Mare
Barrow a échangé sa liberté contre celle de ses amis. Retenue
prisonnière par l’homme qu’elle aimait autrefois et désormais
roi, Maven, elle est dans l’incapacité d’utiliser son pouvoir et
subit maintes humiliations et mauvais traitements.
Pendant
ce temps, la rébellion continue de s’organiser, de s’entraîner
et d’étendre son influence, plus que jamais décidée à lutter
contre l’oppresseur. Mais en l’absence de la faiseuse d’éclairs,
qui mènera cette armée au bout de son ambition ?
Un
troisième et avant-dernier tome tout en tension, où une simple
étincelle peut provoquer le plus destructeur des incendies et où la
moindre goutte de sang peut engendrer le plus terrible massacre.
Victoria
Aveyard est scénariste. Passionnée de séries télévisées et de
cinéma, elle ne peut survivre sans Netflix. Son premier roman, Red
Queen, a été vendu aux enchères dans une vingtaine de pays.
Une série que repart! Aucun temps morts. Une écriture nerveuse qui sert des personnages tourmentés, cruels. J'ai adoré! |
Lorsqu’il
se lève, la peur glaciale qui se répand dans mon ventre n’a rien
de factice, elle non plus. Il contourne la table à longues enjambées
élégantes et je contracte chacun de mes muscles. Je me tends pour
ne pas trembler. En vain. Je me prépare au coup qui va suivre…
Pourtant, il me prend le visage entre deux mains étonnamment douces.
Ses pouces viennent se placer sous ma mâchoire, à quelques
centimètres de ma jugulaire.
Son
baiser est encore plus brûlant que la marque qu’il a laissée sur
ma clavicule.
La
sensation de ses lèvres sur les miennes est la pire des violations.
Dans mon intérêt, je me concentre sur mon objectif et je presse mes
poings contre mes cuisses. J’enfonce mes ongles dans ma peau plutôt
que dans la sienne. Il faut que je le convainque comme j’ai
convaincu son frère. Il faut qu’il me choisisse… Pourtant, je ne
trouve pas la force d’ouvrir la bouche.
Il
s’écarte en premier. Ses yeux fouillent les miens à la recherche
du mensonge que je cache au plus profond de moi.
—
J’ai
perdu la moitié de ceux que j’aimais.
—
À
qui la faute ?
Étonnamment,
il tremble encore plus fort que moi. Il recule et se griffe
l’intérieur des paumes. Le geste me surprend : je fais la même
chose. Quand la douleur mentale est trop forte, je cherche à en
créer une autre. Remarquant que je l’observe, il se fige et plaque
ses deux bras le long de son buste.
—
Elle
m’a fait perdre une bonne partie de mes mauvaises habitudes,
admet-il. Mais pas celle-là. Certains travers reviennent toujours.
Elle.
Elara. Son œuvre se tient sous les yeux. Le garçon transformé en
roi à force de tortures qu’elle a fait passer pour de l’amour.
Il
se rassied lentement. Je ne le lâche pas du regard, consciente de le
déstabiliser. Je le trouble et je ne m’en explique toujours pas
très bien la raison.
La
moitié de ceux que j’aimais. Je ne sais pas pourquoi j’entre
dans cette catégorie. Mais c’est la raison pour laquelle je
respire encore aujourd’hui. Prudemment, j’oriente à nouveau la
conversation sur Cal.
—
Ton
frère est vivant.
—
Malheureusement,
oui.
—
Et
tu ne l’aimes pas ?
Il
garde la tête baissée, pourtant son trouble transparaît : ses yeux
restent rivés sur un rapport. Pas parce qu’il est surpris ou même
triste. Il a l’air plus perplexe qu’autre chose, un petit garçon
qui cherche à assembler un puzzle dont il manque un trop grand
nombre de pièces.
—
Non,
finit-il par mentir.
—
Je
ne te crois pas.
Je
secoue la tête. Je me souviens très bien d’eux tels qu’ils
étaient. Des frères, des amis, élevés ensemble pour faire front
contre le reste du monde. Maven ne peut pas se couper de tels
souvenirs. Même Elara n’a pas pu briser de tels liens. Peu importe
que Maven ait tenté de tuer Cal à plusieurs reprises : il ne peut
nier ce qu’ils étaient à une époque.
—
Tu
es libre de croire ce que tu veux, Mare.
Comme
plus tôt, il joue l’indifférence, déployant des trésors
d’énergie pour me convaincre que son frère ne représente rien à
ses yeux.
—
Je
sais, moi, que je ne l’aime pas.
—
Ne
mens pas, Maven. J’ai des frères et une sœur moi aussi. Et les
choses sont compliquées, surtout avec Gisa. Tout lui réussit mieux,
elle a toujours été plus douée, plus gentille, plus maligne. Tout
le monde la préfère.
J’exploite
mes anciennes angoisses, m’en sers pour tisser une toile dans
laquelle prendre Maven.
—
Je
te parle en connaissance de cause : perdre l’un d’eux, perdre un
frère…
Ma
respiration s’emballe, mon esprit aussi. Continue, puise dans ta
douleur.
—
Rien
ne fait aussi mal.
—
Shade,
c’est bien ça ?
—
Je
t’interdis de prononcer son nom ! m’emporté-je, oubliant un
instant mon objectif.
La
blessure est trop récente, trop à vif. Il ne bronche pas.