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mardi 21 janvier 2014

Les secrets de Greystone Manor, tome 2: La promesse d'un autre jour - Brenda joyce





Il souffrait, et cela la déchirait. Qu’il le veuille ou non, elle l’aiderait si c’était en son pouvoir. Mais d’abord, il fallait qu’elle découvre de quoi il s’agissait.






Le résumé :
Cornouailles, 1794.
Lorsqu’elle apprend la disparition de la comtesse de St Just, l’épouse de Simon Granville morte en donnant le jour à une petite fille, Amelia est bouleversée. Car, outre la tristesse qu’elle éprouve pour la jeune femme, cela signifie le prochain retour de Simon à Greystone Manor. Simon avec lequel elle a partagé dix ans plus tôt une folle passion avant qu’il ne la quitte sans explication pour en épouser une autre. Mais quand elle revoit ce dernier, Amelia comprend que les temps ont changé. Bien que la passion flambe de nouveau entre eux, Simon semble sombre et amer. Est-ce à cause de ces fréquents voyages qu’il fait en France où la Terreur fait rage ? Des absences mystérieuses dont il ne veut rien dire. Au point qu’Amelia en vient à douter : lord Granville sert-il vraiment les intérêts de l’Angleterre ? Et peut-elle croire encore en ses promesses ?

L'avis :
Il s'agit du 2ème opus de la nouvelle série de Brenda Joyce. Moi qui avait beaucoup aimé les Warenne, je suis moins emballée. Le livre est très inégal et à certains moments, je me suis ennuyée. J'ai l'impression que l'auteure est rentrée dans un style plus policé qu'auparavant et qui plombe le livre.Le héros passe son temps à être dépassé par les événements tandis que l'héroïne elle à pleurer. Le couple ne m'a vraiment pas convaincu.
Je lirai cependant le troisième tome pour avoir un avis défintif.
Affaire à suivre !

L'extrait :

Prison du Luxembourg, Paris, mars 1794

Cette fois, ils venaient pour lui.
Son cœur fit une embardée. Il n’arrivait plus à respirer. Les nerfs tendus à se rompre, il se tourna lentement pour scruter le corridor obscur. Un bruit de pas réguliers approchait.
Il fallait qu’il reste calme.
Il revint vers le devant de la cellule et agrippa les barreaux glacés. Les pas étaient plus sonores à présent.
Une peur écœurante lui serra les entrailles. Vivrait-il assez pour voir un autre jour ?
La cellule puait. Ceux qui l’avaient occupée avant lui y avaient uriné, déféqué et vomi. Il y avait du sang séché sur le sol et sur la paillasse où il refusait de s’étendre. Les occupants précédents avaient dû y être frappés, torturés. Forcément — des ennemis de la patrie !
Même l’air qui pénétrait par l’unique fenêtre à barreaux était un air fétide. La place de la Révolution s’étendait juste à quelques mètres en dessous des murs de la prison. Des centaines — non, des milliers de condamnés y avaient été guillotinés. Le sang des coupables — et des innocents — imprégnait l’air même.
Il entendait parler à présent.
Il respira à fond, de nouveau nauséeux.
Quatre-vingt-seize jours s’étaient écoulés depuis qu’il était tombé dans une embuscade, à la sortie des bureaux où il exerçait les fonctions de greffier pour la Commune. On s’était jeté sur lui, puis on l’avait ligoté et on avait rabattu un capuchon sur sa tête.
— Traître ! avait craché une voix familière, tandis qu’on le hissait à bord d’un chariot.
Une heure plus tard, quelqu’un lui avait arraché le capuchon et il s’était retrouvé debout au milieu de cette cellule. Accusé de crimes contre la République, l’avait informé le garde. Il savait ce que cela signifiait…
A aucun moment il n’avait vu l’homme dont il avait entendu la voix, mais il aurait mis la main à couper qu’il s’agissait de Jean Lafleur, l’un des fonctionnaires les plus radicaux de la municipalité.
Il s’était montré très prudent lorsqu’il avait quitté la France pour aller voir ses deux fils, ses beaux petits garçons innocents… Mais pas assez, de toute évidence. Ils s’étaient retrouvés à Londres car c’était l’anniversaire de William. John et lui lui avaient tellement manqué ! Il n’était pas resté très longtemps, n’osant s’attarder de peur d’être découvert. Personne, en dehors de sa famille, n’avait eu vent de sa présence en ville. Douces et amères retrouvailles, avec l’imminence de son départ suspendue au-dessus de leur tête…
Mais au retour, dès l’instant où il avait posé le pied sur la côte française, il avait senti qu’on l’épiait. Jamais il n’avait surpris quelqu’un en train de le suivre, et pourtant il était sûr d’être pisté. Comme la plupart des Français, il avait commencé à vivre constamment dans la peur. Une ombre le faisait sursauter. Il se réveillait la nuit en croyant entendre les sinistres coups à sa porte. Quand ils frappaient chez vous à minuit, c’était qu’ils venaient vous chercher.
Comme maintenant.
Il prit une longue inspiration, luttant contre la panique. S’ils sentaient sa peur, c’était fini. Pour eux, elle équivaudrait à un aveu. C’était ainsi que se passaient les choses désormais.
Il empoigna les barreaux. Plus de sursis. On l’ajouterait à la liste des condamnés, et il serait exécuté pour ses crimes après un procès sommaire, ou alors il sortirait libre de prison…
La lueur d’une torche apparut devant lui, éclairant les murs de pierre froids et humides. Il distingua des silhouettes. Le bruit des voix s’était tu.
Il attendit, immobile, le cœur battant la chamade.
Le geôlier apparut, un rictus aux lèvres, comme s’il connaissait déjà son sort et s’en délectait à l’avance. Puis il reconnut le Jacobin qui s’avançait derrière. Ainsi qu’il l’avait soupçonné, c’était bien Jean Lafleur, un hébertiste pur et dur, violent et brutal.
Pâle, grand et mince, l’homme s’approcha des barreaux. Il souriait, savourant l’instant.
— Bonjour, Jourdan. Comment vas-tu aujourd’hui ?
— Je vais bien.
Comme il n’implorait pas la pitié ni ne protestait de son innocence, le sourire de Lafleur s’évanouit et son regard s’aiguisa.
— C’est tout ce que tu as à dire ? Tu es un traître, Jourdan ! Confesse tes crimes et nous écourterons ton épreuve. Je ferai en sorte que ta tête tombe la première.
Il eut de nouveau un sourire mauvais.
Si les choses devaient en arriver là, c’était en effet une faveur de passer le premier à la guillotine, plutôt que de rester attaché pendant des heures à regarder les exécutions en attendant son tour.
— Vous y perdriez, laissa-t-il tomber avec flegme.
Il n’en revenait pas d’avoir la voix aussi calme.
Lafleur le dévisagea, surpris.
— Pourquoi ne clames-tu pas ton innocence ?
— Cela servirait-il ma cause ?
— Non.
— C’est bien ce que je pensais…
— Tu es le troisième fils du vicomte Jourdan et ta prétendue conversion n’est qu’un mensonge. Tu n’aimes pas la patrie, espion ! Ta famille est morte et tu vas bientôt la rejoindre au purgatoire !
— A Londres, il y a un nouveau maître espion.
Lafleur écarquilla les yeux, stupéfait.
— Qu’est-ce que tu me chantes ? C’est une ruse ?
— Ma famille a financé les marchands lyonnais pendant des années, vous devez le savoir. Nous disposons d’un vaste réseau de relations parmi les Anglais.
L’autre l’étudia, suspicieux.
— Tu as disparu de Paris pendant un mois. C’est donc à Londres que tu étais ?
— Exact.
— Alors tu avoues !
— J’avoue être allé à Londres pour affaires, Lafleur. Regardez autour de vous ! Les gens meurent de faim à Paris. L’assignat ne vaut plus rien. Et pourtant, j’ai toujours eu du pain sur ma table.
— La contrebande est un crime ! rétorqua Lafleur.
Mais ses prunelles luisaient à présent. Le marché noir était partout à Paris, on n’y pouvait rien. Et ce n’était pas près de finir.
— Qu’est-ce que tu as à me donner ? demanda-t-il à voix basse.
— Vous n’avez pas entendu ?
— On parle d’argent, là, ou du nouvel espion ?
Jourdan baissa la voix à son tour.
— Je n’ai pas que des relations d’affaires en Angleterre. Le comte de St Just est mon cousin germain. Vous le sauriez, si vous aviez fait des recherches un peu sérieuses sur ma famille.
Il sentit que, derrière ses yeux chafouins, l’esprit de Lafleur travaillait à toute allure.
— St Just occupe une position éminente dans les cercles les plus puissants de Londres, reprit-il, poussant prudemment en avant ses pions. Il sera dans tous ses états d’apprendre qu’un de ses parents a échappé de peu à la mort. Je crois même qu’il m’accueillera chez lui à bras ouverts, le cas échéant…
Lafleur le dévisageait toujours.
— Tu cherches à nous tromper, dit-il enfin. Si tu pars là-bas, tu ne reviendras pas !
— Possible, mais pas sûr. Qui sait ? Je suis peut-être vraiment l’Enragé que je prétends être, aussi dévoué que vous à la liberté. Dans ce cas, je reviendrai avec des informations, du genre que les espions de Carnot n’obtiendront jamais. Des renseignements précieux qui nous aideront à gagner la guerre…
Lafleur le scrutait toujours. Il ne se donna pas la peine d’ajouter que le bénéfice obtenu s’il tenait sa promesse — à savoir fréquenter les milieux tories les plus éminents de Londres et livrer à la République des informations de premier choix — contrebalançait largement le risque de le voir quitter la France pour ne plus jamais y revenir. C’était une évidence.
— Je ne peux pas prendre ce genre de décision tout seul, déclara enfin Lafleur. Je vais t’amener devant le Comité, Jourdan. Si tu réussis à les convaincre, tu auras la vie sauve…
Jourdan n’esquissa pas un geste.
Il attendit que Lafleur s’éloigne.
Alors seulement, Simon Grenville s’écroula sur la paillasse jetée à même le sol.