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jeudi 28 août 2014

La maîtresse de Rome - Kate Quinn




"Je promets de supporter le feu,
les chaînes, les coups, la mort par le fer."

Serment des gladiateurs.

















Jeux du cirque, banquets, orgies, complots... Dans cette formidable saga antique, Kate Quinn fait revivre avec panache l'univers dépravé et sanglant de la Rome du 1er siècle.


Jeune esclave juive soumise aux caprices de l'arrogante Lepida Pollia, sa maîtresse, Thea connaît pour la première fois le bonheur dans les bras du gladiateur Arius le Barbare, la nouvelle coqueluche de Rome. Mais leur idylle attise la jalousie de Lepida, qui s'emploie de son mieux à les séparer.
Cette dernière n'est pas le seul obstacle à se présenter sur la route des deux amants. Grâce à ses talents de musicienne, la belle Thea ne tarde pas à être remarquée de l'aristocratie romaine... et d'un dangereux admirateur : l'empereur Domitien, un homme brillant mais cruel qui en fait sa favorite. Devenue la femme la plus influente de Rome, Thea doit plus que jamais garder son amour pour Arius secret.


Fille d'un historien, l'Américaine Kate Quinn a été bercée d'anecdotes sur Jules César ou Alexandre le Grand. "La maîtresse de Rome" est son premier roman. elle vient d'en publier la suite aux États-Unis.
Génialissiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiime !!!!

Comme c'est bon de tomber sur ce type de lire qui fait penser qu'il y en a tant qu'on a pas encore lus.
Trop de points positifs pour les énumérer les uns après les autres donc je garde le plus important.
Le bonheur !
A chaque page tournée...
Il y a plusieurs narrateurs qui nous font passer par tout un maelström d'émotions. Mais la plupart du temps, je me disais « Elle (l'auteure) peut pas leurs fait ça ! Non ! Non ! C'est trop horrible »
A aucun moment je n'ai eu envie de fermer mon livre.
Impossible.
Et le premier réflexe quand je l'ai fini à été d'acheter la suite L'impératrice des sept collines que je vais m'empresser de lire et d'en faire une chronique.

Un livre à ne pas manquer ! 
 
(Attention spoiler)
Elle resta assise devant le feu comme une poupée de chiffon tandis qu’Arius nettoyait doucement les croûtes de boue et de sang sur son visage.
Il l’a pris, comme ça, répétait-elle sans cesse. Il l’a pris et il m’a jetée dehors.
Arius sentait la rage monter en lui, mais il la contint.
Montre-moi tes mains, dit-il.

Trois doigts cassés. Il les banda et les éclissa, comme il avait si souvent vu le médecin de la caserne le faire pour lui, tout en écoutant par morceaux le reste de l’histoire. Dame Flavie. Malgré son angoisse pour son fils, Arius sentit un brusque chagrin l’envahir en pensant à celle qui l’avait libéré des jeux du cirque. Peut-être serait-elle bientôt morte, disparue. Plus jamais elle ne s’assoirait dans l’atrium ensoleillé pour broder un châle, plus jamais elle ne s’enfoncerait dans les entrailles du grand amphithéâtre pour arracher des enfants aux griffes de la mort. Dame Flavie, qui lui avait permis d’avoir une hutte à lui, qui le taquinait parce qu’il gâtait ses raisins... Le matin qui avait précédé l’arrivée de Thea, des prétoriens avaient fait une rapide descente à la villa, mais sans pousser leurs recherches jusqu’aux vignes éloignées, et Arius n’avait pas attaché d’importance particulière à cette visite.
Chut, dit-il à Thea. Dors, maintenant.
Mais Vix...
Nous le récupérerons.
En esprit, il voyait Vix se jetant sur l’empereur, le couteau de table à la main. Pourquoi avait-il appris au garçon à se battre ?
Je ne pourrai pas dormir, dit-elle.
Mais ses paupières se fermaient déjà quand il la porta sur le lit. En la posant, il vit son visage se contracter de douleur.
Qu’est-ce que c’est ?
Rien... mes côtes...
Il tendit la main vers l’agrafe de sa robe.
Non ! fit-elle en le repoussant faiblement. Non, c’est seulement un bleu...
Il souleva la soie froissée, chercha à tâtons les côtes fêlées, mais ne trouva qu’un hématome. Verdâtre. Il n’était donc pas récent, mais datait de plusieurs jours. Et comment avait-elle pu se faire un bleu à cet endroit... sous le sein ? Et un bleu d’une forme aussi bizarre ?
Ses doigts en trouvèrent un autre, puis un autre encore.
Il écarta le reste du tissu de la robe.
Arius, non... fit Thea d’une voix qui n’était qu’un murmure.
À la lueur du feu, les contusions, les cicatrices, les marques de brûlures étaient presque invisibles. Mais pas pour ses mains, qui les découvraient toutes.
Arius...
Il la regarda. Il ne sut pas ce qu’exprimait son visage, car elle avait levé le bras comme pour se cacher les yeux. Mais, pour la première fois, il vit que les petites lignes des cicatrices du couteau montaient désormais presque jusqu’à son coude.
Il tendit la main pour lui toucher le visage, mais s’arrêta net. Tout le corps de Thea s’était contracté, et elle tremblait. Il retira sa main, rajusta la robe autour d’elle.
Tu as raison, dit-il. Ce ne sont que des bleus.
Elle tressaillit comme s’il l’avait frappée, et il lut dans ses yeux le violent dégoût qu’elle éprouvait d’elle-même.
Dors, dit-il en se levant. Garde le lit.
Il étendit son manteau pour se coucher le long du mur, de l’autre côté, et il eut le temps de voir son soulagement avant qu’elle ne détourne vivement la tête. Elle se pelotonna comme un enfant, mais elle mit longtemps à s’endormir.
Arius, lui, ne dormit pas du tout.
Attention, mon grand, fit la voix d’Hercule dans sa tête. Laisse les morts dormir avec les morts. Mais celui qui était mort, c’était Hercule. Quant à Stephanus le jardinier, il mourrait en même temps que dame Flavie.
Arius le Barbare était toujours vivant.

L'extrait :
Je m’appelle Fulvie, dit-elle avec un petit rire gêné. Tu es bien le Barbare ?
Il leva les yeux. Blonde aux yeux bleus. Elle ferait l’affaire.
Je t’ai vu aujourd’hui dans l’arène. Tu as été merveilleux...
Arius lui désigna du pouce l’escalier menant à la chambre que l’aubergiste laissait à sa disposition. Elle poussa encore quelques gloussements et se dirigea sans plus attendre vers le lit. Une fille peu exigeante. Elle ne se formalisa pas quand, ensuite, il tourna la tête vers le mur et resta silencieux. Mais elles étaient toutes pareilles, ces dizaines de filles qui avaient partagé son lit depuis quelques années. S’il parlait, elles semblaient déçues, comme si cela lui ôtait de son mystère. Elles préféraient le Barbare ruminant en silence, sa légende intacte.
Cela lui convenait. Il ne voulait plus parler aux femmes. Plus jamais.
Pendant longtemps, il avait vu Thea partout. Dix fois, quinze fois par jour, pour une tresse de cheveux noirs, pour des hanches étroites soutenant un panier, son espoir renaissait, aussitôt déçu. C’était une souffrance de chaque instant, mais il la regrettait. La souffrance valait mieux que l’oubli.
Car les traits de son visage lui échappaient peu à peu, la forme exacte de ses yeux, de son nez, de sa bouche... Parfois, il restait assis, les paupières obstinément closes, tentant de se souvenir jusqu’à en avoir mal à la tête. S’il oubliait son visage, il oublierait tout : la façon dont elle touchait ses cicatrices, comment elle l’avait encouragé à parler à force de tendresse, comment elle l’avait convaincu de l’irréalité des démons, du sang, de ses cauchemars.
Elle devait être morte à présent.


L'extrait :
Tant pis, dit Thea, occupée à défaire les nœuds aux chevilles d’Arius. Peux-tu tenir une épée ?
Arius hocha la tête avec impatience. Mais, quand il se releva, son pied céda et il chancela. Marcus entendit défiler tous les jurons imaginables en six langues différentes.
Que t’est-il arrivé ? demanda-t-il.
Les brutes de ta femme. Mais, reprit Arius en faisant quelques pas à cloche-pied à travers la pièce, si les os ne sortent pas de la peau, ils tiendront.
Tu es fou, dit Marcus en ouvrant de grands yeux.
Arius s’était lancé dans une série d’assouplissements.
Même si tu es en état, nous ne pourrons pas t’introduire dans les appartements de l’empereur. Paulinus lui-même ne convaincra pas Domitien de recevoir des visiteurs tant que l’heure supposée de sa mort ne sera pas passée.
Thea dénoua ses cheveux tressés, les laissant retomber sur ses épaules.
Il y a une personne qu’il acceptera de recevoir.
Marcus la regarda. Arius la regarda.
Non, dit Arius.
Pourras-tu l’occuper assez longtemps ? dit Marcus.
Elle ne l’occupera pas. Elle n’ira pas.
J’irai !
Thea se dirigea vers la porte. Arius la rejoignit en deux enjambées - sans la moindre trace de boiterie, nota Marcus - et lui saisit le bras. Il la prit par les coudes et, comme elle cherchait à se dégager, la souleva du sol.
Tu ne peux pas y aller. Il te tuera.
Il te tuera aussi.
C’est moins dangereux. Il ne me connaît pas, ne m’a même pas vu depuis des années. Mais toi, il te démolira.
Il a déjà essayé de me démolir bien des fois. Je peux le supporter une fois de plus, quand la vie de mon fils est en jeu.
Sa voix se durcit.
Cette fois, je ne veux pas rester assise dans les tribunes à prier. Je veux ma part.
Arius se retourna vers Marcus :
Tu sais comment il est. Ce qu’il va lui faire.
C’est son choix, dit Marcus avec un haussement d’épaules.
Exactement, dit Thea.
Arius la prit par les épaules.
Thea, tu vas te faire tuer ! Je ne peux pas supporter...
Oh si, tu peux le supporter, répliqua-t-elle brutalement. Je l’ai supporté bien des fois, quand je te regardais dans l’arène. Lâche-moi.
L’un contre l’autre, ils se balançaient, les yeux dans les yeux.
Les doigts d’Arius se déplièrent, un par un. Une flamme sombre brûlait dans son regard.
Sois maudit, murmura-t-il. Oui, sois maudit !
Elle lui tourna le dos et se dirigea vers la porte. Arius la suivit des yeux. Quand elle eut disparu, il revint vers Marcus. Il y avait maintenant dans son regard une sorte de vacuité féroce et impersonnelle qui fit presque reculer Marcus.
Il est temps de te mettre en sûreté, sénateur, dit le Barbare. Tu n’as plus rien à faire pour le moment.
Thea était déjà dans l’escalier et le descendait en vraie maîtresse impériale : la tête haute, les cheveux dénoués, le regard vide.

L'extrait :
Mon fils avait cinq ans et c’était un petit monstre. Ou plutôt, un vrai monstre. Il ressemblait tout à fait à... non, aucune importance.
Trop tard.
C’était toujours une erreur de penser à Arius, même si cela ne me faisait plus aussi mal qu’autrefois. Avant, c’était comme si des pinces chauffées à blanc m’arrachaient le cœur. Maintenant, les pinces étaient froides et elles n’arrachaient plus... elles se contentaient de fouiller.
C’était à cause des souvenirs, pensai-je avec agacement en m’inclinant devant mon maître avant de me retirer. Ils ne s’effaçaient pas, ne s’estompaient même pas. Je me souvenais du contact de ses joues râpeuses. Je revoyais chacune de ses cicatrices, je pouvais en suivre les moindres lignes d’un doigt imaginaire. Tout était là, les baisers d’Arius, Arius bouleversé et sanglant dans l’arène, Arius et son rire bref et profond qui me faisait sursauter. Il était gravé dans mes os.


L'extrait :
Tu l’as tuée.
Elle le voulait.
Et si je le voulais, moi ? dit Thea en s’arrêtant soudain dans la tempête, la tête rejetée en arrière. Maintenant ? Tu m’achèverais, moi aussi ? Ça fait des années que j’essaie, bol après bol, mais, de toute évidence, ça ne mène à rien.
Elle étendit ses mains, les paumes vers le ciel. Les cicatrices pâles luisaient sur ses poignets.
Veux-tu me tuer, s’il te plaît ?
Quoi ?
Regarde, je vais même commencer pour toi.
D’un geste rapide, elle se pencha, arracha à la chaussée un caillou tranchant et le passa sur son poignet. Le sang jaillit, d’un rouge terrifiant dans la pénombre.
Termine, maintenant.
Non.
Il la regarda, et cette fois il ne put détourner les yeux. Il ne savait pas bien parler.
Non, répéta-t-il.
Elle aussi le regardait, avec dans ses yeux noirs toute la détresse sauvage de l’amazone. Elle replia son bras ensanglanté, le serrant contre sa poitrine comme un bébé, et s’écarta de lui. En se retournant, elle cassa une lanière de sa sandale et trébucha.
Il n’eut même pas le temps de se rendre compte qu’elle allait tomber, se faire mal sur les durs pavés. Il la rattrapa, la souleva dans ses bras, et elle se raccrocha à son épaule, sa main d’où coulait un filet de sang appuyée sur la nuque d’Arius, la torsade de ses cheveux volant au vent. Il la serra maladroitement, saisi d’un désir fou.
Alors, il la reposa à terre, et ils restèrent face à face, les yeux dans les yeux. Sa bouche devait être douce et fraîche, pensa-t-il.
Le premier coup de tonnerre gronda au-dessus d’eux. Ils levèrent les yeux et, pour la première fois, Thea parut sentir le froid. Elle croisa les bras sur sa poitrine, et la vue de son poignet sanglant le frappa comme s’il se cognait dans un mur.
II... il faudrait que je fasse un bandage, dit-elle.
Il acquiesça muettement, d’un hochement de tête. Il n’y avait aucun endroit où s’abriter, ni échoppe ni taverne, seulement l’entrée sombre d’un immeuble, fermée par une porte à laquelle Arius frappa sans succès. Le vent soufflait toujours plus fort, soulevant en rafales des nuages de poussière, et il aperçut au loin la forme de l’amphithéâtre, découpée par les éclairs. Il chercha quelque chose à dire, n’importe quoi.
Ta maîtresse. Elle sera en colère.
Thea le regarda comme si elle ne comprenait pas.
Ah... Oui. Mais... ça n’a pas d’importance. J’ai l’habitude.
Leurs bras se frôlèrent dans l’étroit passage, et ils s’écartèrent avec un sursaut. Elle se pencha pour réparer la lanière de sa sandale, sa tunique plaquée contre son corps mince.
Il vit son dos, la courbe souple de sa taille, et se détourna.
Du coin de l’œil, il la vit déchirer adroitement une bande de tissu au bas de sa tunique et l’enrouler autour de son poignet blessé avant de l’attacher avec la cordelette qui retenait ses cheveux torsadés. Ils se déroulèrent dans son dos, tombant jusqu’à sa taille, et, lorsqu’elle pencha la tête, ils formèrent un rideau sombre qui lui cacha le visage. À travers ce rideau, il distinguait par instants son profil, son nez droit, sa bouche...
Il avança la main.
Ne lui fais pas de mal, fit une voix dans sa tête. Trop douce, trop implorante pour être celle du démon.
Il effleura de ses doigts l’extrémité des mèches noires. C’était comme s’il touchait de la soie, et cela avait l’odeur fraîche de la pluie qui vient. Il en prit une pleine poignée et les porta à sa bouche.
Elle tourna la tête vers lui, les yeux brillants d’un désir ardent et désespéré, et pourtant pleins de méfiance, et il sentit un grand désarroi l’envahir : il se souvenait des longues minutes pendant lesquelles, dans l’arène, il avait tenu contre lui un corps brisé dont la vie s’échappait, il se souvenait du flot de sang chaud, à la fin. Il revit la mort de l’amazone, elle avait pris la forme de Thea, et il faillit lui dire de s’en aller, de s’enfuir très vite, avant qu’il ne la tue elle aussi... Alors, elle se pencha vers lui, appuya la joue contre sa gorge, posa un baiser sur la veine qui battait derrière son oreille, et l’arène disparut, emportant le sang avec elle. Il lui saisit la main, la serra sauvagement. En sentant ses os craquer, il se rappela qu’il devait être doux. Il ne l’avait jamais été, avec personne. Du pouce, il caressa la courbe de ses lèvres, puis y posa sa bouche. Il sentit ces lèvres s’ouvrir sous les siennes, et un violent frisson de joie traversa tout son corps.
Appuyés au mur, ils se laissèrent glisser sur le sol et il lui fit un oreiller de son manteau sur le pavé. Elle lui caressa les cheveux tandis que son corps maladroit cherchait son chemin en elle. Il l’embrassa au creux de l’épaule, suivit des mains les courbes lisses de sa poitrine, l’arc flexible de son dos, et la sensation qui monta à sa gorge lui était si étrangère qu’il mit un moment à l’identifier comme le bonheur... Elle avait la peau douce et chaude, et il aurait voulu ne plus jamais toucher la poignée d’une épée.