« Un
jour, tu voudras embrasser cette femme plus que tu ne souhaiteras
inspirer ton prochain souffle »
Le
résumé:
(Trad
BdP)
Spindle
Cove est la destination de choix pour plusieurs types de ladies :
celles
qui sont terriblement timides, de jeunes épouses
désenchantées par leur mariage, de jeunes filles trop subjuguées
par les mauvais hommes... et c'est un havre de paix pour ceux qui y
vivent. Victor Bramwell, le nouveau comte de Rycliff, sait qu'il n'a rien à faire ici. Aussi loin que ses souvenirs remontent, il n'y a jamais rien eu d'autre dans cet endroit que des vieilles filles... et des moutons. Mais il n'a pas le choix, il a ordre de rassembler une milice. Ce qui devait s'avérer une mission simple est rendue singulièrement compliquée par l'exquise Susanna Finch, une femme déterminée à sauver son utopie personnelle de l'invasion de l'armée de fortune de Bram.
Susanna a autre chose à faire que d'exaspérer des hommes pour qu'ils s'en aillent. Bram a juré de ne plus se mêler d'affaires de femmes. C'est donc une bataille épique qui va se jouer... mais qui peut être nommé gagnant quand tous deux ont tant à perdre ?
L'avis :
J'aime
beaucoup Tessa Dare. Je trouve que sa plume allie modernité et
impondérable en matière de romance historique.
Ce
premier tome de la série les demoiselles de Spindle Cove n'est pas
un coup de cœur. J'ai préféré d'autres livres de cette auteure à
celui-là mais c'est quand une très belle histoire que je conseille.
Les
deux héros ne fuient pas leur attirance comme souvent. Ils ont
seulement peur de s'avancer un peu plus sérieusement , d'écouter
leur cœur et le livre nous en explique tout au long des pages
pourquoi.
L'extrait :
— Alors
je suis à vous, chuchota Bram en s'enfonçant précautionneusement
dans sa chaleur.
Le
plaisir lui donna le frisson.
— Prenez-moi.
Prenez-moi en vous.
Il
la pénétra lentement, faisant reposer le plus gros de son poids sur
son genou valide et s'obligeant à être patient tandis que le corps
de Susanna apprenait à l'accueillir. Elle le regardait avec des yeux
si grands, si vulnérables, qu'il y lisait toutes ses émotions. Il
vit l’anxiété, l'appréhension. Mais aussi la confiance, qui
l’emportait sur la peur.
À
chaque mouvement plus avant, il lui disait des mots gentils.
— Oui,
mon ange. Comme c'est bon... Vous êtes si douce... Voilà, comme
ça... Encore un peu...
Lorsque,
d'un dernier coup de reins, il s'enfonça entièrement, elle poussa
un cri de douleur. Le cœur de Bram se serra.
— Avez-vous
trop mal ?
Elle
se mordit la lèvre et secoua la tête.
— Pouvez-vous...
Le
corps de Susanna se serra autour du sien, et il émit un gémissement
de plaisir.
— Pourrez-vous
supporter que je bouge ?
— Est-ce
nécessaire ?
Il
s'appliqua à ne pas rire.
— J'en
ai peur, ma douce. Je... Il faut que je bouge, sans quoi je vais
devenir fou.
Il
se retira légèrement avant de replonger en elle. Elle était si
chaude, si étroite. C'était un délice. Il reposa le poids de son
corps sur ses coudes pour ne pas l'écraser et ondula des hanches
d'avant en arrière, doucement. Pendant une éternité, il s'obligea
à ne remuer qu'à peine, malgré le sang qui battait furieusement
dans ses veines. Mais Susanna lui offrait un précieux cadeau et
méritait mieux qu'une brutalité bestiale.
— Cela
va mieux ? demanda-t-il.
— Un
peu.
« Un
peu » ne suffisait pas. Avec un juron silencieux, il abaissa
son corps pour couvrir le sien.
— Je
veux que ce soit agréable pour vous.
— C'est
agréable, dit-elle dans un souffle.
Elle
faisait glisser ses mains sur son dos, et ses seins étaient bien à
leur place contre sa poitrine.
— J'aime
vous avoir ainsi contre moi, ajouta-t-elle.
— Moi
aussi.
Lorsqu'il
s'enfonça encore, elle se cambra pour rencontrer ses hanches et
poussa un gémissement encourageant. Aussi recommença-t-il. Puis
encore une fois.
— C'est...
Elle
s'arqua à nouveau, chevauchant ses coups de reins comme une vague.
— Oh,
Bram. Comme c'est exquis, maintenant.
Dieu
tout-puissant, oui, c'était exquis, tout bonnement exquis. Le
rythme, l'inclinaison, la façon dont leurs corps s'adaptaient l'un à
l'autre. Ils avaient atteint une véritable union de corps et
d'esprit. Bram n'avait jamais encore ressenti une chose pareille. Il
n'avait jamais su qu'il pouvait se perdre ainsi totalement en une
femme, et en même temps, avoir le sentiment d'être chez lui.
Il
existait un monde, au-delà des branches du saule. Des océans, des
montagnes, des glaciers, des dunes. Quelque part, au loin, des
guerres se livraient. Bram ne s’en souciait plus ; il ne
voulait être nulle part ailleurs qu'à l'intérieur de cette femme.
Il n'avait d'autre objectif, d'autre devoir dans cette vie que de la
combler.
En
elle, il était à sa place.
Sans
cesser de l'embrasser, il lui souleva la jambe pour l'enrouler autour
de sa taille et le corps de Susanna l'attira plus profondément
encore.
Dans
son impatience, elle enfonçait ses ongles dans ses épaules, et cela
le mit en transe. Il remuait les hanches encore et encore,
abandonnant toute délicatesse, ne cherchant qu'à la satisfaire.
Il
fallait qu'elle trouve son plaisir avant lui.
Donc,
très vite.
S'il
vous plaît, Susanna. Je vous en prie...
La
tête de la jeune femme roula en arrière. La courbe de son cou était
si élégante, si érotique, si adorable qu'il en eut le cœur serré.
— Mon
Dieu, comme vous êtes belle...
Elle
poussa un cri. Il chevaucha la vague exquise de son orgasme aussi
longtemps que possible, et quand il sut qu'il ne pouvait plus tenir
davantage, Bram se retira de son étreinte et répandit sa semence
sur son ventre. D'une certaine manière, primitive, cela le
satisfaisait de la marquer ainsi.
Vous
êtes à moi, maintenant.
Il
s'allongea à côté d'elle et la serra dans ses bras. L’instinct
protecteur qu'il ressentait était presque insupportable. Enfin,
lorsqu'il fut à nouveau capable de parler, il demanda :
— Allez-vous
bien ?
— Oui.
Susanna
se lova contre lui et il resserra son bras autour d'elle.
— Oh,
Bram. Je n'aurais jamais rêvé que cela puisse se passer ainsi.
Moi
non plus, eut-il envie de dire. Moi non plus.
Il
en avait connu, des femmes... Mais jamais cela n'avait ressemblé à
cette expérience. Il lui semblait impossible qu'ils soient devenus
si proches aussi vite. Et pourtant...
Il
déposa un baiser sur ses cheveux et inspira profondément leur odeur
suave et fraîche.
— C'était...
Il
chercha un mot, en vain.
Boum,
répondit le monde.
Susanna
baissa la tête et s'enfouit sous la protection de ce qu'elle
reconnut comme étant l'habit d'un officier. Un bouton en laiton
s'enfonçait dans sa joue. La masse de l'homme formait un bouclier
confortable tandis qu'une pluie de mottes de terre retombait sur
eux ; il sentait le whisky et la poudre à canon.
Une
fois le nuage éclairci, elle écarta les cheveux du front de
l'inconnu pour y chercher des traces de blessure ou de confusion. Ses
yeux étaient alertes et intelligents, et d'une surprenante nuance de
vert qui lui fit penser à du jade.
— Allez-vous
bien ? s'alarma-t-elle.
— Oui.
Sa
voix était profonde et râpeuse.
— Et
vous ?
Elle
acquiesça de la tête, s'attendant à ce que, rassuré, il la laisse
aller. Voyant qu'il ne bougeait pas, elle s'étonna. Soit il était
gravement blessé, soit il était sérieusement impertinent.
— Monsieur,
vous êtes... euh, vous êtes un peu lourd.
L'insinuation,
cette fois, était claire.
— Et
vous, vous êtes douce, répondit-il.
Dieu
tout-puissant. Qui était cet homme ? D'où venait-il ? Et
que faisait-il encore au-dessus d'elle ?
— Vous
avez une petite blessure.
Les
doigts tremblants, elle effleura une trace rouge sur sa tempe, près
de la racine des cheveux.
— Attendez,
dit-elle en appuyant une main sur sa gorge pour tâter son pouls.
Elle
le trouva, qui battait régulièrement sous ses doigts gantés.
— Ah,
fit-il. C'est agréable.
Susanna
se sentit rougir.
— Voyez-vous
double ? interrogea-t-elle.
— Peut-être.
Je vois deux lèvres, deux yeux, deux joues roses... et mille taches
de rousseur.
Elle
fixa sur lui des yeux ronds.
— Ne
vous inquiétez pas, mademoiselle. Rien de grave.
Son
regard s'assombrit mystérieusement.
— Rien
qu'un petit baiser ne puisse arranger.
Et,
sans même lui laisser le temps de reprendre son souffle, il posa les
lèvres sur les siennes.
Un
baiser.
Sa
bouche, qui touchait celle de Susanna. Chaude et ferme, et...
disparue.
Son
premier vrai baiser en vingt-cinq ans d'existence, et il n'avait duré
que le temps d'un battement de cils. C'était déjà un souvenir, à
l'exception du léger arrière-goût de whisky sur ses lèvres. Elle
sentait encore sa chaleur masculine l'irradier. Un peu tardivement,
elle ferma les yeux.
L'extrait :
Prestement,
il la porta jusqu'au côté opposé de la tour et la plaqua contre le
parapet en pierre dure et froide. Elle sentit le créneau sous ses
omoplates. La masse solide et chaude de Bram l'emprisonnait.
L'excitait. Elle cessa de respirer.
— Je
vous l'ai déjà dit, fit-il dans un grognement sourd. C'est moi qui
décide de ce que je veux. Et là, je vous veux, si ardemment que
j'en perds la tête.
Son
baiser écrasa la bouche de Susanna.
— Quand
je pense qu'il a fallu trois missives ridicules pour vous faire venir
jusqu'ici... Quelle tête de mule !
— Quoi ?
Bram, vous auriez pu le dire, tout simplement !
— Mais
je l'ai dit.
Il
posa les lèvres sur son cou.
— Votre
chatoyante chevelure couleur bronze... vos yeux couleur iris...
Il
embrassa sa mâchoire.
— Toutes
vos nombreuses nuances de rose...
Un
soupir de plaisir échappa à Susanna.
— Bram.
Elle
aurait dû être en colère, mais ses baisers étaient si doux. Si
nécessaires. Depuis leur escapade dans la crique, une semaine
s'était écoulée. Ils avaient réussi à dérober quelques heures
ensemble presque tous les soirs, mais elle ne pouvait rester séparée
de lui une minute sans qu'il lui manque.
— Et
les uniformes ?
— Au
diable les uniformes ! Choisissez la couleur de doublure que
vous voulez, je m'en fiche éperdument.
Il
posa les mains sous ses fesses et l'attira contre lui, amenant son
ventre en contact avec son érection. La faim manifeste dans ses yeux
envoya à travers Susanna une décharge de désir.
— Peut-être
pourrai-je m'échapper de Summerfield, ce soir.
— Non,
pas ce soir.
Il
pétrissait son arrière-train des deux mains, soulevait son corps.
— Ici.
Maintenant.
Le
cœur de Susanna se mit à battre plus vite. Elle coula un regard à
droite et à gauche.
— C'est
impossible.
— Personne
ne peut nous voir, de ce côté. Il n'y a que des rochers et la mer
en contrebas.
Les
trois autres tours de garde étaient inoccupées. Tous les hommes
étaient à l'entraînement. Bram avait raison, nul ne pouvait les
voir. Une petite brise les caressait. Le ciel était si proche, si
mauve... Elle avait l'impression qu'elle aurait pu l'effleurer du
bout des doigts. Ils étaient au sommet du monde, seuls.
Il
lui mordilla délicatement le lobe de l'oreille.
— J'ai
nagé tout seul hier soir, vous savez. J'ai fait des allers-retours
dans cette crique jusqu'à ce que mes muscles se contractent. Vous me
devez plus de baisers que je n'en puis compter.
Susanna
étouffa un cri lorsque la paume de Bram se referma sur son sein.
— Je
croyais que vous étiez censé monter la garde.
— C'est
ce que je fais.
Il
pétrit le globe et fit rouler le mamelon durci entre son pouce et
son index.
— Prêtez-moi
main-forte.
Il
la saisit par la taille et la fit tourner de façon qu'elle se trouve
face au parapet de pierre. Puis il la plaça devant l'un des
créneaux.
— Distinguez-vous
la crique ? demanda-t-il d'une voix rauque en soulevant ses
jupes par-derrière.
— Oui.
Au
loin, quelques voiles blanches étaient gonflées. A l'ouest, le
soleil jaune orangé s'enfonçait lentement dans la mer.
— Tant
mieux. Restez bien attentive. Vous êtes en faction.
Il
retroussa ses jupes et ses jupons jusqu'à sa taille, trouva la fente
de sa culotte et l'élargit en la déchirant, exposant sa chair
délicate à la brise et à ses mains avides.
Il
la caressa, l'écarta, l'observa... Il passa les doigts sur les
contours de ses chairs intimes. Préférant ne pas réfléchir, elle
obéit et scruta l'horizon miroitant.
Un
froissement de tissu lui apprit que Bram ouvrait son pantalon. Le
désir le disputait à l'impatience et plongeait Susanna dans une
profonde agitation. Un petit cri de soulagement lui échappa lorsque,
de toute sa longueur, il jaillit pour se loger tout contre elle.
Il
caressa des deux mains ses cuisses et ses fesses nues.
— Mon
Dieu, soupira-t-il. Je deviens fou. Si vous saviez... Je passe mon
temps à me représenter ces moments. N'importe où, n'importe quand.
Vous m'obsédez. Je rêve de vous nuit et jour.
Il
remuait lentement de haut en bas.
— Dites-moi
que vous le voulez aussi.
N'était-ce
pas manifeste ? Susanna ondula des hanches, de plus en plus
fiévreuse.
— Dites-le-moi,
ma douce. J'ai besoin de l'entendre. De savoir que cette folie est
partagée.
— J'ai...
Elle
déglutit.
— J'ai
envie de vous.
L'excitation
lui donna la chair de poule. Le simple fait de prononcer ces quelques
mots décuplait son désir. La folie en question était
indéniablement partagée.
— Vous
avez envie de ceci.
Il
appuya l'extrémité lisse de son sexe contre l'orée du sien.
— En
vous. Dur et profondément. N'est-ce pas ?
Ses
paroles étaient indécentes. Crues. Et éminemment excitantes.
— Oui,
murmura-t-elle.
— Vous
avez dit quelque chose ?
Au
diable la décence. S'il ne lui faisait pas l'amour tout de suite,
elle en mourrait.
— Oui,
redit-elle. Je vous veux. Tout entier. En moi. Maintenant. S'il vous
plaît.
Il
la pénétra lentement. L'étira. La remplit. Puis il se retira
pendant une seconde brève et insupportable, avant de s'enfoncer plus
loin.
Il
établit un rythme, en la berçant contre le mur crénelé, en
embrassant son cou et ses épaules nues.
— Bram...
Tenez-moi. Serrez-moi.
— Je
vous tiens, répondit-il en resserrant les bras autour de son ventre
sans ralentir le rythme. Je vous tiens.
L'extrait :
Il
se redressa.
— Il
faut que je demande votre main. Il le faut, sans quoi je ne pourrai
plus me regarder en face.
— Et
vous l'avez fait. Sans déclaration de sentiments, sans poser de
questions, vous m'avez proposé de m'épouser en hâte, de coucher
avec moi avec enthousiasme, puis de me laisser me débrouiller seule
avec les interrogations et le scandale, afin de pouvoir aller vous
jeter devant une balle la conscience tranquille. Permettez-moi de
décliner poliment, monsieur le comte.
Il
secoua la tête.
— Je
ne puis supporter la trahison et le mensonge, Susanna. Votre père a
fait beaucoup pour moi. Il mérite au moins mon honnêteté.
— Bonsoir.
Alors, que se passe-t-il ?
Son
père apparut sur le seuil, toujours en tablier de travail.
Susanna
sourit, se redressa sur le bureau et gazouilla :
— Oh,
rien. Lord Rycliff et moi étions simplement en train d'entretenir
une liaison clandestine scandaleuse.
Son
père se figea.
Susanna
garda le sourire plaqué sur son visage.
Enfin,
son père éclata d'un rire incrédule.
— Voilà,
chuchota-t-elle en frôlant Bram pour descendre du bureau. Fini
la trahison.
Elle
se tapota ostensiblement le menton. Saisissant l'allusion, il referma
brusquement la bouche et lui décocha un regard mi-admiratif,
mi-agacé.
Son
père pouffa :
— Je
me demandais pourquoi je me suis retrouvé seul pour dîner hier
soir. Rycliff a de la chance que j'aie entendu parler de ce qui s'est
passé au village ; sans quoi, je serais peut-être en train de
tester sur lui ma nouvelle platine à silex.
Il
se dirigea vers le bar et déboucha une flasque de whisky.
— Eh
bien, Bram ? Je vous écoute. Soyez bref.
— Tout
à fait, dit Bram. Sir Lewis, je suis venu discuter avec vous d'un
sujet important. Il concerne Mlle Finch. Et une demande.
Susanna
cessa de respirer. Il était toujours aussi
déterminé ? Quel homme d'honneur, en vérité !
— Quel
genre de demande ?
Bram
s'éclaircit la gorge.
— Le
genre habituel. Voyez-vous, monsieur... hier soir, Mlle Finch et
moi...
— Nous
discutions, intervint Susanna, au sujet du défilé militaire.
— Ah
oui ?
Son
père tendit à Bram un verre de whisky.
Bram
en but une gorgée, puis vida le reste d'une traite.
— Comme
vous le savez, nous avons dû descendre au village pour prendre la
situation en main. Eh bien, là-bas, une chose conduisant à une
autre...
Il
toussota.
— Sir
Lewis, nous avons commencé à...
— À
débattre, termina Susanna. Nous nous sommes même disputés
plutôt... passionnément.
— À
quel sujet ? interrogea sir Lewis en fronçant les sourcils.
— Le
sexe.
Maudit
Bram, comment pouvait-il assener ce mot ainsi ? Pendant le
silence tendu qui suivit, il lui coula un regard en coin signifiant
« Et toc ».
Elle
releva le menton.
— Absolument.
Nous parlions des deux sexes. Masculin et féminin. À Spindle Cove.
Voyez-vous, papa, les préparatifs de la milice ont perturbé
l'environnement reconstituant des demoiselles. Manifestement, les
besoins des hommes et des femmes de ce village sont conflictuels, et
lord Rycliff et moi avons échangé des propos presque venimeux.
— En
effet, intervint Bram. J'ai la langue bien pendue, comme l'a
découvert mademoiselle votre fille.
Un
accès de toux s'empara de Susanna.
— Cependant,
poursuivit Bram, à l'issue de cette discussion, nous sommes arrivés
sur la place du village. Et c'est là que nous nous sommes joints...
— Aux
autres.
Susanna
lissa ses paumes moites sur ses jupes.
— Nous
avons décidé de mettre nos différends de côté et d'œuvrer
ensemble dans l'intérêt de la communauté.
Elle
coula un regard à Bram. Avec un geste magnanime, celui-ci déclara :
— Je
vous en prie. Racontez. Je me permettrai de dire ce que j'en pense à
la fin.
Ils
échangèrent des regards provocants et amusés. C'était
certainement mal, très mal en vérité, et pourtant ils
s'amusaient...
— Je
comprends, dit-elle en s'efforçant de prendre un ton plus sérieux,
l'importance de cette revue militaire. Pour vous, père, autant que
pour lord Rycliff. Mais, avec tout le respect que je vous dois...
même si je sais bien qu'il est difficile à lord Rycliff de
l'admettre, cela ne s'annonce pas très bien. En vérité, ces
recrues sont désespérantes. La revue pourrait se solder par un
désastre et nous plonger tous dans l'embarras.
— Une
seconde, intervint Bram. Votre défaitisme est prématuré. Nous
n'avons disposé que de quelques jours. J'entraînerai ces hommes, et
nous...
Susanna
éleva une main.
— Vous
avez dit que je pouvais m'exprimer.
Elle
se tourna de nouveau vers son père :
— Concomitamment,
père, les demoiselles sont de plus en plus inquiètes. Les exercices
de la milice ont perturbé leur emploi du temps, et elles se voient
privées de leur animation estivale : organiser la fête de
l'été. Certaines envisagent de quitter Spindle Cove.
Elle
prit une profonde inspiration.
— C'est
pourquoi lord Rycliff et moi avons décidé d'unir nos forces afin de
protéger ce qui nous est le plus cher à tous les deux. Les
exercices de la milice et les préparatifs deviendront désormais le
projet commun de tous les résidents du village. Hommes et femmes
ensemble. Il y a fort à faire, et lord Rycliff a reconnu qu'il en
est incapable sans mon aide.
Elle
adressa à Bram un regard d'avertissement.
— Ensemble,
nous pouvons mettre sur pied une exhibition qui fera votre fierté.
Qu'en pensez-vous, père ?
Son
père soupira.
— Tout
cela me paraît éminemment logique. Et ne justifiait nullement cet
entretien urgent qui a troublé mon travail.
— Ce
n'est pas tout, intervint Bram. Une question requiert votre réponse.
Susanna
lança tout à trac :
— Pouvons-nous
organiser un bal ?
— Un
bal ? répétèrent les deux hommes en chœur.
— Oui,
un bal.
L'idée
lui avait échappé, mais après réflexion, elle était parfaite.
— C'est
là l'objet de la demande en question. Nous aimerions organiser ici,
à Summerfield, un bal. Un bal des officiers, qui aura lieu à
l'issue de la revue militaire. Il constituera le moyen rêvé
d'honorer et distraire vos prestigieux invités, papa. Il
récompensera en outre les volontaires de la milice pour leur dur
labeur. Et donnera aux jeunes demoiselles une perspective agréable.
Une raison de rester. C'est idéal.
— Fort
bien. Vous pouvez organiser un bal.
Son
père reposa le verre sur le bureau.
Puis
son attitude changea, imperceptiblement. Son regard devint absent. Il
se frotta les yeux.
— Je
sais que cette histoire de milice peut sembler un peu bête, compte
tenu du contexte. Mais c'est un engagement symbolique, pour nous
tous. Je me réjouis de voir que vous prenez son succès à cœur
tous les deux. Merci. Et à présent, si vous voulez bien
m'excuser...