"
Non mais franchement, confier la sécurité d'un clan de vampire à
une sorcière de guerre était comme ... je ne sais pas moi ...
introduire un requin dans un banc de thons, un crotale dans un nid de
souriceaux ou Berlusconi dans une école pour jeunes filles."
Le
résumé :
Histoire
de bien commencer la saison, le Mortefilis a décidé d’envahir la
Nouvelle Angleterre. Ça tombe bien, avec la disparition de Raphael,
repousser une armée de redoutables vampires était tout ce dont
j’avais besoin ! Malgré mon inquiétude et une situation plus que
critique, je me dois d’organiser la défense de notre territoire.
Et croyez-moi, il va falloir la jouer serré !
L'extrait :
Chapitre
inédit (tome 4)
--Leo? Qu'est-ce qu'il se passe?
J'ouvrais la bouche pour répondre mais les mots semblaient comme coincés au fond de ma gorge. Le litre de sang que j'avais ingurgité un quart d'heure plus tôt me remontait aux bords des lèvres.
--Je ne...je n'arrive plus à respirer.
--Leo? Leo ? Qu'est-ce qu'il t'arrive bordel!!! gronda-t-il en prenant mon visage entre ses mains.
Bonne question. Et à vrai dire je n'en avais aucune idée. Tout mon corps me brûlait, mes veines étaient prêtes à exploser...J'avais mal pour la première fois de ma vie...mal à en crever.
--Will...je...je ne me sens pas bien. Je crois que je vais vomir...
Il me lança un regard inquiet et me colla doucement le visage contre son torse.
--Reste avec moi, mon coeur, reste là...
« Mon coeur »?
--C'est Raph...son pouvoir...il va mal, il a déployé son pouvoir...je...je...suis partie...j'ai paniqué...
--Comment ça « tu as paniqué »?
--La voiture...Bruce...il conduisait et je...
Il fronça les sourcils.
--Tu étais avec Bruce?
--Oui. Partir, il a dit qu'il fallait partir...
--Bien sûr qu'il faut que tu partes. Une armée entière de vampires est en train de déferler sur nous, espèce d'idiote!
Je poussai un gémissement.
--Quoi?
Il soupira et je le sentis tout à coup me soulever.
--Viens, je t'emmène dans ma chambre, tu vas te reposer et je vais appeler Bruce. De toute façon, il doit déjà être sur ta piste.
Je grognai.
--Oh il...il va m'engueuler...
--Et il aura raison. Qu'est-ce qu'il t'a pris de venir ici?
Encore une bonne question. Lui et moi, nous ne pouvions pas nous empêcher de nous disputer. Je l'agressais tandis qu'il me méprisait et me faisait toujours me sentir complètement stupide. Et pourtant, il était la seule personne auprès de laquelle j'avais eu le réflexe de me réfugier. Je devais être complètement folle, il ne devait pas y avoir d'autre explication.
--Je...je ne sais pas, je n'ai pas réfléchi.
Il leva les yeux au ciel et me déposa doucement sur son lit.
--Non et c'est bien le problème. Bon sang mais quand grandiras-tu Leo?
Je sentis mon coeur se serrer et une larme rouler sur ma joue. Je lui tournai le dos.
--Appelle Bruce, dis lui de venir me chercher.
Il poussa un profond soupir.
--Leo...
--Va t'en...la douleur est en train de passer...je partirai dès qu'il arrivera...
Au moment même où il refermait la porte, je sentis les larmes déferler et collai aussitôt ma tête dans son oreiller pour qu'il ne m'entende pas pleurer.
--Pourquoi l'as-tu amenée? Pourquoi ne l'as-tu pas mise à l'abri? Tu as perdu la raison!!!!? entendis-je gronder William du haut des escaliers.
--Je ne l'ai pas emmenée, elle s'est enfuie pour te retrouver. Qu'est-ce que tu veux que je fasse? Que je l'assomme? rétorqua Bruce sur le même ton.
--Oui!
--Je n'ai pas de leçon à recevoir de toi. Leo fait partie de ma famille, non de la tienne.
--Ce qui veut dire?
--Je ne veux pas que tu t'approches d'elle, William, est-ce que c'est clair?
Ça, ça ne risquait pas. William me considérait comme la huitième plaie d'Egypte et me fuyait comme la peste.
--Qu'est-ce que tu insinues?
--Je tiens seulement à te rappeler tes responsabilités. Tu es le futur chef de cette meute...l'aurais-tu oublié?
--Bruce, le Mortefilis se prépare à attaquer le clan de Raphael, tu crois vraiment que c'est le moment d'avoir cette discussion?
Le Mortefilis? Oh non...non!
Je dévalai aussitôt les escaliers et entrai en courant dans le salon.
--Et maman? Où est-elle? Elle n'a pas l'intention de rester pour se battre contre leur armée, quand même?
Le visage de Bruce se rembrunit et il passa nerveusement une main sur son front.
--Apparemment si, confirma-t-il d'un ton lugubre.
--Mais...mais tu étais au courant?
Il secoua la tête.
--Non. Beth m'a simplement dit que tu étais en danger et que je devais te faire quitter le pays.
--Alors on reste? On ne peut tout de même pas laisser maman affronter ça toute seule!
--Elle ne sera pas seule. Le Directum s'est réuni, les clans vont sans doute décider d'entrer en guerre, intervînt soudain William d'un ton peu aimable.
Je me tournai aussitôt vers Bruce. Une expression surprise s'afficha sur son visage.
-- « Entrer en guerre »? Tu en es sûr? demanda le loup tandis qu'une lueur d'espoir s'allumait dans ses yeux.
--Pas encore. La réunion n'est pas terminée mais si ça ne tenait qu'à mon grand père, nous serions déjà armés et prêts au combat, lui répondit William d'un air grave.
Bruce serra les poings. Il irradiait la frustration, la colère et la peine. Abandonner ma mère face à un tel danger le rendait malade. Non, pire, le rendait complètement dingue. Pourquoi ne lui avait-elle rien dit? Avait-elle eu peur qu'il refuse de partir et de m'emmener en sachant ce qu'il allait arriver? Ou voulait-elle simplement l'éloigner pour le protéger?
--Parfait! Dans ce cas, nous nous battrons à vos côtés! affirmai-je.
--Tu ne te battras pas! Ça c'est hors de question, jeune fille! gronda Bruce.
William me dévisagea comme si j'avais dit une énormité.
--Si tu crois un seul instant qu'on va te laisser risquer ta vie, tu te fourres le doigt dans l'oeil! rugit-il.
Seigneur ce qu'il pouvait m'énerver! Non mais qu'est-ce qu'il s'imaginait? Que je les laisserais lui ou Bruce décider de ce que je devais faire ou non? J'étais parfaitement capable de me battre moi aussi et certainement mieux que la plupart des loups ou des muteurs. Et je n'avais pas peur...ou plutôt, si j'avais peur, j'étais même morte de peur en songeant à ce qu'il pouvait arriver à ma mère. Rien qu'à l'idée que je pouvais la perdre cette nuit, je sentais mon sang se glacer, mon coeur s'emballer et mes crocs pousser à vitesse grand V.
--Je ne vous ai pas demandé une autorisation quelconque, je vous informe de ce que je vais faire, c'est tout! m'insurgeai-je.
Bruce me lança un regard furieux.
--Leo, il ne s'agit pas seulement de toi. Imagine que le Mortefilis te capture, que crois-tu qu'il se passera pour ta mère, Raphael et ton père?
J'écarquillai les yeux.
--Mon père? Qu'est-ce que mon père vient faire là-dedans?
--Michael est le consiliere, il règne sur l'Europe et c'est un caillou dans leurs chaussures.
Je levai les yeux au ciel.
--On voit bien que tu ne connais pas mon père, toi. Je crois pas qu'il soit homme à se laisser manipuler ni même qu'il tienne suffisamment à moi pour...
–... Ça suffit! Tu ne combattras pas, Leo un point c'est tout! claqua soudain William d'un ton autoritaire.
Je réfléchis. Bruce n'avait pas tort, m'exposer au danger était stupide et mon but était d'aider maman, pas de lui créer plus de problèmes qu'elle n'en avait. Mais je ne pouvais pas m'enfuir à l'autre bout du monde sans savoir ce qui allait arriver. Non, ça, c'était trop me demander.
--Très bien, alors je resterai ici, sur le territoire de la meute. Ainsi, Bruce pourra aller combattre sans se soucier de ma sécurité.
--Leo, une fois arrivé, le Mortefilis n'aura qu'une idée, te trouver quels que soient les moyens à employer et ils n'hésiteront pas à décimer la meute pour t'enlever, me fit remarquer sèchement William.
Je déglutis et hochai la tête. Dans un certain sens, je comprenais sa réaction. Après tout, il était le second du chef de meute et il devait donc veiller à la sécurité des loups de sa meute et je m'en voulais de ne pas y avoir songé.
--Dans ce cas; Bruce et moi allons nous cacher en ville, déclarai-je la gorge nouée avant de me diriger vers la porte.
William bondit aussitôt sur ses jambes.
--Tu ne dis rien? Mais merde Bruce, tu ne peux pas la laisser prendre ce risque!
--Je t'ai dit de te mêler de tes affaires! gronda Bruce d'un ton menaçant.
--Mais c'est une gamine, elle ne peut pas...
Je me tournai aussitôt vers lui avant qu'il n'achève sa phrase.
–Je ne suis plus une enfant, loup!
Il me toisa d'un air dédaigneux.
--Alors cesse de te comporter comme telle! répondit-il d'un ton sec.
En franchissant la porte, je respirai un bon bol d'air frais puis me dirigeai vers la voiture de Bruce garée un peu plus loin sur le parking lorsque William surgit brusquement.
Ses yeux avaient une couleur ambrée, signe qu'il était vraiment furax mais je m'en moquais.
--Tu vas quitter la ville dans le premier avion en partance et apprendre à obéir ou je te promets que je vais te coller la plus belle raclée de ta vie!
--Ah oui vraiment? Et bien J'ai hâte de voir ça, lançai-je d'un air de défi tandis que je sentais mes crocs descendre doucement de mes gencives.
Les mâchoires de Will se serrèrent et son regard devint aussi froid qu'un matin d'hiver.
--Si c'est ce que tu veux, gronda-t-il.
L'instant d'après, je sentais mes pieds quitter le sol et mon corps se soulever dans les airs. En voyant mon dos se fracasser contre un arbre, Bruce poussa un terrible hurlement.
--William!!!!
--Quoi? Si tu savais te faire respecter, nous n'en serions pas là! rétorqua Will d'un ton furieux.
Je me relevai et croisai le regard de Bruce. Il était à deux doigts de perdre le contrôle de lui même...pas bon ça, pas bon du tout...si ces deux là décidaient de se battre, William ne s'en sortirait pas. Pas contre un loup des steppes de la force, de la puissance et de l'expérience de Bruce.
--Laisse tomber, si Will veut jouer, c'est moi que ça regarde et je t'interdis de t'en mêler! crachai-je en me relevant avant de bondir sur une branche juste au dessus de la tête du jeune Alpha, de sauter sur ses épaules et de lui planter mes crocs dans le cou.
--Je pourrais t'égorger en un rien de temps, tu as perdu, murmurai-je doucement en desserrant ma prise tandis qu'un filet de sang coulait le long de sa gorge.
--Tu n'es qu'une sale petite peste! grogna Will d'un ton mi amusé mi surpris, avant de me projeter sur le sol gelé et de s'allonger sur moi.
Ses mains maintenaient les miennes, son visage aux traits parfaits était si près du mien que je pouvais pratiquement sentir son souffle sur ma joue....et je sentais une sensation très bizarre au creux de mon estomac. J'écarquillai les yeux, surprise et sentis soudain mon coeur battre la chamade.
--Je peux savoir ce qu'il se passe ici?
Martha la louve Alpha du clan, la grand mère de William lui jetait un regard réprobateur et des rides de contrariété plissaient son front.
--Les enfants ont eu envie de chahuter! grommela Bruce en nous observant d'un air contrarié.
Je me tortillai sous William pour m'échapper mais il n'était pas visiblement pas décidé à me laisser m'en aller. Et sa force était indubitablement supérieure à la mienne.
--Pousse toi de là!
--Arrête de bouger ou je t'étrangle! fit-il d'un ton sec.
--William! Quelles sont ces manières? Laisse cette petite tranquille ou tu vas avoir affaire à moi!!! ordonna Martha.
--Cette idiote ne veut pas s'en aller, je suis simplement en train d'essayer de lui faire entendre raison, répondit Will en me regardant d'un air moqueur.
--Et c'est comme ça que tu comptes t'y prendre? jappa-t-elle d'un air mécontent.
Il haussa les sourcils.
--Tu vois une autre solution?
--J'aurais dû t'égorger et te vider de ton sang! maugréai-je en le fusillant du regard.
--Tu n'es qu'une horrible petite fille mal élevée, tu le sais ça? répondit-il.
--Et toi une sale bête arrogante et puante! balançai-je d'un ton rageur.
Bruce leva les yeux au ciel.
--A ce rythme là, on va y passer la nuit...
Martha secoua la tête et avança vers nous.
--Relâche cette enfant, William. Quand à toi petite, que tu le veuilles ou non, il va te falloir quitter le pays.
Je levai les yeux vers elle.
--Alors ça, pas question!
William s'esclaffa et lança à Martha un regard qui signifiait « tiens, tu vois... ».
--Elle a hérité de l'obstination de sa mère, fit-elle en poussant un long soupir.
Bruce acquiesça en soupirant puis se pencha vers moi.
--Écoute Leo, William et Martha ont raison, nous devons...
Je l'interrompis aussitôt.
–...nous ne devons rien du tout. Je sais à quel point tu aimes maman, Bruce, tu crois que si tu t'en vas, tu te le pardonneras un jour? Parce que moi, non.
Il afficha soudain un air si sombre qu'il me donna de nouveau envie de pleurer.
-- Ta mère est toute ma vie mais tu es la personne qui compte le plus au monde à ses yeux et je sais qu'elle préfèrerais périr dix fois plutôt que de te voir encourir le moindre danger.
Oui. Je n'avais aucun doute là dessus. Maman tenait à moi comme à la prunelle de ses yeux mais elle avait besoin d'aide. De l'aide d'un guerrier de la trempe de Bruce, d'un homme qui donnerait sa vie et son âme pour la protéger. Et moi, je voulais revoir ma mère.
--Alors vas-y. Va la rejoindre, je peux très bien me débrouiller, me cacher quelque part et attendre...
-- Non. Les vampires auront tôt fait de te trouver, me fit remarquer William avant de se relever et de me libérer brusquement.
--Qu'est-ce que tu en sais?
--Je le sais parce que ton odeur est...enfin, elle est unique...
-- Est-ce que tu sous-entends que je sens mauvais? demandai-je en plissant les yeux.
Il ne répondit pas et se contenta de sourire.
Je vais t'étriper!
--William, cesse de la taquiner! Non, ma belle, tu sens très bon...un mélange à la fois de chocolat , de vanille et de fleurs d'oranger mais ce n'est en aucun cas, une odeur humaine, me rassura Martha en fusillant son petit fils du regard.
--Quoi? fit William d'un air faussement innocent.
--Rien.
Puis, elle reporta son attention sur moi.
--En tout cas, tu as raison sur un point, Leo, Bruce doit aller combattre aux côtés de ta mère et elle va avoir besoin de son aide.
--Martha, Leonora est trop jeune et trop inexpérimentée pour partir seule, lui fit aussitôt remarquer Bruce.
Elle hocha la tête et se tourna vers son petit fils.
--C'est pourquoi William va l'accompagner.
Il écarquilla les yeux.
--Moi?
--Oui toi.
Will déglutit.
--Mais... et le clan?
--Tu me crois trop vieille pour gouverner ma propre meute? demanda Martha avec un sourire menaçant qui laissait entrevoir toutes ses dents.
Ouch...ma mère n'avait de cesse de me répéter que le loup le plus dangereux, le plus combattif et le plus hargneux de la meute était Martha. Jusque là, ça me faisait rire parce qu'elle passait son temps dans la cuisine et qu'elle se montrait toujours douce et gentille avec moi mais pour la première fois, je me demandais si maman n'avait pas raison.
--Qu'est-ce que tu en penses, Leo? Tu es d'accord? me demanda Bruce d'un air inquiet.
Je haussai les épaules d'un air faussement nonchalant tandis qu'un sorte d'angoisse me tordait le ventre. Rester seule avec William? Je ne savais vraiment pas quoi en penser. Bien sûr, je savais qu'il était tout à fait capable de me protéger mais ...
--Je suis d'accord, répondis-je néanmoins.
--Tu le suivras et tu lui obéiras? insista encore Bruce.
--S'il ne me demande pas de faire des choses idiotes, oui, fis-je en souriant au jeune Alpha qui affichait maintenant un air dur et froid.
--Je ne te demanderai rien. Je te dirai de faire telle ou telle chose et tu les feras, c'est compris? fit William en se tournant vers moi.
Marrant, plus il irradiait la puissance, la force et l'autorité plus ça me donnait envie de le chambrer.
--Tu sais que t'es craquant quand tu te prends au sérieux?
Martha éclata de rire.
--En voilà au moins une que tu n'impressionnes pas mon garçon.
--Oh
ça, c'est ce qu'elle aimerait bien te faire croire, grand-mère,
fit-il avant de s'éloigner vers la maison.
L'extrait :
Chapitre
inédit Tome 4 (2)
--Cesse
de remuer et éteins cette lumière! Tu m'empêches de dormir! râla
William en se tournant dans le lit à côté du mien.
--Tu
n'avais qu'à prendre deux chambres! Je déteste ça!
Il
ouvrit les yeux et posa son regard noir sur moi.
--Quoi?
Dormir à coté de moi ou ne pas pouvoir sortir en boîte en douce
comme tu comptais le faire?
Là
il avait tout faux. J'avais simplement chaud et je n'aimais pas
ressentir tous ses picotements au creux de mon abdomen à chaque fois
qu'il se baladait torse nu ou qu'il m'observait. D'ailleurs est-ce
que c'était normal? Je veux dire, est-ce que toutes les filles
ressentaient ces choses là? Parce que si c'était le cas, je ne
comprenais vraiment pas ce qu'il y avait d'agréable à ça.
--J'avais
envie de danser dans la discothèque de l'hôtel, ce n'est pas un
crime! protestai-je.
--A
douze ans, les petites filles jouent à la poupée, elles ne
trémoussent pas sur les pistes de danse, me réprimanda-t-il
sèchement.
--Ah
oui? Tu trouves vraiment que je ressemble à une fillette de douze
ans, toi? fis-je en me redressant sur mon lit et en passant mes mains
sur la petite nuisette transparente que j'avais piquée dans les
tiroirs de maman.
Il
s'étrangla brusquement.
--Mais...qu'as-tu
fait de ta robe de chambre? Tu avais bien une robe de chambre,
non!!!!?
Je
haussai les épaules.
--Non
mais tu rêves? On est à Rio, il fait 45 degrés et tu voudrais que
je dorme en robe de chambre? T'es pas un peu malade?
--Tu
es un vampire, non? Où est le problème?
--Le
problème c'est que je ne suis pas morte, espèce d'idiot!!!!
--Ça,
ça peut s'arranger!
--Je
te déteste! Si tu savais ce que je te déteste!!!
Il
haussa les sourcils d'un air condescendant.
--Et?
--Quoi
« et »?
--Que
veux-tu que ça me fasse? Tu crois que ça me plait à moi, de jouer
les baby-sitters pour une gamine mal embouchée alors que mon grand
père et mon clan sont en danger?
Je
pinçai les lèvres.
--Tu
n'étais pas obligé d'accepter!
Il
me jeta un regard méprisant.
--Ah
non?
--Non.
D'ailleurs, rien ne te force à rester. Je parais bien plus que mon
age et je suis de taille à me débrouiller.
--Tu
me suggères de te laisser toute seule?
--Toute
seule? Pourquoi toute seule? Je suis quelqu'un de sociable moi, je ne
me transforme pas en animal et je ne bouffe pas les gens!!!
--Non,
toi, tu les vides de leur sang!
J'ouvris
la bouche, la refermai et l'ouvris à nouveau.
--Une
fois! Ça m'est arrivé une fois! Il n'y a vraiment pas de quoi en
faire un fromage!
Il
s'esclaffa.
--Si
ça c'est pas de la mauvaise foi.
Je
levai les yeux au ciel.
--Oh
et puis laisse tomber. Ça fait plus de douze heures maintenant qu'on
a quitté Montréal, on aurait dû avoir des nouvelles, non? Pourquoi
est-ce qu'on ne les appellerait pas?
Il
secoua la tête.
--Tu
as entendu ce que Bruce a dit? Aucun contact.
Bruce
nous avait donné un téléphone prépayé utilisable à l'étranger.
Il était sensé nous appeler dès la fin de la bataille pour nous
dire quand rentrer mais il ne nous avait toujours pas donné de
nouvelles et je commençais sérieusement à m'inquiéter.
--Mais....
--Il
n'y a pas de « mais » Leo. Nous avons aucune idée de la manière
dont cette bataille s'est déroulée alors on va attendre gentiment
qu'il nous contacte.
--Fais
ce que tu veux, moi je ne peux pas, grondai-je en projetant mon
pouvoir vers Raphael.
«
mon sang appelle ton sang, l'enfant son père et l'infante son maître
» murmurai-je doucement.
La
magie de mort satura un instant la pièce puis je sentis de nouveau
le pouvoir de Raphael bouillir dans mes veines et un écho lointain
me répondre doucement.
--Leo?
Leo qu'est-ce que tu fais?
J'entendais
le son de sa voix mais j'étais incapable d'y répondre. Le pouvoir
m'enveloppait comme un duvet épais et me rapprochait de la source,
de mon maître.
--Leo?
Je
fermai les yeux et plongeai doucement dans son aura.
--Tu
vas me répondre oui? Qu'est-ce que tu es en train de faire?
L'image
de Raphael s'imposa dans ma tête. Il était avec maman...il
souffrait mais tout danger était écarté.
--Leo!!!!
Je
sentis ses bras me secouer. Le pouvoir qui embrumait encore mon
esprit se dissipa aussitôt.
Quand
je rouvrais les yeux, je croisais le regard de William qui me
dévisageait d'un air inquiet.
--Tout
va bien, Raphael est avec ma mère.
--Comment
peux-tu le savoir?
--Combien
de fois faudra-t-il que je te répète que je suis son infante?
--Je
suis un loup, Leo, tu crois vraiment que je comprends ce que ça
signifie? De toute façon, il est impossible qu'il puisse te parler
et communiquer avec toi à cette distance.
--Qu'est-ce
que tu en sais? Tu ne viens pas de dire que tu n'y connaissais rien?
--Si
mais...merde il ne peut pas exercer son pouvoir sur toi avec les
milliers de kilomètres qui vous séparent!
--Non
mais je reste parfois capable de le voir ou de capter ses émotions
surtout quand elles sont aussi fortes qu'aujourd'hui.
Le
regard de Will se fit insistant.
--Et
lorsque vous êtes proches? Tu es contrainte de lui obéir?
--Oui.
Il peut pénétrer mon esprit et moi le sien.
--Tu
peux lire les pensées de Raphael?demanda-t-il, surpris.
--Ça
arrive...mais pas très souvent. Je perçois plus facilement ses
ressentis. Mais la plupart du temps, il érige une barrière
psychique entre nous.
En
réalité, je préférais qu'il se protège. Être la seule à savoir
qui il était réellement, ce qu'il voulait, de quel pouvoir il
disposait et ne pas pouvoir le dire à ma mère me rendait malade.
Mais je n'avais pas le choix. Pas tant que mon « maître » ne m'y
autoriserait pas. Transgresser un ordre direct de Raphael pouvait me
coûter la vie et je n'avais aucun désir de sentir la magie du sang
me dévorer les entrailles et m'enflammer toute entière.
--Donc,
il ne te laisse voir que ce qui l'arrange?
--Oui
et non.
Il
me fixa d'un air soupçonneux.
--Pourquoi
te montres-tu si évasive?
--Et
toi, pourquoi te montres-tu si curieux?
Il
haussa les épaules.
--Grand-père
n'a pas confiance en lui. Il dit qu'il n'est pas ce qu'il prétend
être.
Je
grimaçai.
--Désolée,
mais toute ma loyauté lui est acquise, il faudra te trouver une
autre espionne ou une autre source de renseignement.
Il
se rembrunit.
--Je
vois.
--Tu
devrais appeler pour prendre des nouvelles de ton grand-père et de
ton clan. Maman va bien mais je ne peux pas te garantir que ce soit
le cas pour tout le monde, lui conseillai-je.
--Tu
es bien certaine que tout est terminé?
--Certaine,
oui.
Il
prit le téléphone portable et composa un numéro que je soupçonnais
fortement être celui de sa grand mère.
Elle
répondit presque aussitôt et ils échangèrent quelques mots.
--Alors?
le questionnai-je d'un ton impatient dès qu'il eut raccroché.
--Grand-père
va bien, ainsi que Bruce et les autres chefs de clans mais il y a eu
de nombreux morts.
Je
déglutis.
--Beth?
--Non.
Je
sentis le poids que j'avais sur les épaules disparaitre brusquement.
Merci mon Dieu.
--Grand-mère
nous a demandé de rester ici encore deux jours, le temps qu'ils
sécurisent le territoire.
--Deux
jours? Mais qu'est-ce qu'on va faire?
--Je
ne sais pas pour toi mais moi je compte bien m'amuser un peu.
Le
soleil était en train de descendre dans le ciel. Il devait être
environ 17 heures, j'allais pouvoir sortir. De la fenêtre, je
pouvais voir la piscine de l'hôtel et la plage juste un peu plus
loin. William était parti afin de...afin de quoi au fait? Je n'en
avais aucune idée. Probablement draguer les filles ou s'entrainer à
la salle de muscu. Il cherchait ostensiblement à m'éviter. D'un
côté, ça me soulageait, de l'autre , je ne pouvais pas m'empêcher
de me sentir vexée. De toute manière, j'avais commencé à me
venger en faisant une razzia dans la boutique de l'hôtel. Avec elle,
pas besoin de carte de crédit, il suffisait de rajouter mes achats
sur la note. J'avais donc acheté un petit bikini rouge, un superbe
paréo, une robe du soir noire et décolletée dans le dos et deux
ravissantes robes « bain de soleil ».
Et
tout ça sans culpabiliser une seule seconde. De toute façon, le
clan des loups était riche et Bruce m'avait donné près de cinq
mille dollars « en cas de problème ». Et avoir emporté seulement
deux jeans, deux tee-shirt et deux pull dans un endroit pareil en
était un, non? Enfin, bref, j'enfilai rapidement mon bikini, mon
paréo, embarquai une serviette et descendis me réfugier sous l'un
des nombreux parasols de la plage de l'hôtel.
Autour
de moi, l'ambiance était plutôt festive, les jolies filles
foisonnaient de partout, les mecs mat et en maillot de bain aussi.
Avec ma peau blanche et mes yeux clairs, j'attirais de nombreux
regards mais je m'en moquais. J'avais déjà de la chance en tant que
vampire de pouvoir sortir en plein jour et de traîner sur une plage,
je n'allais pas en plus, faire la fine gueule.
--Ah...olha
essa menina, ela é sublime!
Je
tournai la tête en direction des rires et des sifflements et tombai
sur un groupe de garçons qui me reluquaient. Visiblement la
discrétion n'était pas leur fort. Je repérais rapidement l'un
d'entre eux, un jeune humain brun avec de beaux yeux âgé de seize
ou dix sept ans. Il sentait incroyablement bon. AB+ , j'étais sûre
que son groupe sanguin était AB+...Je lui souris avec l'air de dire
« qu'est-ce que t'attends? ». Quelques secondes plus tard, il
mordait à l'hameçon et avançait vers moi sous les taquineries de
ses copains.
--Bonjour,
fit-il en Anglais.
--Bonjour.
--Je
m'appelle Manuel.
--Et
moi, Leonora. Tu parles sans accent, tu n'es pas d'ici?
--Si
mon père est Brésilien mais ma mère est américaine.
Il
avait une voix agréable et son odeur était sucrée et envoûtante.
Tu
es en vacances?
--Si
on veut...
--Où
sont tes parents?
--Et
bien, ma mère et son mec sont surement en train de faire disparaître
des cadavres, et mon père doit être en train de saigner un humain
quelque part...
Il
s'esclaffa.
--Tu
es une fille bizarre...mais j'aime bien ton sens de l'humour.
Je
lui rendis son sourire.
--Je
tiens ça de famille, rétorquai-je d'un ton sarcastique.
--Alors
tu voyages seule?
--Malheureusement
pas. Non, j'ai un garde du corps qui me pourrit la vie.
--Je
vois. Moi aussi j'en ai un. Les kidnappings et la violence sont
monnaie courante ici.
--Alors,
vous devez bien vous amuser, rétorquai-je en soupirant.
Il
écarquilla les yeux.
--Euh...oui...enfin,
si on veut...
--Chez
moi, il ne se passe jamais rien. Je suis dans une école de filles et
ma mère est très stricte. C'est la première fois que je pars sans
elle.
--Alors
il faut fêter ça! Que dirais-tu d'aller en boîte avec moi et mes
amis, ce soir?
--Où
ça?
--Au
Castillano, c'est de ce côté, tout au bout de la plage. Tu verras,
la musique est géniale et on s'amuse bien.
Je
réfléchis et grimaçai.
--J'adorerais
mais je ne sais pas si je vais pouvoir me débarrasser de mon garde
du corps.
Il
sourit.
--C'est
le beau mec qui nous fixe d'un air méchant, là bas?
Je
tournai la tête et aperçus William qui avançait vers nous en
compagnie d'une très jolie blonde aux seins visiblement refaits.
Comme à son habitude, il était hyper sexy avec son large torse, son
visage aux traits réguliers, sa peau hâlée mais ce qui retenait
surtout l'attention, c'était la virilité et le charisme qu'il
dégageait. Il était « hot », comme disait ma meilleure amie,
Maya.
--Oui.
Bon, je vais m'arranger. On se dit 11 heures?
Il
se releva et hocha la tête.
--11
heures, ça me va..., fit-il avant de s'éloigner.
Un
instant plus tard, William débarquait l'air furax.
--Où
as-tu trouvé cette tenue?
Je
n'étais pas nue mais c'était tout comme à voir son expression.
--Un
vieux pervers me l'a offerte en échange de faveurs sexuelles,
ironisai-je.
Il
attrapa mon bras et me souleva brusquement.
--Pardon?
--Mais
non, espèce d'imbécile, je l'ai mise sur ta note. Et arrête de me
secouer!
--Leo,
tu vas me faire le plaisir d'enfiler un short ou une une robe et
vite!
--Et
pourquoi pas un passe-montagne tant que tu y es? fis-je d'un ton
glacial avant de me tourner vers la blonde qui nous regardait un peu
éberluée.
--Bonjour,
je suis Leo, dis-je en lui souriant.
--Oh,
c'est la petite soeur dont tu me parlais? Et bien enchantée, Leo,
moi, je m'appelle Sofia, répondit-elle en Anglais mais avec un fort
accent Brésilien.
Je
reportai mon attention sur Will.
--Ta
petite soeur? fis-je d'un ton railleur.
Il
se renfrogna et me lança un regard qui signifiait « fais attention
à ce que tu dis »
--Oui.
Bon, tu vas te changer maintenant?
Je
secouai la tête.
--Non.
--Mais
William, pourquoi veux-tu qu'elle se change? Ta soeur est une vraie
beauté et ce maillot lui va parfaitement, lui fit remarquer Sofia.
Je
souris d'un air triomphant et tournai coquettement sur moi même.
--Oui,
moi aussi, je trouve qu'il me va bien.
--Sofia,
Leo est trop jeune pour s'exposer de cette façon, claqua-t-il
sèchement.
--Mais
ce n'est qu'un Bikini et elle est sur la plage, insista-t-elle.
Il
ignora sa remarque et me demanda.
--C'était
qui ce garçon?
--Quel
garçon? demandai-je d'un ton faussement innocent.
--Celui
avec qui tu parlais.
--Un
vendeur de hot dog, fis-je en m'efforçant de ne pas rire.
--Tu
te fous de moi?
Je
fronçai les sourcils.
--Tu
me fatigues, William, tu me fatigues vraiment. Alors va t'amuser avec
Sofia et fiche moi la paix, d'accord? lâchai-je avant de m'allonger
sur ma serviette et de l'ignorer totalement.
--Très
bien, dans ce cas, je reste avec toi et je ne bouge pas d'ici.
--Non
mais c'est quoi ton problème? Tu sais, tu devrais te méfier, je
vais finir par croire que tu es jaloux!
Il
s'esclaffa et répondit d'un ton arrogant.
--D'une
petite fille?
Aie...ça,
ça faisait mal...
--Alors
pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas vivre, un peu, pour changer?
--Parce
que tu te trouves sous ma responsabilité. Une fois que ce ne sera
plus le cas, je ne me sentirai plus concerné et tu pourras faire
tout ce que tu voudras.
--Je
vois, fis-je en me relevant et en secouant ma serviette de plage.
Amuse toi bien, je rentre à l'hôtel.
--Leo?
fit-il tandis que je m'éloignais.
--Quoi?
demandai-je sans me retourner.
--Je
t'interdis de bouger de la chambre.
--Sans
blague?
--Et
si tu décides de t'en aller, je te retrouverai et je te collerai une
belle fessée.
William
avait tenu à ce que nous dînions tous les deux dans la chambre mais
je savais qu'il ne laisserait jamais passer une occasion comme Sofia
et qu'il n'allait pas tarder à la rejoindre. Tous les jeunes loups
étaient dotés d'une libido exacerbée et tout particulièrement les
alphas. Résister à l'attrait d'une jolie Brésilienne n'était pas
dans leurs cordes et je comptais sur cette faiblesse pathologique
pour parvenir à m'échapper.
--Je
vais devoir sortir pour aller te chercher une poche de sang au dépôt.
Tu m'attendras sagement ici, c'est d'accord? ordonna-t-il d'un ton
qui ne souffrait pas de discussion.
Depuis
la fin de la guerre, avaient été installées dans toutes les villes
du monde, des sortes d'entrepôt où venaient s'approvisionner les
vampires. D'habitude, c'était maman qui me ravitaillait mais vu les
circonstances, Will n'avait pas d'autre choix que de s'en charger.
--D'accord.
Mais je te signale que nous n'avons pas fait de demande officielle
pour séjourner ici. Tu es certain que ça ne posera de problème?
--Non.
Pas avec un bon bakchich.
--Je
pourrais peut-être pour une fois faire une exception et
m'approvisionner directement chez l'habitant? proposai-je en
souriant.
Il
me lança un regard noir.
--C'est
hors de question.
--Décidément,
tu n'es pas drôle.
--Non.
Je
soupirai et m'essuyai les lèvres.
--Très
bien. Dans ce cas, je vais mater la télé et nous louer un film
porno, plaisantai-je.
--Leo!
--Et
merde! A t'entendre, on ne dirait vraiment pas que tu as vingt ans!
T'es chiant!
--Ah?
Parce que ta mère a plus d'humour, peut-être?
--Oh
oui! Avec maman je ris, je m'amuse, je regarde des séries amusantes
à la télé, je joue aux jeux de sociétés et je bouffe des glaces.
Il
écarquilla les yeux d'un air surpris.
--On
parle bien de ta mère, là?
Je
haussai les épaules.
--Qu'est-ce
que tu t'imagines? Qu'elle est seulement une tueuse froide et sans
coeur?
Il
me jeta un regard gêné.
--Non,
non, mais je ne l'imaginais pas non plus...enfin...c'est un Assayim
et une Vikaris...je t'avoue que je n'ai jamais songé à elle de
cette façon.
--Et
bien tu as tort. Elle adore rire, manger, plaisanter, sortir avec
Beth...
Il
sourit.
--Ok,
ok, mettons que je n'ai rien dit, d'accord?
--D'accord,
fis-je en prenant la télécommande.
Je
zappai et tombai sur Grimm, l'une de mes séries fétiches.
--Chouette,
je sens que je vais passer une bonne soirée, fis-je en souriant.
Will
me jeta un regard suspicieux mais en voyant que j'ôtais ma robe et
me glissais sagement dans mon lit, il sembla se détendre.
--Je
ne serai pas long. Tu me raconteras ce que j'aurai manqué?
Je
hochai la tête.
--Yep.
Essaie de me ramener du AB+, c'est mon groupe sanguin préféré.
Il
acquiesça.
--Entendu.
Quelques
minutes plus tard, il était parti et je me ruai vers la salle de
bain en croisant les doigts pour que la belle Sofia soit assez douée
et complaisante pour le retenir un bon bout de temps.
Manuel
m'attendait comme prévu devant le « Castillano ». J'avais couru le
long de la plage, par chance, ce n'était pas un soir de plaine lune
et j'étais bien trop rapide pour que les rares promeneurs puissent
m'apercevoir ou distinguer autre chose qu'une ombre.
--Bonsoir
Manuel.
Il
s'était mis sur trente et un. Une jolie chemise blanche, un pantalon
fin, un peu de gel dans ses cheveux et il s'était parfumé. L'odeur
n'était pas désagréable mais je préférais de très loin celle,
plus cuivrée, de son sang.
--Bonsoir
Leonora. Tu es magnifique.
C'était
simple mais un joli compliment. Il fallait dire que j'avais mis le
paquet. Ma robe m'allait comme un gant et soulignait chacune de mes
formes, un peu comme les actrices dans les films des années
cinquante. J'avais relevé mes cheveux en chignon et je m'étais même
maquillée. Maman me tuerait probablement si elle me voyait attifée
comme ça.
--C'est
la première fois que je sors le soir, je n'étais pas certaine
que...mais bon.
Il
sourit timidement.
--Tu
veux entrer tout de suite dans le club ou alors te balader un peu?
Je
lui rendis son sourire.
--Ben...une
promenade au clair de lune, c'est un bon début de soirée je
trouve...
Il
me tendit gentiment la main et je glissai la mienne dans la sienne.
Il n'était pas du tout mon type mais il ne constituait en aucun cas
une menace comme William. De toute manière, il fallait bien que je
m'entraîne un peu. Je n'intéressais pas ce satané loup et je me
sentais tellement godiche à côtés de toutes ces filles qu'ils
fréquentaient que je commençais à accumuler les complexes. Et
puis, il n'y avait pas un mec à Burlington assez fou pour accepter
de sortir avec moi. D'ailleurs, entre maman, Raphael et Bruce, pas un
n'y survivrait. C'était donc ma seule chance, ma seule chance de
m'amuser avec un jeune humain et de savoir si je parviendrai ou non à
me contrôler suffisamment pour ne pas le tuer.
Ben
oui...c'était aussi le genre de questions existentielles que je me
posais. Je vivais parmi des tueurs et je les adorais mais je n'étais
pas comme eux. La vie des humains avait un sens pour moi.
De
toute façon, si je parlais de mes scrupules, je savais que Bruce me
dirait de ne pas m'inquiéter et que dans le pire des cas, il ferait
disparaître les cadavres que je laisserais derrière moi, maman
m'engueulerait mais m'assurerait qu'elle flinguerait tous les témoins
de mes exactions et Raphael ne verrait pas pour quelle raison son
infante chérie ne pourrait pas s'offrir de temps en temps un repas
bio.
--Tu
sais, il faut que tu sois prudente, ici. Je veux dire, c'est une
ville dangereuse, avec moi, tu ne crains rien mais tu dois faire
attention.
--Tu
veux dire que j'ai eu de la chance de tomber sur toi?
Il
hocha la tête.
--Oui,
c'est exactement ce que je veux dire.
--Ça
va peut-être t'étonner mais je pourrais te retourner le compliment,
fis-je d'un ton malicieux.
Il
se mit à rire.
--Qu'est-ce
que tu as fait de ton garde du corps?
--Il
est dans le lit d'une belle Brésilienne.
--Ah...remarque,
ça ne m'étonne pas. Tu as vu la façon dont les filles le
regardaient tout à l'heure, sur la plage? Franchement, j'aurais bien
voulu être à sa place.
Oui,
oui...William était canon...il n'y avait pas le moindre doute. Mais
ce n'était pas pour ça qu'il m'intéressait. Enfin, pas
seulement...
--T'es
pas mal, toi aussi dans ton genre, dis-je doucement.
Il
s'arrêta de marcher et ses pieds s'enfoncèrent plus profondément
dans le sable.
--Tu
trouves?
--Oui.
Tu as de beaux yeux, une jolie dentition, une belle couleur de
peau...
--A
t'entendre, on dirait que tu parles d'un cheval, fit-il en repoussant
une des mèches qui s'étaient échappées de mon chignon.
--Et
bien, si on veut voir les choses froidement, on ne se connait pas toi
et moi, alors à part une certaine attirance physique...
–...Leonora,
tu es l'une des plus jolies filles que j'ai jamais vues de ma vie et
j'habite pourtant au Brésil. Ici les filles se font opérer dès
quinze ans, la chirurgie fait des miracles mais toi...toi tu as
complètement naturelle et pourtant...
--Et
pourtant?
--Je
ne sais pas, tu dégages quelque chose de parfait et d'un peu irréel.
Je
plongeai mes yeux dans les siens.
--Tu
n'es pas bête, je suis contente...
--Pourquoi?
--Parce
que je n'aurais pas voulu que le premier garçon que j'aurais laissé
m'embrasser soit un idiot.
Ses
lèvres s'étendirent en un vrai sourire et il baissa doucement son
visage vers le mien.
Je
déglutis, tentant d'humidifier ma gorge qui était devenue toute
sèche et posai doucement mes lèvres sur les siennes. Son baiser
était tendre, sa bouche avait la douceur d'un fruit, ce n'était pas
désagréable mais...je n'éprouvais aucune sensation forte. Mon
esprit ne s'égarait pas, mes jambes ne flageolaient pas, bref, je ne
ressentais qu'une minime, très minime satisfaction. J'allais
doucement le repousser lorsque je sentis l'air se charger d'une
étrange énergie. Une énergie puissante, bestiale et d'une fureur
absolue. Je réprimai un frisson, tournai la tête et aperçus Will
qui nous observait.
Ses
yeux étaient d'un doré lumineux qui témoignait de la proximité du
changement. Dans une ou deux secondes, il abandonnerait toute trace
d'humanité et Manuel mourrait.
--Écarte
toi, Leo, gronda-t-il d'une voix gutturale.
Je
pris une profonde inspiration et m'humectai les lèvres.
--Non...s'il
te plaît, William, ne fais pas ça.
Manuel
était blanc comme un linge, je pouvais sentir sa peur. Il n'avait
beau n'être qu'un humain, il était assez malin pour savoir détecter
un véritable danger.
--Écarte
toi de lui, Leo.
Je
secouai la tête.
--Non.
Tout est ma faute, je ne te laisserai pas le tuer, affirmai-je en
m'interposant.
Pour
la première fois, j'avais vraiment peur de lui. Et je comprenais un
peu mieux à présent pour quelle raison maman m'avait dit de me
montrer plus respectueuse et de garder mes distances avec Will.
Merde! Son pouvoir était phénoménal...
--
« Tu ne me laisseras pas? » , ricana-t-il dans un grondement
effrayant.
--Écoute,
c'est moi qui lui ai donné rendez-vous et moi qui l'ai embrassé. Je
ne veux pas vivre avec sa mort sur la conscience. Ne me fais pas ça,
s'il te plaît ou je te jure que je ne te le pardonnerai jamais.
--Il
est trop tard, Leo, fit-il en s'approchant.
Je
m'aperçus que les traits de son visage perdaient de leur netteté et
qu'il commençait à muter.
--Non!
hurlai-je en me précipitant vers lui pour me jeter dans ses bras.
Il
me dévisagea aussitôt d'un air surpris.
--Si
tu tiens à moi, ne le fais pas, je t'en supplie, déclarai-je des
larmes dans les yeux.
Ben
oui...on est une fille ou on ne l'est pas. Je n'étais pas assez
puissante pour le battre, loin de là, mais attendrir un loup très
protecteur et le culpabiliser, je faisais ça très bien. Enfin,
c'était ce que prétendaient Beth et Bruce....
Comme
prévu, il parut soudain déstabilisé et interrompit sa mutation
pour reporter son attention sur moi.
--Leo...
Je
me lovai plus intimement contre lui, laissai mes larmes de crocodile
couler sur ma joue et caressai doucement son visage.
--Oui?
Il
ravala son pouvoir brusquement et je sentis l'atmosphère tout à
coup s'alléger.
--Tu
crois que je ne te connais pas assez pour savoir quand tu joues la
comédie? demanda-t-il d'une voix presque normale tandis que je
regardai du coin de l'oeil Manuel s'évanouir dans la nuit.
Je
posai doucement mon visage sur son torse nu.
--Tu
n'as même pas eu un moment de doute? demandai-je d'un ton faussement
léger.
--Non.
--Alors
pourquoi avoir interrompu ta mutation?
--Parce
que je ne parvenais pas à en croire mes yeux et mes oreilles...où
as-tu appris à faire ça? Ce n'est sûrement pas ta mère...
Je
souris.
--Non.
Maman a suffisamment puissante pour imposer sa volonté quelle
qu'elle soit, elle n'a pas besoin d'utiliser ce genre de subterfuges.
Mais je suis une fille, Will, une vraie fille, tu ne vas tout de même
pas m'empêcher d'utiliser l'arsenal que mon sexe a mis à ma
disposition?
--Hum...tu
sais que je crois que je vais te l'infliger tout compte fait, cette
fessée!
--Pourquoi?
Pour avoir flirté et m'être laissée embrasser? Tu le fais bien,
toi!
Il
fronça les sourcils.
--Ça
n'a rien à voir!
--Et
pourquoi? Parce que tu es plus âgé ?
--Et
parce que je suis un homme!
--La
belle affaire. Nous aussi on a le droit d'aimer ça, non?
Ses
traits se durcirent.
--Ah
parce qu'en plus tu as aimé?
--Oui,...enfin,
sa bouche était douce, son odeur agréable mais je n'ai pas...tu
sais ressenti les picotements que j'ai quand...enfin, je veux dire...
Il
haussa les sourcils.
--Quels
picotements?
Je
frottai instinctivement ma main sur mon ventre.
--Tu
sais...ceux quand on tremble, que ton coeur est prêt à exploser et
qui te donnent chaud...
Il
écarquilla les yeux d'un air surpris.
--Leo,
c'est du véritable désir dont tu parles et tu es beaucoup trop
jeune pour ressentir ce genre de choses.
--Mais
pourtant c'est le cas.
Une
flamme de colère s'alluma dans ses yeux. Il souleva rageusement mon
menton.
--Qui?
--Quoi?
--Je
veux savoir son nom, Leo!
Décidément
lui et Bruce s'étaient donnés le mot. Mais ce que j'avais confié à
Bruce, je ne pouvais pas le dire à William. Non, je préférais
mourir que de lui donner le moyen de m'humilier davantage.
--Certainement
pas!
Il
me souleva, me jeta brutalement sur son épaule et traversa la plage
en courant.
--Ça
c'est ce que nous allons voir jeune fille.
--Lâche
moi espèce de crétin!
--Vos
désirs sont des ordres, princesse! fit-il en me balançant dans
l'eau froide.
Je
me redressai aussitôt sur mes jambes mais ma robe et mes cheveux
étaient trempés et sentaient le sel.
--Mais
t'es débile ou quoi? Tu sais combien a coûté cette robe?
--C'est
moi qui l'ait payée, non? De toute façon, elle est complètement
indécente pour une fille de ton age!
--C'est
sûr qu'elle irait mieux à ta pétasse!
--Très
certainement, oui. Elle, au moins, elle a l'age de la porter!
Cette
fois, c'était trop, je me ruai sur lui mais au moment où j'allais
le percuter, il me fit une prise étrange et me projeta à nouveau
dans l'eau avec une force et une facilité déconcertante.
--Tu
ne peux plus me surprendre Leo, et il n'y a pas d'arbre dans la mer,
lâcha-t-il d'un ton calme tandis que je le fusillais du regard.
Alors?
--Alors
quoi?
--Quel
est ce garçon dont tu sembles être tombée amoureuse?
--Je
ne vois pas du tout en quoi ça te regarde. Tu n'es pas Bruce,
Raphael ou mon père.
Je
n'ai pas à répondre à tes questions ou à me plier à tes ordres.
Il
croisa les bras et me jeta un regard condescendant.
--Tu
sais qu'on peut jouer à ça toute la nuit?
--Fais
ce que tu veux, moi, je rentre à l'hôtel, fis-je en avançant vers
la plage.
--Il
n'en est pas question, gronda-t-il en se ruant sur moi.
Il
me tenait le corps entre ses bras et ses jambes et me broyait les
muscles comme un étau. Ma tête seule restait libre.
Instinctivement, je sortis les crocs avec l'intention évidente de
lui arracher la lèvre mais à peine en avais-je manifesté
l'intention que ma bouche se posait instinctivement sur la sienne et
qu'un feu m'embrasait toute entière.
Il
sentait bon, sa peau était chaude, le goût de sa bouche m'enivrait
et un frisson étrange et délicieux me parcourait le bas ventre. Le
contact de ses mains qui glissaient dans mon dos , sa langue à la
fois douce et impérieuse dans ma bouche chassaient toute partie
cohérente de mon cerveau et une faim insatiable se mit à grandir en
moi.
--Leo!
Non! s'écria-t-il soudain en interrompant notre baiser et en me
repoussant fermement.
J'ouvris
les yeux. Il paraissait contrarié et me dévisageait d'un air
furieux.
--Je
peux savoir à quoi tu joues? claqua-t-il sèchement.
J'eus
soudain envie de hurler « je t'aime espèce d'idiot » mais au lieu
de ça, je haussai nonchalamment les épaules d'un air faussement
indifférent.
--Une
jeune fille ne devrait jamais commencer sa vie sexuelle sur une
mauvaise expérience, c'est ce que tante Beth dit toujours. Et comme
je t'avais sous la main...
Il
me décocha un regard indigné.
--Commencer
sa vie sexuelle? A douze ans?
Je
soupirai, exaspérée.
--Douze
années humaines mais au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne
suis pas humaine. Je suis un vampire et les vampires, tout comme les
loups, ont une libido des plus exacerbées. Question de nature, je
suppose.
Je
ne pensais pas ce que je disais. En réalité, je n'avais jamais rien
ressenti pour aucun homme avant William et je doutais de pouvoir un
jour m'intéresser à un autre que lui. Mais j'en avais assez qu'il
me traite comme une enfant, assez qu'il ne me voit pas, assez de son
indifférence...
--Retourne
à l'hôtel, Leo! ordonna-t-il d'un ton glacial.
--A
vos ordres. De toute façon, je m'en fiche, demain je rentre chez moi
et nous serons enfin débarrassés l'un de l'autre, répliquai-je
d'un ton faussement calme avant de lui tourner le dos et de
m'éloigner dans le sable.
--Et
merde! l'entendis-je murmurer avant de pousser un hurlement rageur.