— Je t’aime, Vix, dit-elle avec sincérité. Mais comment as-tu pu penser que je suivrais tes étoiles et non les miennes ?
Empire
romain, Ier siècle de notre ère, sous le règne de Trajan.
Fougueux et obstiné, Vix, jeune gladiateur à la retraite,
revient à Rome afin d'y faire fortune. L'insaisissable Sabine est la
fille d'un sénateur en quête d'aventure. Tous deux se connaissent
depuis l'adolescence, et nourrissent une passion réciproque. Mais si
elle aime s'amuser avec le beau Vix, Sabine rêve d'un grand destin,
ce que Vix ne pourra jamais lui offrir, contrairement à Hadrien, le
futur empereur, auquel elle est promise.
Alors que Rome se prépare à de grands changements, les deux amants, happés chacun de son côté par le tourbillon de l'histoire, sauront-ils se retrouver ?
Alors que Rome se prépare à de grands changements, les deux amants, happés chacun de son côté par le tourbillon de l'histoire, sauront-ils se retrouver ?
Une
deuxième tome bien moins savoureux que le premier.
Attention,
il s'agit d'un très bon livre. L'auteure nous transporte dans le
cœur de la Rome antique d'une manière très captivante. La grande
et la petite histoire se mêlent avec brio.
On
retrouve le fils d'Arius et de Théa, les deux héros du tome
précédent. Vix était un personnage qui m'avait emballé dans La
maîtresse de Rome.
C'est un peu un chien fou, sauvage qui rêvait de gloire. Je sentais
le potentiel du héros.
Ce
tome qui lui est consacré permet de fouiller encore plus ce
personnage haut en couleur mais je dois dire que mon petit cœur de
romantique n'a pas été satisfaite par sa relation avec Sabine.
On
ne peut pas parler de passion, pourtant c'est ce qui m'a fait adoré
le premier opus dédié aux parents de Vïx. Ici, on a des beaux
personnages mais lorsqu'ils se rencontrent ils sont trop égoïstes
pour vouloir privilégier leur idylle à leur aspiration. Cependant
en grandissant les sentiments qu'ils éprouvent seront toujours
secondaires par rapport à leurs ambitions.
C'est
ce qui m'a déçu. J'attendais tellement de ce si beau personnage,
une belle histoire d'amour...mais ce ne fut pas le cas.
J’ai
mis deux jours à les retrouver.
J’arrachais
les pierres à mains nues. Près de moi, le Clou m’aidait en
silence, baissant la voix lorsqu’il devait donner des ordres pour
organiser mes hommes en équipes. Ils travaillaient tous à mes
côtés, joignant leurs forces pour déplacer les blocs trop lourds
pour un seul homme. Antinoüs enlevait sans un mot chaque pierre
qu’il pouvait soulever. Je ne voyais personne, je continuais à
creuser farouchement le tas de pierres, de bois et de briques qui
avait été un immeuble. Les quatre étages s’étaient écroulés,
et, bon Dieu, ma Mirah était dessous. A un moment, j’ai trouvé un
corps de femme, meurtri et immobile, et mon cœur s’est mis à
battre à grands coups, mais c’était une vieille femme, seul le
sang avait rougi ses cheveux. Quand les filles de cette femme ont
commencé à se lamenter, je me suis aperçu que je n’étais pas
seul à creuser dans les décombres. Des voisins qui avaient vécu
au-dessus ou à côté de moi cherchaient eux aussi leurs familles
enfouies. Dans toute la ville, des gens creusaient, appelaient un
mari, des sœurs, des enfants. Les pillards aussi écumaient la
ville, en quête d’objets de valeur. J’ai vu un jeune homme
fouiller les poches d’une femme couchée dans la rue avec une jambe
écrasée – fouiller dans ses vêtements sans souci de ses
gémissements de souffrance. Je me suis approché par-derrière en
silence et je lui ai brisé la nuque entre mes mains. Antinoüs m’a
regardé avec stupéfaction, mais je n’ai rien trouvé à lui dire.
Le
Clou m’obligeait parfois à prendre un peu de sommeil. Je
m’allongeais par terre dans mon manteau et dormais jusqu’à ce
que je sois capable de me relever et de recommencer à creuser. Mes
mains étaient une bouillie sanglante.
« Nous
ne la retrouverons pas, centurion », m’a dit un grand
Africain qui était l’un de mes meilleurs combattants, mais je ne
l’ai pas écouté.
Au
matin du troisième jour, le Clou a trouvé un pied.
Un
petit pied cambré au bout d’une fine cheville, dépassant d’un
tas de pierres et de poutres.
Un
Espagnol efflanqué que j’avais dû fouetter un mois plus tôt pour
insubordination m’a mis sur l’épaule une main que j’ai
repoussée d’une secousse, et je me suis jeté sur le tas de
ruines, arrachant les pierres comme un fou, sentant à peine les deux
échardes qui s’enfonçaient sous l’ongle de mon pouce et
remontaient jusqu’à l’articulation.
Le
Clou et le grand Africain ont soulevé avec des grognements d’effort
une poutre tombée en travers, tandis que je déblayais le petit pied
de ma femme, puis un mollet gris de poussière, puis un genou sur
lequel pendait mollement le bord d’un tissu de laine en loques…
De
quelque part sous le tas de poutres effondrées s’est élevée une
voix faible, mais qui n’avait rien perdu de son mordant :
— Eh
bien, tu y as mis le temps, mon époux.
Le
mur s’était écroulé, mais pas le four de brique. Mirah avait
saisi la petite Dinah et s’était collée contre le four. Quand le
toit s’était effondré, alors que les poutres auraient dû les
écraser, deux d’entre elles étaient tombées sur le four et y
étaient restées appuyées en biais, formant une petite poche qui
avait protégé Mirah, malgré la pluie de pierres qui avait coincé
sa cheville. Pendant que mes hommes juraient et s’interpellaient
dans leur effort pour soulever l’une des poutres, j’essayais
d’apercevoir ma femme par le trou que j’avais creusé entre les
pierres. Je ne distinguais encore qu’une partie de ses cheveux et
un bout de front meurtri.
Quand
j’ai vu le sang qui lui maculait la joue, du sang noir séché, mon
cœur s’est mis à battre comme un tambour.
— Tu
es blessée !
— Quoi ?
— Ces
poutres m’ont flanqué un bon coup en tombant. Le bébé a commencé
à sortir avant même que les pierres aient fini de s’ébouler.
Elle
a tourné légèrement la tête, et j’ai vu son œil briller à
travers l’ouverture.
— Tu
m’avais juré que celui-là naîtrait dans une maison, mais je n’ai
pas pensé à préciser qu’il fallait que la maison soit encore
debout !
— Plus
vite ! ai-je hurlé à mes hommes.
— Tout
va bien… les deux bébés et moi.
La
voix de Mirah était un peu tremblante, mais aussi, Dieu merci…
gaie !
— J’ai
aidé la sage-femme pour les accouchements de mes cousines, je savais
comment nouer le cordon…
— Vite !
Vite !
Avec
un grand craquement d’arbre qui tombe, la poutre a glissé sur le
côté. J’ai sauté là où elle avait laissé un trou, faisant
dégringoler avec moi un éboulis d’argile, et j’ai soulevé dans
mes bras ma femme – pleine de crasse et de sang, épuisée, mais
souriante.
— De
l’eau, a-t-elle coassé.
Ensuite,
je l’ai serrée très fort contre moi. Mon cœur tambourinait
toujours, et j’entendais encore dans ma tête les cris qui avaient
commencé lorsque j’avais découvert son pied dans les décombres.
Puis je me suis rendu compte que je n’imaginais rien, que ces cris
coléreux venaient des deux petits paquets que Mirah tenait dans ses
bras. L’un d’eux était Dinah, dont les cheveux noirs dépassaient
à peine du châle dans lequel Mirah l’avait enveloppée, et le
deuxième…
— Nous
avons une autre fille, a dit Mirah en me donnant l’autre petit
paquet hurlant, encore couvert du sang de l’accouchement et
approximativement emmailloté dans un autre morceau du châle bleu de
sa mère. Dieu merci, elle est venue facilement.
J’ai
entendu mes hommes murmurer, et l’Espagnol a dit en hochant la
tête :
— C’est
de bon augure, ça. Née dans le sang et les ruines, mais elle donne
encore des coups de pied. Comme nous.
Le
Clou a crié pour que quelqu’un apporte à manger, de l’eau, des
bandages pour le pied que Mirah se gardait de poser à terre, et
Antinoüs est parti en courant sans laisser le temps aux hommes de
réagir. Quant à moi, je ne pouvais rien faire que tenir Mirah dans
mes bras en tremblant et lui répéter d’un air hébété :
— Je
t’avais promis que tu aurais une sage-femme. Je t’avais promis
que tu aurais un lit… de quoi manger comme il faut…
— Pour
ça, j’en avais plus ou moins, a dit Mirah en regardant ses seins
ronds. Mon lait est venu dès que le bébé est né, et j’ai pu les
faire téter toutes les deux. J’en ai même pressé un peu pour
boire moi aussi, a-t-elle ajouté en baissant la voix. Deux jours
sans eau… il faut bien s’arranger. Je crois que nous pourrions
l’appeler Chaya, qu’en penses-tu ? Cela veut simplement
dire vivante.
Le
menton de Mirah a tremblé légèrement, un instant seulement.
— Elle
aurait pu mourir…
— Vous
auriez pu mourir toutes les trois !
En
disant cela, j’ai senti les larmes couler sur mon visage. Et c’est
ma femme, qui venait tout juste de sortir de ce tombeau avec un bébé
dans chaque bras, qui a fini par me consoler.
L'extrait :
— Tout
vaut mieux que de rester à la maison à tisser et à fuir les bons
conseils de l’impératrice Plotine. Et puis, je peux me rendre
utile ici. Cela ne fait qu’une journée que je voyage avec l’armée,
et je peux déjà vous dire que vos convois de ravitaillement
demandent à être revus. Sais-tu que vos auxiliaires locaux ne
reçoivent pas les mêmes rations que les légionnaires romains ?
Je ne sais pas si c’est censé être normal ou si ce sont les
officiers chargés de l’approvisionnement qui les volent, mais je
vais en parler à Trajan.
— Tu
dois être folle de croire que ton salaud d’époux va te laisser
traîner avec de vulgaires légionnaires comme nous ! bafouilla
Vix.
— Qui
te dit qu’Hadrien le saura ? répliqua Sabine d’un ton
désinvolte. Il mangera avec ses officiers, il dormira avec son aide
de camp, et le reste du temps, il fera le pied de grue auprès de
l’empereur. Je doute de le rencontrer plus d’une fois par jour
pendant cette marche. Si je dois voir une guerre, je veux la voir
comme il faut – à pied, et au même niveau que toi.
— Et
tu pensais que j’allais te remercier de m’offrir cette occasion
de te servir de guide ? Tu n’as vraiment honte de rien.
— Je
suis heureuse que tu t’en souviennes, déclara-t-elle en souriant.
Vix
retira avec effort son plastron et le laissa tomber à côté de son
casque.
— Après
tout ce que… Après la façon dont tu t’es servie de moi il y a
cinq ans, tu crois vraiment que je vais te garder ici avec moi !
— Apparemment,
il faudra que je paie une taxe à tes quatre amis pour bénéficier
de ce privilège, rectifia Sabine. En tout cas, selon ton ami Julius.
Bien que ce soit peut-être une blague, parce qu’il m’a aussi
raconté une longue histoire à propos de son ancêtre Jules César…
— Sors
d’ici !
— Comme
tu voudras.
Elle
se leva, épousseta le bord de sa tunique.
— Si
tu veux t’amuser avec des soldats crasseux, tu en trouveras
d’autres, gronda Vix. Il y a toujours quelque part un optio puant
prêt à partager sa couverture avec une putain.
Sabine
nota avec intérêt que ses oreilles devenaient toujours rouge vif
lorsqu’il était en colère.
— Je
doute d’en arriver là, dit-elle sans se laisser démonter. Si tu
ne veux pas que je reste, je retournerai au convoi des bagages et je
passerai une bonne nuit à dormir. J’ai cru comprendre que la
légion se levait tôt, et j’ai l’intention d’essayer de
marcher au moins pendant la première partie de l’étape. Je ne
suis peut-être qu’une femme de légat aux pieds tendres, mais,
n’ayant pas sur le dos le poids d’un paquetage et de deux piquets
de clôture, je dois bien pouvoir marcher aussi vite que vous, les
légionnaires.
Vix
la fixa en silence.
Sabine
ramassa la peau de mouton crasseuse dont elle s’était couverte,
plutôt que d’une palla de fine laine qu’elle se
serait probablement fait voler à peine sortie du cercle protégé
des chariots et du quartier des officiers.
— Tu
vas me laisser partir, Vix ?
Il
la regardait toujours, debout devant l’entrée de la tente. Elle
avait oublié qu’il était si grand. Il se pencha un instant pour
fouiller dans sa besace, puis lui lança un objet.
— Emporte
ça.
— Je
pensais que tu l’avais vendue depuis longtemps, dit-elle en
contemplant dans sa main la lourde boucle d’oreille en argent ornée
de grenats.
— Personne
n’a voulu me la payer ce qu’elle valait, grommela-t-il. J’ai
essayé de la donner à ma petite amie, mais elle ne voyait pas
l’intérêt d’une seule boucle d’oreille. Et moi, tu peux être
fichtrement sûre que je n’en veux pas.
Sabine
sentait l’émotion monter en elle.
— Pourquoi
es-tu venue ? lâcha Vix.
— Je
te l’ai dit. Je veux voir le monde. Peut-être aussi le changer un
peu, en mieux.
— Non,
recommença-t-il presque avec rage en se passant la main dans les
cheveux. Pourquoi es-tu ici ?
Pourquoi ne peux-tu pas me laisser tranquille ?
— Si
je dois voir le monde, je préférerais que ce soit avec toi.
Ses
grandes mains se tendirent vers elle et il la saisit par les épaules,
la souleva jusqu’à ce que leurs deux visages soient à la même
hauteur. Le sien était froid et dur.
— Je
vais regretter ce que je fais, dit-il farouchement.
Puis
il l’embrassa.
En
ressortant de la tente avec Vix, elle salua les autres membres
du contubernium :
— Mon
nom est Sabine. Je viendrai certains soirs sous votre tente, mais je
paierai toujours pour ce privilège. Vous me direz ce que je vous
dois. Nous essaierons de ne pas faire trop de bruit, du moins à
l’avenir. Est-ce du ragoût aux lentilles ? Le Clou, d’où
te vient ce surnom ?
Elle
remplit deux bols de ragoût, en tendit un à Vix et s’assit en
tailleur près du feu. Les autres les regardaient, elle d’abord,
puis Vix.
— Pas
un mot, les avertit-il.
Il
prit place à côté d’elle et lui passa un bras autour des
épaules.
L'extrait :
— Les
Daces ont un truc qu’ils appellent un disque solaire. Un disque
solaire. Tu savais ça ?
J’ai
lancé mon casque à terre. Il a roulé contre le seau d’eau et l’a
renversé, mais je n’y ai pas fait attention. Sabine s’est
approchée de moi.
— Non,
je ne savais pas.
— Ça
a quelque chose à voir avec la marche du soleil, de la lune aussi,
peut-être. C’est rond, c’est fait de pierres blanches assemblées
comme des briques, et… pourquoi
me regardes-tu comme ça ?
Elle
m’a ouvert les bras et je suis tombé à genoux pour me laisser
aller contre sa poitrine en continuant à parler.
— Les
rois sont couronnés sur des disques solaires…
— Chut…
Sabine
me caressait les cheveux. J’avais les yeux secs, mais je tremblais
des pieds à la tête et je ne savais pas pourquoi. Je ne savais pas
pourquoi.
— Les
rois y meurent, aussi.
— Tais-toi,
mon amour. Tais-toi.
Je
me suis accroché à elle comme un noyé, et je l’aimais plus que
n’importe quoi sur cette grande terre verte.
L'extrait :
Ma
tête tournait, j’étouffais dans la salle trop chaude et bruyante.
J’ai arraché sa carafe de vin à l’esclave stupéfait et je suis
parti en trébuchant vers l’atrium. On avait allumé les torches
sur les supports muraux, mais la plupart s’étaient déjà
éteintes, et, je ne sais comment, je me suis débrouillé pour
tomber dans l’impluvium. Les étoiles brillaient
au-dessus de ma tête par l’ouverture du toit. Mes étoiles, ai-je
pensé. Où me mèneraient-elles maintenant ?
— Tu
te rends compte que tu es assis dans l’eau, Vix ?
— Pas
possible ?
Je
me suis remis à boire pour ne pas voir sa forme blanche s’avancer
depuis l’autre bout de l’atrium. Quand elle est arrivée au bord
du bassin, la lune a éclairé son visage.
— Veux-tu
que je t’aide à sortir ?
— Ça
me fait peut-être plaisir d’être là.
J’ai
frappé dans l’eau pour éclabousser sa robe et elle a soupiré :
— Grands
dieux, tu es vraiment un enfant par moments.
— Je
n’étais pas un enfant quand je te baisais, ai-je dit en la
regardant bien en face.
— Tu
dois rentrer, Vix. Tu es ivre.
— Et
toi, tu es une salope.
Elle
s’est tournée vers les portes entrouvertes par où nous parvenait
le bruit atténué de la musique et des éclats de voix. Brusquement,
j’ai tendu la main pour la retenir par le bas de sa robe.
— Ce
matin, dame Sabine, tu m’as dit que tu ne voulais pas suivre mes
étoiles. Très bien. Mais moi, au moins, je connais mon destin. Et
toi ? Tu vas continuer à suivre tout ce qui te paraît
« intéressant », du moment que c’est interdit ?
Il y a un nom pour ça, tu sais… On appelle ça « s’encanailler »,
ai-je conclu avec un rictus qui pouvait à la rigueur passer
pour un sourire.
Dans
sa robe blanche et sous le clair de lune, elle était pareille aux
colonnes de marbre.
— On
devrait plutôt appeler ça le « devoir », Vix. Je ne
suis pas aussi libre que tu sembles le croire. Peut-être qu’en
réalité je préférerais rester avec toi. Passer ma vie à
« m’encanailler », comme tu dis. Mais j’ai encore des
devoirs envers les autres. Envers Hadrien, qui a toujours été juste
avec moi. Envers Rome qui m’a permis d’avoir une belle vie.
Envers le monde – parce que, si je parviens à consacrer ma vie à
le connaître, je devrai aussi l’améliorer, dans la mesure de mes
moyens. Je repousse mes limites aussi loin que je peux, j’ose
prendre certains risques par goût de l’aventure, mais il y a
toujours un devoir qui m’attend. Quand as-tu pensé devoir quelque
chose à quelqu’un d’autre que toi-même ?
— J’ai
un devoir envers Trajan ! ai-je rétorqué. Je lui dois tout. Il
est le nouvel Alexandre. Il va conquérir le monde, et c’est mon
devoir de l’aider à le faire.
— Quelle
blague, Vix ! Tu es là-dedans pour l’aventure, et tu le sais
très bien. Si ton devoir envers Trajan consistait à t’asseoir
tous les jours derrière un bureau, tu serais bien moins pressé de
le servir. Le vrai devoir, c’est ce qu’on fait en renonçant aux
choses qu’on aime. C’est la deuxième fois que je dois m’éloigner
de toi, mais tu ne m’as pas entendue pleurnicher pour ça.
— Ah,
parce que tu ne penses plus qu’à tes devoirs de patricienne,
maintenant ? ai-je craché. Où étaient-ils pendant ces mois
que tu as passés dans mon lit ?
— Je
ne t’ai pas entendu t’en plaindre, Vix. Pas tant que tu avais ce
que tu voulais.
Je
me suis levé. J’étais trempé, mais je ne sentais pas le froid.
Je n’avais jamais froid au cœur de la bataille.
— Et
qu’est-ce qui va se passer la prochaine fois que tu voudras, toi ?