Rien
de ce que vous pourrez dire
ne
me fera vous pardonner.
La ruine d'une canaille...
On l'appelle le Duc Tueur, il est accusé d'avoir tué Mara Lowe qui s’apprêtait
Le retour d'un femme...
Mara avait prévu de ne jamais retourner dans ce monde qu'elle avait fui, mais lorsque son frère se noie dans les dettes qu'il dit au casino privé de Temple, elle n'a pas d'autre choix : elle propose un marché à Temple. Elle refera surface dans le monde pour prouver ce qu'elle est seule à savoir... qu'il n'est pas un tueur.
La révélation d'un scandale...C'es un excellent marché, jusqu'à ce que Temple réalise que cette lady, ainsi que son passé, sont tout autres que ce qu'ils semblent. Il lui faudra faire preuve de toute sa force de volonté pour résister à l'attirance qu'il éprouve à l'égard de cette mystérieuse et exaspérante jeune femme, qui est bien décidée à prendre tous les risques pour l'honneur... et pour l'empêcher de s'ouvrir à l'amour.
source: (Traduction everalice - BDP)
J'ai
adoré !
Troisième
opus du cercle des canailles et toujours un aussi bon moment.
Temple
est le géant, le boxeur, la force de la nature du quatuor des canailles qui a été écarté
de la bonne société aristocratique après qu'il est été retrouvé
au petit matin dans le lit de sa future belle-mère et que le dit lit soit
recouvert de sang. Pendant douze ans, il vivra avec la réputation du
duc tueur.
Alors
quand il retrouve Mara qui loin d'être morte comme tout le monde
pense a refait sa vie sous une fausse identité, autant vous dire
qu'il lui en veut en peu...
Le
frère de la belle s'est ruiné au jeu et pire, il a dilapidé les
économies de sa sœur. Celle-ci n'a d'autres solutions que de sortir
de l'ombre pour retrouver son créancier et pseudo assassin.
Bon !
Les retrouvailles sont un peu tiré par les cheveux mais ça ne nuit
pas au livre.
Les
points forts
De
beaux personnages !
Temple
est juste un géant un peu rude à l'extérieur mais si TENDRE à
l'intérieur. On en redemande ! Quant à Mara qui a tout de même
gâché douze de la vie du bellâtre, on vit son parcours de
rédemption avec beaucoup d'empathie.
Les
points faibles
Je
les ai évoqué au tout début. Les retrouvailles mais aussi les
mensonges récurrents de l'héroïne. On a envie de lui dire de
retenir la leçon et de ne pas recommencer les bêtises passées !
Une
très belle romance historique
— Temple,
protesta-t-elle.
—
Attendez,
murmura-t-il. Laissez-moi vous regarder.
Jamais
il n’avait vu une telle beauté. Son regard la dévora – la
cascade soyeuse des cheveux dans lesquels la lumière de la chandelle
allumait des éclats fauves, les yeux bleu et vert que voilait
un mélange de frustration et de désir, les lèvres déjà
légèrement tuméfiées par ses baisers…
Il
reprit sa bouche, avec le désir fou de graver dans sa mémoire le
son de ses soupirs, le parfum de sa peau, le poids si léger de son
corps contre lui, toutes choses si nouvelles pour lui…
À moins
que…
Il
écarta la tête de nouveau. Elle rouvrit les yeux.
—
Vous
devriez vraiment arrêter d’arrêter, dit-elle avec un sourire.
—
Chez
la couturière… commença-t-il, et aussitôt il souffrit de voir le
voile de la sensualité déserter les yeux de la jeune femme. Ce que
vous avez dit lorsque Mme Hébert vous a demandé de vous
dévêtir…
Ce
ne sera pas la première fois que vous me verrez en sous-vêtements.
—
Nous
avons déjà fait cela, acheva-t-il.
—
Oui,
dit-elle en baissant les yeux sur le tatouage qui ornait le bras de
Temple.
Non.
Ce ne pouvait être vrai. Il ne l’aurait pas oublié. Il se serait
souvenu d’elle, de sa saveur, de ses gestes. De tout ce qu’elle
était.
Il
embrassa son cou puis le creux de sa clavicule, y plongea la langue,
savoura le soupir qu’elle ne put retenir lorsqu’il desserra le
lacet du corsage et glissa une main sous le tissu pour caresser
l’extrémité d’un sein.
Pour
le libérer.
Doux
Jésus, il n’aurait pas pu oublier tant de perfection.
Il
chercha son regard.
—
Nous
avons déjà fait cela, n’est-ce pas ? répéta-t-il.
Elle
hésita, et cette pause le frustra. Il ne supporterait pas qu’elle
mente de nouveau.
Soudain,
cela lui parut plus important que n’importe quoi d’autre. Il
abaissa les épaisseurs de vêtements, laissant la robe sombre et la
chemise crème découvrirune peau claire sur laquelle la lumière
vacillante de la chandelle éveilla des éclats d’or.
—
William…
souffla-t-elle.
Son
véritable prénom.
Il
s’immobilisa.
—
Comment
m’avez-vous appelé ?
Elle
hésita.
—
Je…
Personne
ne l’avait appelé ainsi depuis plus d’une décennie. Même
autrefois, peu de gens le faisaient. Seules les femmes qui
partageaient son lit utilisaient son prénom, et il y prenait
plaisir. Cela les rendait plus proches, plus accueillantes. Il se
croyait aimé, pauvre idiot qu’il était.
—
Dites-le.
—
William.
Doux
Jésus. Il avait déjà vécu cela.
S’il
l’avait oublié, c’était qu’elle y avait veillé. Elle lui
avait donc tout volé de cette nuit-là, même ce moment.
Il
la relâcha comme si elle l’avait brûlé, et peut-être était-ce
le cas. Peut-être le fait qu’elle l’ait privé du souvenir de
cette nuit était-il la plus grave de ses fautes, maintenant qu’il
pouvait apprécier le trésor dont sa mémoire avait été
dépouillée.
Il
se mit debout, et un léger vertige le prit. Il attendit une fraction
de seconde avant de s’éloigner de quelques pas, furieux de
l’effort que cela lui coûtait.
—
Que
s’est-il passé d’autre cette nuit-là ?
Elle
garda le silence.
Bon
sang de bois.
Que
s’était-il passé ? L’avait-il fait se déshabiller ?
L’avait-il embrassée partout ? Lui avait-elle rendu la
pareille ? S’étaient-ils donné du plaisir avant qu’il ne
se réveille dans la peau du Duc Tueur et qu’il ne puisse plus
jamais toucher une femme sans voir l’inquiétude envahir son
regard ?
Ou
bien Mara s’était-elle contentée de l’utiliser ?
S’était-elle empressée de le droguer et de partir ?
La
colère l’envahit comme une fièvre.
—
Nous
nous sommes embrassés. Je vous ai vue en petite tenue. Et ensuite ?
Avons-nous…
Elle
se raidit, attendant qu’il achève la phrase avec le mot grossier
qu’il avait osé prononcer chez la couturière.
—
L’avons-nous
fait, oui ou non ? insista-t-il.
Je
n’ai jamais rencontré d’aristocrate digne de confiance.
Seigneur…
Lui avait-il fait du mal ?
À seize
ans, elle était sans doute vierge. L’avait-il prise avec les
ménagements nécessaires ?
Jamais
à sa connaissance il n’avait couché avec une jeune fille vierge.
L’avait-il fait cette nuit-là ?
Et
si… L’orphelinat. Les garçons.
Était-il
possible que l’un d’eux soit son fils ?
Son
cœur s’affola.
Non.
Elle n’aurait pas disparu comme une voleuse en emmenant son enfant.
Ou bien si ?
Il
lui jeta un coup d’œil.
Mara
rajustait son corsage et arborait une expression sereine, comme s’ils
étaient en train de deviser des débats au Parlement ou du temps
hivernal.
Il
revint auprès d’elle et s’arrêta à quelques centimètres.
—
Vous
me devez la vérité, dit-il en se retenant difficilement de la
secouer.
Pendant
un instant, il vit quelque chose dans le regard de Mara. Elle y
réfléchissait, comprit-il. Elle songeait à lui révéler la
vérité.
Puis
son regard changea. Et voilà… elle choisissait une autre tactique.
Lorsqu’elle
parla, ce fut d’une voix assurée.
—
Nous
avons passé un marché, Votre Grâce. Vous obtenez réparation et
moi, mon argent. Si vous voulez la vérité sur cette nuit
d’autrefois, je serai heureuse d’en négocier le prix.
Il
en resta muet une seconde. Quelle audace ! Il n’avait jamais
rencontré quelqu’un d’aussi effronté. Et, tout en mourant
d’envie de la ligoter et de la harceler jusqu’à ce qu’elle
réponde à ses questions, il admirait son sang-froid.
—
Il
semble que vous ayez eu affaire à des canailles et que vous en ayez
tiré de profitables leçons.
—
Vous
seriez surpris de découvrir ce que douze années passées à devoir
se débrouiller seule peuvent faire d’une femme, répliqua-t-elle
avec aigreur.
Ils
étaient debout, face à face. Mara faisait une adversaire plus à sa
hauteur que beaucoup d’autres, songea Temple. Peut-être parce que
tous les deux avaient connu la misère et l’angoisse. Peut-être
parce que aucun d’eux n’avait l’habitude de faire confiance à
autrui.
—
Je
ne serais pas surpris du tout, admit-il.
—
Alors,
vous êtes d’accord pour discuter de clauses supplémentaires ?
Il
faillit accepter. Il faillit même annuler la dette de Christopher
Lowe, rendre au frère et à la sœur leur argent, le domaine et les
maisons de leur père, tout ce que celui-ci leur avait légué et que
son imbécile de fils avait perdu.
Parce
que, découvrit-il, ce qu’il souhaitait plus que tout, c’était
se souvenir de cette nuit, la revoir, la revivre. Il le désirait
plus que le droit de reprendre son nom. Plus que tout ce qu’il
possédait.
Mais
elle ne pouvait pas plus lui rendre la mémoire que lui rendre les
années perdues.
Tout
ce qu’elle pouvait lui donner était la vérité.
Et
il l’obtiendrait.
L'extrait :
— Où
est-elle ? demanda-t-il à Lydia.
—
Je
ne sais pas. Elle ne l’a pas dit.
—
Quand
reviendra-t-elle ?
Elle
baissa les yeux, et il entendit la réponse avant qu’elle ne la
prononce.
—
Jamais.
Il
se retint avec peine de hurler, de maudire la sottise des femmes et
le destin cruel qui s’acharnait sur lui.
—
Pourquoi,
pourquoi, pourquoi ? gémit-il.
—
Pour
nous. Elle pense que nous nous en sortirons mieux sans elle.
—
Les
garçons ont besoin d’elle ! Vous avez besoin d’elle !
Cet endroit a besoin d’elle !
Lydia
le regarda avec un sourire entendu.
—
Vous
ne comprenez pas. Elle pense que, pour vous aussi, c’est mieux.
—
Elle
a tort.
—
Je
suis d’accord. Mais elle croit que, désormais, aucun aristocrate
ne confiera son fils à quelqu’un dont le passé est aussi noir que
le sien. Que personne ne donnera d’argent à un orphelinat dirigé
par une menteuse. Et qu’aucun duc ne réintégrera la société
avec une femme déchue sur les bras.
—
Merde
à la société !
—
Bien
dit, commenta Lydia sans se choquer du mot grossier.
—
Comment
avez-vous fait sa connaissance ? demanda-t-il abruptement, tant
il désirait en savoir plus sur la femme qu’il aimait.
Seigneur…
il aurait dû le lui dire. Peut-être, se sachant aimée, serait-elle
restée.
—
C’est
une longue histoire, prévint Lydia.
—
Racontez-la-moi.
— Il
y a une maison dans le Yorkshire. Un endroit où peuvent se réfugier
les femmes qui veulent changer de vie. Des filles et des sœurs
brimées. Des épousesbrutalisées. Des prostituées lasses de leur
métier. Dans cette maison, on leur offre une seconde chance.
Temple
acquiesça de la tête. Il avait entendu parler de ce genre
d’endroit. Les femmes n’étaient pas toujours traitées comme
elles le devaient, quel que fût leur milieu. Il pensa à la mère de
Mara, poignardée par son mari. À Mara elle-même, battue et
promise à un homme trois fois plus âgé qu’elle.
Il
l’aurait protégée.
Sauf
qu’il n’en aurait pas eu la possibilité. Elle se serait
retrouvée mariée, et lui serait retourné à l’université dès
le lendemain du mariage.
Et
il aurait haï son père pour avoir épousé la femme de ses rêves.
—
Mara
était là depuis plusieurs années lorsqu’on lui a proposé de
revenir à Londres pour ouvrir l’orphelinat MacIntyre, poursuivait
Lydia. Moi, cela faisait moins d’un an que j’étais là.
À l’entendre parler du projet de cette maison, j’ai compris
qu’il ne s’agissait pas seulement pour elle d’accueillir des
enfants, mais d’une tâche plus importante… Je pense qu’elle
essayait de compenser le mal qu’elle avait fait à un jeune garçon
de l’aristocratie en en aidant deux douzaines d’autres à sortir
de la médiocrité à laquelle les condamnait leur naissance,
ajouta-t-elle en regardant Temple dans les yeux.
C’était
évident. Et ces garçons étaient devenus ce qui comptait le plus
pour elle.
Lorsqu’il
la retrouverait, il achèterait un domaine avec des chevaux, des
jouets, d’immenses pelouses où les garçons pourraient courir et
se développer sainement, et où chacun aurait la vie qu’elle
rêvait de lui donner.
Mais
d’abord, cette chance, il la lui donnerait, à elle.
—
Je
lui ai demandé de m’épouser, annonça-t-il.
—
Oh !
fit Lydia en écarquillant les yeux.
—
Elle
n’a rien pris.
—
Que
voulez-vous dire ?
—
Elle
a dit qu’elle ne pouvait plus vous prendre quoi que ce soit. Elle a
tout laissé. Les vêtements, la cape, les gants.
Il
revit Mara déchirant le chèque qu’il lui avait donné. Les fonds
dont l’orphelinat avait tant besoin et qu’elle avait gagnés
grâce à leur marché stupide.
—
Elle
n’a pas d’argent.
—
Quelques
shillings, c’est tout.
—
Dire
que je lui ai offert de quoi vivre sans souci plusieurs années de
suite. Une fortune !
Lydia
secoua la tête.
—
Elle
n’aurait rien accepté de vous. Pas maintenant.
—
Pourquoi ?
—
Vous
ne comprenez rien aux femmes amoureuses, n’est-ce pas ?
Amoureuse.
—
Si
elle était amoureuse, elle ne m’aurait pas quitté, voyons !
—
Au
contraire, Votre Grâce, expliqua Lydia. C’est parce qu’elle vous
aime qu’elle est partie. Pour elle, ce qui compte, c’est votre
patrimoine.
Une
épouse. Des enfants. Un patrimoine. Il lui en avait parlé, et elle
l’avait cru.
—
Tout
ce que je veux, c’est elle.
—
Eh
bien, voilà qui est clair, commenta Lydia avec un sourire.
L'extrait :
Que
voulait-il d’elle, à présent ? Il ne le savait plus.
—
J’étais
nu, Mara. Je me souviens de vos cheveux dénoués. De votre torse
penché sur moi.
Elle
rougit, et il sut ce qu’il voulait. Il monta sur la petite estrade
en évitant de la toucher.
—
Est-ce
que nous avons…
—
Excusez-moi,
Votre Grâce.
—
Un
moment, madame Hébert, dit-il sans regarder la couturière.
La
Française fit demi-tour sans discuter.
Il
enlaça Mara et l’attira à lui. Les torses se soudèrent, les
cuisses se touchèrent. Elle lâcha un petit cri, mais il n’entendit
aucune peur dans sa voix.
Doux
Jésus, elle n’avait pas peur de lui. Depuis quand n’avait-il pas
tenu dans ses bras une femme qui ne le craignait pas ?
Depuis
qu’il l’avait tenue, elle.
—
Est-ce
que nous l’avons fait, Mara ? chuchota-t-il à son oreille.
Et
il ne put se retenir de lui mordiller le lobe, ce qui la fit
frissonner de plaisir.
Pas
de peur.
—
Est-ce
que nous avons baisé ?
Le
mot ordurier la fit se crisper, et il refoula un stupide sentiment de
honte.
Puis
elle tourna la tête et lui rendit la pareille. Pressant les lèvres
sur son oreille, elle l’embrassa une fois, deux fois doucement
avant de le mordre. Le désir le traversa. Grands dieux, il la
désirait plus qu’il n’avait jamais désiré personne, et ce bien
qu’il la sût aussi dangereuse qu’un serpent venimeux.
—
Si
je vous le dis, cesserez-vous ce jeu ? Effacerez-vous la dette ?
Il
n’avait jamais eu adversaire plus séduisant, ni plus habile.
Car,
un instant, il songea à acquiescer. À tout effacer et à la
laisser se sauver. Et peut-être l’aurait-il fait si elle avait pu
lui rendre la mémoire.
Mais
de cela aussi, elle l’avait dépouillé.
—
Oh,
Mara, dit-il en la lâchant avec quelque chose qui ressemblait
vaguement à de la déception. Rien de ce que vous pourrez dire ne me
fera vous pardonner.
L'extrait :
Bouleversé,
il songea qu’il aurait donné tout ce qu’il possédait en échange
d’une nuit avec cette femme.
Mais
l’avait-il déjà eue ?
L’idée
le glaça. Son désir se mêla de haine, de fureur, de dépit.
—
Dites-moi…
Avons-nous déjà fait ceci ? Avons-nous été…
Amants.
Un
instant, il crut qu’elle allait répondre. Il lui sembla voir de la
sympathie dans son regard. Non, de la pitié. Il ne voulait pas de sa
pitié. Elle lui avait volé cette nuit et refusait de la lui rendre.
Puis
le regard de Mara reprit son expression habituelle, et il sut ce
qu’elle allait dire.
—
Répondez-moi !
—
Vous
connaissez le prix de cette information.
En
d’autres circonstances, songea Temple, il aurait trouvé cette
femme parfaite sur tous les plans. Son intransigeance était
admirable. Son audace aussi.
Mais
c’étaient ces mêmes qualités qui l’avaient poussée à le
droguer lors de leur première rencontre. Puis de la deuxième. Ces
mêmes qualités qui avaient fait que, pendant douze ans, elle
n’avait pas cherché à l’innocenter.
Et
c’étaient ces qualités qui, certainement, la dresseraient de
nouveau contre lui.
Mais,
cette fois-ci, il était dans son sanctuaire.
Et
jamais il n’avait été aussi exaspéré.
—
Si
l’orphelinat disparaît, madame MacIntyre, une formidable carrière
de putain vous attend.
Elle
s’immobilisa une demi-seconde, telle une biche aux abois, puis sa
main se leva et atterrit avec une précision remarquable sur la joue
de Temple.
Il
ne chercha pas à l’éviter. Il prit la gifle comme un dû. Avec le
sentiment d’être le pire des imbéciles. Il n’aurait pas dû
dire cela. Jamais il n’avait insulté une femme à ce point.
L’excuse était presque sur ses lèvres lorsqu’une cloche sonna
au-dessus de la porte menant au ring.
—
Qu’est-ce
que c’est ? demanda-t-elle d’une voix étrangement atone en
laissant retomber sa main.
Doux
Jésus, que leur était-il arrivé ?
Il
se détourna, en s’interdisant de toucher sa joue sur laquelle,
très certainement, s’épanouissait une fleur rouge.
—
Mon
adversaire est prêt, dit-il. Nous reprendrons cette discussion après
le combat.
Elle
inspira et lâcha :
- J’espère qu’il va gagner.
L'extrait :
— Pour
prendre vos mesures, mademoiselle, j’ai besoin que vous soyez le
moins vêtue possible. Si c’était l’été et que vous ne portiez
qu’une robe légère…
La
couturière n’avait pas besoin de poursuivre ; on était fin
novembre et, le froid sévissant déjà, la robe et la chemise de
Mara étaient en laine.
—
Retournez-vous,
dit-elle à Temple, en posant les mains sur ses hanches.
—
Non.
—
Je
ne vous ai pas accordé l’autorisation de m’humilier.
—
Mais
je l’ai achetée, riposta-t-il en s’affalant un peu plus dans le
canapé. Détendez-vous. Mme Hébert a très bon goût.
Laissez-la vous draper de soie et de satin, et laissez-moi payer.
—
Vous
croyez que trois livres vont me rendre plus malléable ?
— Je
ne crois pas que vous puissiez jamais être malléable. Mais
j’attends que vous teniez parole. Et rappelez-vous qu’à la
fin, vous aurez une douzaine de robes neuves.
—
Un
gentleman respecterait ma pudeur.
—
Je
suis un vaurien, d’après la rumeur.
—
Nul
doute que, lorsque je vous connaîtrai un peu mieux, je vous donnerai
un nom bien pire.
Il
rit de bon cœur, d’un rire sonore dont le son riche et chaud émut
Mara malgré elle.
L'extrait :
— Nous
n’avons jamais… Nous avons commencé mais sans aller jusque-là.
Il
ferma les yeux et inspira profondément. Elle s’arma de courage.
—
Je
n’aurais jamais dû vous laisser croire que nous l’avions fait,
ajouta-t-elle.
—
Encore
un mensonge, alors.
Elle
hocha la tête. Elle voulait tout lui dire, et en particulier que,
cette nuit-là, s’ils n’avaient pas été intimes, il l’avait
fait rire et que, pour la première fois de sa vie, elle s’était
sentie belle et désirable. Pour la dernière fois aussi.
—
Daniel,
dit-il.
—
Daniel ?
répéta-t-elle sans comprendre.
—
Ce
n’est pas mon fils.
—
Je
ne comprends pas, fit-elle, surprise.
—
Vous
avez dit qu’il était avec vous depuis le début.
Daniel
avec ses cheveux noirs, ses yeux bleus, et l’âge correspondant.
Elle
ferma les yeux. Voilà ce qu’il avait cru. Un fils issu de cette
nuit. Elle l’avait blessé, de nouveau. Sans le vouloir, cette
fois-ci. Les yeux embués, elle fit non de la tête.
—
Depuis
que j’ai créé l’orphelinat. Oui. Mais il n’est pas…
Il
l’interrompit d’un rire amer.
—
Bien
sûr, puisque nous n’avons pas fait l’amour !
Il
se redressa et s’éloigna en lui tournant le dos.
—
Juste
une fois, je voulais que vous me disiez la vérité. Que vous me
donniez une raison de croire que vous êtes autre chose qu’une
femme avide de sang et d’argent.
Elle
devait tout lui dire.
L’argent,
les dettes, sa fuite. Elle devait se jeter à ses pieds et lui donner
la possibilité de lui pardonner. De la croire. De croire en elle.
Peut-être
alors pourraient-ils repartir de zéro, et ensuite… Doux Jésus,
elle voulait cela plus que n’importe quoi.
—
Je
ne cherchais pas le sang, dit-elle en se relevant sans se soucier de
sa nudité. Ni l’argent, d’ailleurs. Laissez-moi vous expliquer.
—
Non.
Il
se retourna, et sa main battit l’air entre eux.
Elle
s’immobilisa.
—
Non,
répéta-t-il. Je suis las de vos mensonges, de vos jeux, de vouloir
y croire. C’est fini.
Elle
ramassa sa robe. Elle avait mérité cette rebuffade. Depuis douze
ans, elle savait qu’un jour elle aurait à affronter cet homme et à
assumer les conséquences de ses actes. Mais elle n’avait pas prévu
qu’elle souffrirait de le perdre. Elle n’avait pas prévu qu’elle
s’attacherait à lui à ce point.
S’attacher…
Quel mot tiède en comparaison de l’émotion qui faisait battre son
cœur tandis qu’elle regardait cet homme lutter contre ses démons,
les démons qu’elle avait envoyés à ses trousses.
—
Peu
m’importe vos raisons, bonnes ou mauvaises. Dites-moi seulement
combien je vous dois pour cet après-midi.
Les
mots la heurtèrent. Il croyait qu’elle demandait à être payée
pour cela ? Eh bien, oui. N’était-ce pas le marché qu’ils
avaient conclu ? Aucun des instants passés ensemble n’était
gratuit.
Elle
secoua la tête.
—
Ah
bon ? Notre marché n’est plus digne de vous, maintenant ?
Elle
n’en voulait plus, de ce marché. Elle ne voulait plus que Temple.
C’était
tout simple : elle l’aimait.
Et
le pire était qu’il ne le croirait sans doute pas. Il y verrait
une énième ruse.
Elle
essaya cependant :
—
William,
s’il vous plaît.
—
Arrêtez.
Ne m’appelez plus ainsi, vous n’en avez pas le droit.
Bien
sûr. En le dépouillant de la vie qui lui était due, elle lui avait
volé son nom. Les larmes affluèrent, mais elle les refoula de
peur qu’il n’y voie une comédie de plus.
—
Bien
sûr, fit-elle avec un hochement de tête.
—
Demain,
tout sera fini entre nous. Vous montrerez votre visage, vous me
rendrez mon nom. Nous ferons les comptes et je vous donnerai votre
argent, puis vous disparaîtrez de ma vie.
Il
enjamba les cordes du ring et quitta la salle sans se retourner.
Elle
attendit que la porte se soit refermée pour laisser les larmes
ruisseler.