Les
odeurs sont parfois les sensations les plus féroces. Elles peuvent
éveiller des souvenirs depuis longtemps enfouis ou plus profond de
soi et que l'on croit oubliés.
La presse people est en ébullition : la plus belle femme du monde, la star Phoebe Spring,
épouse Abdul ibn Faisal Rahman, le roi du Jaquir, un royaume niche
dans les sables du désert. En gage de son amour, Abdul offre à sa
promise le fabuleux collier Le Soleil et la Lune. Un vrai conte de
fées. Qui tourne bientôt au cauchemar. Car Phoebe n'a pu donner
qu'une fille au roi. Méprisée, brutalisée, reléguée au fond du
harem, la belle Phoebe n'a plus qu'une obsession : s'évader avec
Adrianne, sa fille adorée. Des années plus tard, Phoebe et Adrianne
ont enfin réussi à se libérer du joug d'Abdul. Adrianne n'a plus
qu'une idée en tête : se venger de son père en lui dérobant Le
Soleil et la Lune. Elle ignore qu'elle est suivie comme son ombre par
le plus séduisant des policiers...
Nora
Roberts est une auteure prolifique. C'est le moins qu'on puisse dire.
Certaines mauvaises langues diront trop pour qu'elle les écrivent
tous. Je ne sais... après tout, elle ne serait pas la seule : à
beaucoup écrire ou à ne pas tout écrire.
En
tout cas certains de ses livres sont parmi mes préférés.
Cependant, je dois admettre que tout ne se vaut pas. Celui-ci ne m'a
pas laissé un souvenir impérissable. Sans être mauvais, il ne
reste pas dans notre mémoire.
Essentiellement
parce qu'il a vieilli et ça se sent mais le style est toujours bon
et efficace.
—
Je
n’ai jamais fait l’amour. Je n’ai jamais voulu.
—
Je
sais. Je l’ai compris ce matin quand vous me parliez de votre père,
de ce dont vous aviez été témoin entre votre mère et lui. Rien de
ce que je pourrais dire n’en effacera ni n’en adoucira le
souvenir, sauf qu’entre un homme et une femme cela ne se passe pas
toujours de cette manière. Cela ne doit pas
se passer ainsi.
Il
appliqua avec douceur sa main sur la joue de la jeune femme. Elle
ferma les yeux, se laissa pénétrer par la chaleur de ces doigts sur
sa peau. Elle avait toujours dominé ses sentiments, maîtrisé son
destin. Ce soir, Philip lui paraissait en faire désormais partie.
—
J’ai
peur, murmura-t-elle.
—
Moi
aussi.
—
Je
ne vous crois pas, dit-elle en rouvrant les yeux. Pourquoi avoir peur
?
Il
l’attira de nouveau contre lui, lui caressa les cheveux en
s’efforçant de penser à sa fragilité plutôt qu’à la force
mentale et physique qui l’avait fasciné dès le début.
—
Parce
que vous comptez beaucoup pour moi. Beaucoup trop, peut-être. Nous
pouvons passer la nuit à l’analyser, à en discuter. Ou vous
pouvez me laisser vous aimer.
Ce
n’était pas un choix qu’il lui offrait. Adrianne avait toujours
cru à la destinée, qui avait été à l’origine de son départ du
Jaquir, et qui déterminerait son retour. Sa destinée voulait
maintenant que la jeune femme passe la nuit avec Philip, même si ce
ne devait être que cette seule nuit, afin d’apprendre enfin ce qui
pousse les femmes à faire don aux hommes de leur cœur - et de leur
liberté.
Adrianne
prévoyait un déchaînement de passion. La passion, elle la
comprenait, elle la connaissait. Son éducation sexuelle avait été
faite très tôt par les conversations crues du harem et les
allusions grivoises autour d’une tasse de thé. Les femmes se
disaient aussi affamées de plaisir que les hommes, bien que trop
rarement assouvies à leur gré. Il lui en était resté l’image de
corps en sueur entremêlés, d’une agitation frénétique
entrecoupée de soupirs, de préférence dans le noir. Aussi, quand
Philip posa de nouveau ses lèvres sur les siennes, elle était prête
à se laisser emporter par un torrent de sensualité.
Elle
s’attendait si peu à un baiser plus léger que l’effleurement
d’un papillon qu’elle rouvrit les yeux. Philip vit dans ce regard
la surprise mêlée au désir, un désir qui croissait chaque fois
qu’il la provoquait en l’embrassant à nouveau, de façon à
peine plus appuyée. En refrénant son propre désir, il lui laissait
le temps de se ressaisir. Pas de hâte, pas d’agressivité, surtout
avec elle, surtout en ce moment. Ce soir, il voulait user de toute la
patience, de toute la virtuosité que sa longue expérience des
femmes lui avait permis d’acquérir.
Se
laissant guider sur ces chemins inconnus qu’elle avait tant redouté
de parcourir, Adrianne en découvrit peu à peu les charmes et les
émerveillements. Philip prenait, bien sûr, mais il donnait
davantage, et les ondes de plaisir qui la parcouraient l’amenaient
à donner à son tour. Tout était nouveau pour elle et, pourtant,
étrangement familier. La sensation de ce corps d’homme contre le
sien n’avait rien d’effrayant, contrairement à ce qu’elle
avait craint. Le mot viol ne lui vint pas même à l’esprit
lorsqu’il la toucha à l’endroit qu’aucun homme n’avait
jamais touché.
Outre
le plaisir des sensations et celui de leur découverte, un sentiment
de plénitude, si intense qu’il l’étouffait, la laissait sans
recours contre sa propre volonté, dont le contrôle lui échappait.
Elle s’était attendue à une douleur, au moins à une gêne, mais
elle n’éprouvait rien de plus que ce sentiment confus qui la
désorientait et accroissait son besoin de l’éprouver toujours
plus intensément. Elle luttait et se contractait quand soudain elle
se sentit se relâcher, s’abandonner avec avidité au torrent de
plaisir qui la balayait, lui apportait une ivresse de liberté et la
soif de s’y livrer sans retenue. Et lorsqu’enfin Philip se fondit
en elle, le choc de la surprise fut si bref qu’elle n’éprouva
plus qu’un plaisir trop intense pour ne pas vouloir le partager
avec l’homme qui le lui offrait.
Celui-ci
ne pouvait pas lui avouer que, en cet instant, leurs corps lovés,
imbriqués l’un dans l’autre, il se sentait plus vulnérable
qu’il ne l’avait jamais été dans sa vie - et prêt à prendre
pour elle tous les risques.
Plus
tard, étendue près de lui, Adrianne tenta de remettre de l’ordre
dans le chaos de ses pensées. Ce qu’elle venait de vivre ne devait
pas prendre une telle importance et ne pourrait rien changer. Il
était ridicule de croire autre chose. Dans son pays natal, une femme
de son âge serait déjà mariée depuis des années et, si Dieu
l’avait voulu, aurait déjà porté de nombreux enfants. Ce qui
s’était passé ce soir entre Philip et elle n’était qu’une
fonction naturelle. Une femme n’existait, après tout, que pour
donner à un homme du plaisir et des fils...
Elle
réagissait en femme du Jaquir ! En prendre conscience la choqua au
point de lui laisser dans la bouche un goût si amer qu’il estompa
celui de l’homme couché à côté d’elle. Atterrée, elle se
tournait, prête à fuir, quand elle sentit le bras de Philip se
poser sur elle.
Appuyé
sur un coude, il étudiait le visage de la jeune femme. Sous l’éclat
de la sensualité assouvie, il discernait des secrets, des regrets
peut-être, qu’il ne pouvait deviner.
—
Je
t’ai fait mal ?
Ce
n’était pas sa première pensée, mais il n’était pas plus
disposé qu’elle à livrer ses propres secrets.
—
Bien
sûr que non.
Il
lui caressa une joue. Elle ne se déroba pas, ne l’encouragea pas
non plus. Il aurait voulu qu'elle parle, qu’elle lui donne un
simple signe des sentiments qu’elle éprouvait, de ce qu’elle
attendait de lui. Mais elle garda le silence, un silence qui
s’éternisa, de plus en plus malaisé.
—
Tu
ne m’oublieras pas, tu sais, dit-il à mi-voix. On n’oublie
jamais son premier amant.
Il
y avait juste assez de hargne dans ses paroles pour qu’elle
comprenne qu’il se dominait, pas assez pour y déceler de la peine.
—
Non,
je ne t’oublierai pas.
Il
la tourna vers lui. Leurs regards se croisèrent, exprimant chacun
une sorte de défi.
—
Mieux
vaut s’en assurer, dit-il avant de lui donner un baiser d’une
voracité presque agressive.