vous près de ce mur ? Comment se fait-il que vous ayez été là, à cet endroit précis, juste au moment où on est sortis ? Je veux dire, qui a une chance aussi invraisemblable ? Depuis que je vous fréquente, ma vie est un putain de cauchemar ! Vous ne pouviez pas rester mort ?
Il plaque à son tour ses mains sur le bureau, si fort que celui-ci se brise au milieu.
Tu ne me convaincs pas.
Je le fusille du regard à travers mes larmes.
Je n'essaie pas. Je me fous de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Il faut me prendre comme je suis, ou me laisser, mais je ne changerai pas, ni pour vous ni pour personne, et je n'ai pas non plus l'intention de faire semblant, alors si vous vous imaginez qu'en me brisant les os les uns après les autres vous obtiendrez autre chose que, eh bien, de m'avoir brisé les os, bonne chance !
Voilà que je sanglote, à présent, et je ne sais même pas pourquoi. J'ai l'impression que depuis que je suis sortie de ce mur avec la Sorcière pourpre et que j'ai vu celle-ci tuer Barrons et Ryodan, je suis enfermée dans un grand et gros nœud de souffrance, et que dès l'instant où j'ai reconnu Ryodan et compris qu'il était vivant, vraiment, réellement vivant, et que je n'allais pas passer le reste de ma vie avec sa mort sur la conscience sans plus jamais voir son sourire arrogant, ce nœud s'est détendu, et quand il a cédé, tout en moi s'est effondré, et tout mon être a laissé échapper un soupir de soulagement, et quelque part, je devais avoir un puits de larmes en moi, comme si chacun en possédait une certaine réserve, et si vous ne les laissez jamais jaillir, il suffit qu'une seule d'entre elles s'échappe pour ouvrir des vannes impossibles à refermer. Pourquoi personne ne m'explique-t-il jamais les règles de la vie ? Si j'avais su que ça fonctionnait comme ça, je serais allée me cacher quelque part et j'aurais pleuré jusqu'à épuisement de mon quota ! Ce que j'éprouve est pire que de partir du mauvais pied quand je zappe. C'est une sorte de dérapage émotionnel non contrôlé.
Je le regarde en me disant, mince alors, si seulement Alina pouvait avoir survécu à ce que je lui ai fait ! Mac aurait retrouvé sa sœur. Et moi, je n'aurais pas passé le reste de ma vie, chaque jour, chaque minute, à me détester, parce que même si je suis pratiquement certaine que Rowena m'a fait quelque chose ce soir-là pour me transformer en une sorte d'automate incapable de volonté propre, j'étais là. J'étais  ! Je l'ai emmenée à l'endroit où elle est morte en lui mentant, en lui racontant que j'avais quelque chose de très important à lui montrer, et comme je n'étais qu'une gamine, elle m'a fait confiance ! Je suis restée dans cette ruelle et j'ai regardé la sœur de Mac se faire tuer par des faës que j'aurais pu arrêter d'un coup d'épée, et je ne pourrai jamais changer cela, et je ne pourrai jamais effacer cette scène de sous mes paupières. Elle est gravée au fer rouge dans mon âme pour le reste de ma vie, en supposant qu'il me reste une âme, après tout le mal que j'ai fait !
J'ai blessé Mac plus que rien d'autre dans sa vie ne l'a fait, et je ne peux pas me rattraper.
Pourtant... il y a tout de même un revers à cette médaille. Si Ryodan n'est pas mort, Barrons non plus. Au moins, Mac a toujours Barrons.
Tu as tué la sœur de Mac, murmure Ryodan. Ça alors...
Je ne l'ai pas dit.
Sortez de ma tête !
Il saute par-dessus le bureau et atterrit pratiquement sur moi. Et une fois de plus, il me plaque contre le mur, me prend la tête dans l'étau de ses mains et m'oblige à le regarder.
Qu'as-tu ressenti, quand tu as cru me tuer.
Il regarde dans mes yeux comme s'il n'avait pas besoin que je formule ma réponse à haute voix, qu'il suffisait que je la pense. J'essaie de me pencher pour l'empêcher de sonder mon esprit mais il ne me laisse pas faire. Il me tient fermement, mais presque avec douceur, maintenant. Je déteste qu'il soit doux. Je préfère me battre car, alors, je sais exactement où nous en sommes.
Réponds-moi.
Je ne lui réponds pas. Je ne lui répondrai jamais. Je le hais. Parce que quand j'ai cru le tuer, je me suis sentie plus seule que je ne l'avais été depuis bien longtemps.
Définis l'amour.
Je plonge mon regard dans ses yeux clairs et froids. J'y lis une sorte de défi. Je ne comprends pas ce type, mais ce qu'il demande est facile. Dans ma cage, j'ai eu tout le temps d'y réfléchir. Un jour, j'ai vu un débat à la télé où l'on donnait la définition parfaite de l'amour. Je la lui répète.
C'est le fait de se soucier et de prendre soin activement de la santé et du bien-être du corps et de l'esprit d'une autre personne. Activement. Pas passivement.
En un mot, on se souvient en permanence de cet être. On ne l'oublie pas. On tient compte de sa présence dans notre vie, chaque jour, chaque heure qui passe. Quoi qu'on fasse. Et on ne le laisse pas enfermé quelque part en train de mourir.
Réfléchis à ce que cela implique, répond-il. Donner à manger. Un toit. Une protection contre ses ennemis. Un lieu où se reposer et guérir.
Vous oubliez le cœur, mais de votre part, ça ne m'étonne pas. Parce que vous n'en avez pas. Vous n'avez que des règles. Ouais, et encore d'autres règles.
Dani, intervient Jo, ne pourrait-on pas...
Ryodan l'interrompt.
Ces règles permettent aux gens de rester en vie.
Jo fait une nouvelle tentative.
Écoutez, tous les deux, il me semble que...
Ces règles étranglent ceux qui ont besoin de respirer, dis-je en lui coupant la parole.
De toute façon, personne ne l'écoute.
Tout à coup, il me prend par le col et me soulève dans les airs. Mes pieds quittent le sol et dansent dans le vide, mon nez touche le sien.
D'après ta propre définition, dit Ryodan, toi non plus tu n'aimes personne. Je pourrais te répondre que pour ta part, tu n'appliques que l'une de ces trois options aux personnes les plus proches de toi : tu t'en fais des ennemis, tu assassines ceux qu'ils aiment ou tu les mènes à la mort. Fais attention. Tu es sur un terrain plus glissant que jamais, avec moi.
Parce que je vous demande si vous aimez Jo ? répliqué-je froidement, comme si je n'étais pas en train de me balancer, impuissante, suspendue par le col de ma chemise.
Comme s'il ne venait pas de me frapper là où ça fait mal.