Angleterre
1877. Par dépit, Emma accepte d'épouser le prince Nicolas
Angelovski après qu'elle a été abandonnée par l'homme qu'elle
aimait.
Angleterre
1877. Par dépit, Emma accepte d'épouser le prince Nicolas
Angelovski après qu'elle a été abandonnée par l'homme qu'elle
aimait. Elle ignore que c'est Nicolas qui a manigancé cette rupture.
L'annonce de ce mariage fait verdir de jalousie toutes les jeunes
filles de la bonne société londonienne. Car le prince est
richissime et fort séduisant. Mais un mystère plane sur son passé.
On sait qu'il s'est enfui de Russie, victime des tortures infligées
par les services secrets du tsar. Quel crime a-t-il commis ? Et
pourquoi se montre-t-il si distant à l'égard de sa jeune épouse ?
Par moments, Nicolas est envahi par l'étrange sentiment que cette
femme lui appartient depuis toujours. Comme si, dans une vie
antérieure, tous deux avaient vécu une passion violente à l'issue
tragique... Comme si une malédiction poursuivait les deux amants à
travers les siècles... Une question le hante : comment éviter que
le drame ne se répète ? Car aucune femme ne sait, comme Emma,
attiser son désir.
L'extrait :
Londres,
1877
-
Vous attendez quelqu'un ? fit une voix d'homme, rompant le silence
qui régnait dans le parc.
Il
avait une pointe d'accent russe qu'Emma trouvait charmant et
mélodieux. Se retournant d'un air faussement indifférent, la jeune
fille vit le prince Nicolas surgir de la pénombre.
Avec
sa peau cuivrée, ses cheveux épais et dorés mais aussi son
caractère imprévisible, Nicolas ressemblait plus à un tigre qu'à
un aristocrate. Emma n'avait jamais vu si parfait mélange de beauté
et de férocité. Connaissant sa réputation, elle n'ignorait pas
qu'elle avait toutes les raisons de le redouter. Mais elle savait
aussi dompter les animaux sauvages. Face à un fauve, il ne fallait
surtout pas trahir sa peur.
Emma
se détendit donc et s'installa plus confortablement sur le banc de
pierre, dans un coin isolé du vaste domaine.
-
En tout cas, ce n'est pas vous que j'attends, rétorqua-t-elle d'un
ton sec. Que faites-vous ici ?
-
J'avais envie de me promener, déclara-t-il avec un large sourire,
laissant apparaître des dents étincelantes.
-
Je préférerais que vous vous promeniez ailleurs. J'ai un
rendez-vous.
-
Avec qui ? s'enquit le prince en glissant les mains dans ses poches
sans cesser de rôder autour d'elle.
-
Allez-vous-en, Nicolas.
-
Répondez-moi.
-
Allez-vous-en !
-
De quel droit me donnez-vous des ordres ? Je suis ici chez moi, chère
enfant.
Nicolas
s'arrêta à quelques pas de la jeune fille. Il était très grand et
bien charpenté. C'était l'un des rares hommes qu'Emma ne dépassait
pas en taille. Il avait aussi des mains immenses et de larges
épaules. Une ombre voilait son visage, ne laissant apparaître que
l'éclat doré de ses yeux.
-
Je ne suis pas une enfant. Je suis une femme !
-
Je vois cela, dit doucement Nicolas.
Ses
yeux se promenèrent sur la silhouette de la jeune fille, détaillant
les courbes de son corps drapé d'une simple robe blanche. Comme de
coutume, elle n'était pas maquillée. Ses cheveux d'un superbe ton
roux aux reflets de bronze et de cannelle étaient relevés en
chignon, mais quelques mèches rebelles lui frôlaient le visage et
le cou.
-
Vous êtes ravissante, ce soir, fit-il.
-
Epargnez-moi vos flatteries ! rétorqua Emma en riant. Je peux être
jolie, tout au plus, je le sais bien. Cela ne vaut pas la peine de me
meurtrir le crâne avec des épingles et de me comprimer les côtes
dans un corset à n'en plus pouvoir respirer. Je préférerais me
promener tous les jours en bottes et en pantalon, comme les hommes.
Quand on ne peut être belle, autant ne pas insister.
Nicolas
ne protesta pas, mais il avait une tout autre opinion sur la
question. Le charme unique d'Emma l'avait toujours fasciné. C'était
une femme décidée, pleine d'énergie, avec des pommettes hautes,
une bouche sensuelle et un nez parsemé de taches de rousseur. Mince
et élancée, elle était très grande. Nicolas ne la dépassait que
de quelques centimètres.
Ils
étaient faits l'un pour l'autre. Et pourtant, personne ne semblait
s'en rendre compte. Mais Nicolas, lui, le savait depuis des années,
depuis leur première rencontre. Emma était alors une enfant
turbulente à la crinière flamboyante. A vingt ans, elle était
devenue une jeune fille dont la franchise impitoyable touchait la
personnalité secrète du jeune homme. Elle lui rappelait les femmes
qu'il avait connues en Russie, des femmes de tempérament... qui
ressemblaient si peu aux insipides Européennes qu'il fréquentait
depuis sept ans.
Consciente
de son regard pesant, Emma lui fit une grimace un peu puérile.
-
Cela m'est égal d'être ordinaire, affirma-t-elle. J'ai eu
l'occasion de constater que la beauté pouvait se révéler un
terrible inconvénient. A présent, il faut vraiment que vous vous en
alliez, Nicolas. Si vous êtes dans les parages, aucun homme n'osera
approcher.
-
Qui que vous attendiez, il ne restera pas plus longtemps que les
autres.
-
Celui-là, si ! lança-t-elle avec un air de défi.
-
Ils ne restent jamais, insista-t-il d'un ton désinvolte. Vous les
repoussez tous au fur et à mesure qu'ils se présentent. Pourquoi ?
Emma
rougit violemment, les lèvres crispées. La flèche avait atteint sa
cible. Voilà trois saisons qu'elle avait fait ses débuts dans la
société. Si elle ne se fiançait pas rapidement, elle serait vite
considérée comme un cas désespéré et finirait vieille fille.
-
Je ne vois pas pourquoi j'aurais besoin d'un mari, répliqua-t-elle.
Je n'aime pas l'idée d'appartenir à quelqu'un... Vous devez me
trouver bien peu féminine, n'est-ce pas ?
-
Je vous trouve on ne peut plus féminine.
-
C'est un compliment ou vous moquez-vous de moi ? demanda-t-elle en
arquant ses sourcils dorés. Avec vous, c'est toujours difficile à
dire.
-
Je ne me moque jamais de vous, Emma. Des autres, oui, mais jamais de
vous.
Elle
émit un soupir perplexe.
Nicolas
s'approcha d'elle, avançant en pleine lumière, sous un lampadaire.
-
Maintenant, vous allez rentrer avec moi et retrouver les invités du
bal. En plus d'être votre hôte, je suis votre cousin éloigné. Je
ne puis vous laisser dehors sans chaperon.
- N'essayez pas d'invoquer un quelconque lien familial entre nous. Vous n'êtes qu'un parent de ma belle-mère. Nous ne sommes aucunement liés par le sang.