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vendredi 4 mars 2022

Les Coeurs hantés, Tome 1 : La Mélodie du fantôme d' A. G. Howard



 

Juliette Emerline, du haut de ses dix-neuf ans, isolée par la surdité, subsiste dans la solitude de sa demeure en créant des chapeaux. Mais son sanctuaire est mis en péril lorsque Lord Nicolas Thornton, un architecte mystérieux de vingt-sept ans, décide d’acheter son humble domaine pour donner vie à ses plans excentriques. Lorsqu’elle le surprend à déambuler au cimetière, Juliette décide de mener secrètement l’enquête.

Sur la tombe que Lord Thornton vient de quitter, elle découvre le seul nom de "Hawk", et une fleur étrange. Quand Juliette touche ses pétales, le spectre d’un jeune aristocrate lui apparaît, et lui chante une mélodie que seules ses oreilles sourdes peuvent entendre. Le fantôme ne se souvient ni de son identité, ni de sa mort ; mais c’est le nom de Thornton qui, dans l’amnésie, le hante encore.

Pour venger son nouveau compagnon et sauver son domaine, Juliette brave sa peur de la haute société et voyage jusqu’à l’hôtel isolé où Lord Thornton lui propose un poste de chapelière pour la saison estivale. Là-bas, elle se trouvera tiraillée et ne saura plus à qui accorder sa confiance : l’architecte de chair et de sang qui semble la comprendre et la touche avec ses gestes romantiques, ses lettres sincères et ses caresses sensuelles… ou le spectre, avec ses mélodies profondes et ses déclarations ardentes, capable d’émouvoir son esprit et son âme comme aucun homme.

Alors que les secrets sinistres qui lient Lord Thornton à son domaine et à Hawk se dévoilent un à un, Juliette s’enfonce dans un labyrinthe de faux-semblants. Mais il est trop tard pour fuir, et l’amour tragique qui fleurit dans son cœur transformera son monde silencieux pour toujours.



 


J'ai été littéralement conquise par le style de l'auteure. Je me suis plongée avec Juliette dans cette romance qui nous plonge dans le monde occulte du 19ème siècle. Cela donne un style gothique et très esthétique.


Juliette vit dans le monde du silence. Celui-ci prend fin quand elle rencontre Ethan, un beau fantôme. Il ignorait en être un avant de rencontrer la jeune femme. Il va donc s'agir de découvrir les raisons de cette mort. Cela se met en parallèle avec une belle histoire d'amour qui oppose deux frères : le fantôme et son frère vivant.



Alors comme je l'ai dit, j'ai été conquise par le style de A.G. Howard. J'ai adoré la construction du récit mais même suis je me suis plongée dans le roman, j'aurai aimé une romance mieux construit. Lord Thornton (le vivant) aurait mérité d'être mieux mis en valeur.



J'ai donc été (un peu) déçue par la romance même si elle est très belle. Elle manque de peps et elle se dévoile trop tardivement pour moi.


Une auteure à découvrir avec cette belle histoire même si (j'avoue) elle ne m'a pas totalement convaincue.



Avant que je ne puisse réagir, il se pencha en avant pour attraper mon poignet. Sa main se dispersa autour de ma peau comme une volée de pissenlits, puis réapparut. Il me sembla qu'un souffle de vent était passé sur ma chair. Il poussa un cri ; dans ma surprise, mes genoux bougèrent brutalement, et firent tomber le pot. La terre meuble tomba sur mes pieds alors même que mon invité disparaissait.



Si nous ne pouvions pas nous toucher au sens traditionnel du terme, car Hawk ne pouvait entrer en contact avec les objets qu'avec la violence, il avait récemment découvert la possibilité de manipuler les tissus, s'il y mettait beaucoup d'énergie. Nous n'avions pas encore complètement exploré cette nouveauté, et mon compagnon fantomatique commençait à perdre patience.



Des larmes brûlantes roulaient sur mes joues, et dissimulèrent presque l’étrange brillance qui tachait mes doigts. La lueur me rappelait la fois où, enfant, j’avais accidentellement écrasé une luciole dans ma main. Le résidu semblait suinter de la fleur.

Je séparai précautionneusement les pétales pour étudier le pollen phosphorescent de plus près. Avant que je ne puisse trouver une réponse à mes questions, une chanson éclata dans mes tympans.

Ma colonne vertébrale trembla violemment ; tous mes sens étaient en alerte.

Impossible. Je me trompais. Onze ans sans un son ; il y avait si longtemps que je n’avais pas échappé au rugissement du vide, engloutie comme au creux d’un coquillage. Comment pouvais-je soudain entendre ?

Je sursautai alors que les notes musicales éclataient de nouveau, comme pour me contredire, vibrant dans mon crâne, une piqûre exquise que j’avais jadis tenue pour acquise.

C’était une berceuse, chantée par une émouvante voix de baryton, aux paroles étrangères.

À deux pas de moi, un homme apparut lentement, fragment par fragment, comme peint par une mélodieuse perle de bruit, jusqu’à ce qu’il soit face à moi, assis sur le tabouret de ma mère. Il avait posé ses mains gantées de blanc sur ses oreilles et sa mâchoire rasée de près bougeait avec la chanson. Sa peau… brillait comme les pétales au creux de ma paume.

Le chant s’interrompit et l’homme leva soudain la tête. Il me fixa avec une expression de surprise et de confusion qui reflétait la mienne. Son âge était proche du mien, et son visage était princier et exotique ; des linéaments élégants et des angles ciselés : des pommettes hautes, le menton carré, un nez très droit, des lèvres sensuelles, et des sourcils marqués au-dessus de ses yeux en amande.

C-comment êtes-vous entrée ici ? demanda-t-il.

Avec un cri d’angoisse, je soulevai un seau vide et le lançai vers lui. L’objet passa à travers son corps, heurta une cage, et réveilla les oiseaux. Ils se mirent à voleter, en proie à une panique qui m’était complètement silencieuse.

Bouleversée, je laissai tomber la fleur. L’intrus disparut à cet instant.

J’appuyai les épaules contre le mur et éclatai en sanglots. Ma gorge me brûlait comme si j’avais avalé des épingles.

C’était donc ma punition pour avoir profané une tombe ? J’allais devenir folle ?

Je passai la serre en revue et ne trouvai aucun signe (si ce n’était le seau oublié et les oiseaux agités) de l’apparition. Mes doigts ne brillaient plus. Et pourtant, je ne pouvais m’empêcher de trembler.

Il y avait forcément une explication. Le venin de la fleur devait avoir des propriétés hallucinogènes. La piqûre de l’épine, plus tôt, avait dû provoquer cette apparition auditive. Mes yeux ne m’auraient pas trahie dans d’autres cas. Je les avais formés pendant plus d’une décennie à la perspicacité et l’attention.

Je m’emparai d’un pot déjà rempli de terre tournée. Puis, usant du ruban de gros-grain de nouveau, j’empoignai la fleur sans la toucher directement, et repris le chemin de la maison en passant par le sentier boueux. Je verrouillai la porte derrière moi.

Haletante, je restai immobile un moment, le front pressé contre le chambranle alors que l’ourlet mouillé de ma robe formait des flaques brunes sur le sol.

Une main se posa sur mon épaule, arrachant à mes poumons surpris un cri tremblant, et je fis volte-face. Enya me regardait, ses grands yeux verts emplis de curiosité.

Tu m’as fait peur, marmonnai-je.

En fronçant les sourcils, elle souleva le bas de sa chemise de nuit pour éviter l’eau crasseuse qui tachait le sol. Son regard revint au pot que je serrais contre ma poitrine.

La préférée de Maman, expliquai-je en montrant la fleur que j’avais dans la main, honteuse de devoir lui mentir.

Tu as été à la serre ? À cette heure-ci ?

Enya avait déjà nettoyé la table et allumé un feu dans la cheminée ; la lumière orange illuminait son visage alors que je lisais ses lèvres.

Comment vas-tu, Juliette ? Tu as l’air d’avoir vu un f…

Elle s’interrompit et replaça une boucle rousse qui s’était échappée de son bonnet de nuit.

Pardonne-moi.

Je hochai la tête, mais l’insinuation éveilla un nouveau frisson dans mon sternum. Je m’éloignai des flaques que j’avais laissées sur le perron et posai le pot sur le sol. Enya se pencha pour m’aider, mais je la repoussai. Elle cligna des yeux, comme si j’étais complètement folle.

Je l’étais peut-être. J’essayais simplement de lui épargner le même sort.

J’ajustai mes gants pour éviter une nouvelle blessure de la plante vénéneuse, puis enfonçai les racines dans la terre meuble. Les pétales reprirent de leur souplesse après que je les eus arrosées.

Nous pourrions la poser près de la fenêtre, dit Enya en s’accroupissant près de moi, pour que la lumière du matin la baigne.

Son doigt se souleva pour venir caresser la fleur argentée. Je la bloquai avant qu’elle n’y parvienne.

S’il te plaît. Ne la touche pas. Ses pétales sont très fragiles.

Elle recula, le visage assombri par l’inquiétude et la peine. À vingt-neuf ans, Enya était pour moi ce qui se rapprochait le plus d’une sœur aînée. Maman lui avait offert un emploi de femme de chambre il y avait dix ans, quand son père avait abandonné sa famille, les laissant sans le sou. Enya et moi étions souvent en désaccord sur les conventions de la société, mais nous avions une profonde affection l’une pour l’autre. Je regrettais de devoir lui parler si durement, ce soir plus encore… Mais je voulais m’assurer de sa sûreté, tant que je ne savais pas à quel point cette fleur était dangereuse.

Dangereuse. J’étudiais les pétales délicatement recourbés. Quel étrange adjectif pour une chose si belle. Une fleur. Pas plus. Pas moins.

Enya fit un pas en arrière.

Un bain te ferait du bien.

Elle traversa la pièce et mit de l’eau à chauffer, tout en me lançant des regards d’inquiétude de temps à autre. Elle poussa la baignoire vide près de la pile de bois que mon oncle avait rassemblé avant l’enterrement.

J’attachai mes cheveux et me débarrassai de mes vêtements, l’esprit tourné vers mon oncle, seul dans sa maison de pierres, au-delà de la colline, accompagné seulement de son épagneul sénile et de ses regrets. J’aurais presque voulu revenir sur mon refus de passer la nuit chez lui. Peut-être n’aurais-je pas chancelé au bord de la folie, si nous avions été ensemble, cherchant à nous distraire du chagrin, nous occupant l’un de l’autre. Mais je voulais prouver mon indépendance, et lui montrer que je pouvais m’en sortir avec seulement Enya et un rossignol.

Enya quitta la pièce en promettant de revenir bientôt avec ma chemise de nuit et des serviettes.

Je tirai le pot de fleur près du bac avant de glisser mes membres fatigués dans la baignoire. L’eau chaude se referma sur moi. Pour protéger mon médaillon, je le retournai contre mon cou et le laissai pendre derrière ma nuque, au-dessus du rebord.

Les yeux mi-clos, je jetai un œil vers la fleur.

Peut-être avais-je imaginé cet homme (cette hallucination), peut-être avais-je besoin d’une preuve de la vie après la mort, pour me rapprocher de ma mère et de mon père, d’une façon ou d’une autre. Le deuil pouvait tirer du cœur des mélodies convaincantes, sous prétexte de vouloir à tout prix revoir un proche disparu. Il arrivait souvent que je choisisse une chanson exhumée de mes souvenirs pour la ressusciter en esprit. J’avais peut-être oublié la voix de ma mère, mais je n’avais jamais perdu les notes et les paroles qu’elle chantait.

Et pourtant, la berceuse que j’avais entendue était fredonnée dans une langue que je ne connaissais pas. Comment avais-je pu imaginer une voix d’homme si sensuelle, si pleine d’émotion et de profondeur, entonner cette harmonie inconnue ?