Après des années à se débrouiller
seule, Kate Taylor a trouvé de l'amitié et de l'acceptance à
Spindle Cove, mais elle n'a jamais cessé d'espérer l'amour. Le
dernier endroit où elle le cherchait était bien les bras du Caporal
Thorne.
Après des années à se débrouiller seule, Kate Taylor a trouvé de l'amitié et de l'acceptance à Spindle Cove, mais elle n'a jamais cessé d'espérer l'amour. Le dernier endroit où elle le cherchait était bien les bras du Caporal Thorne. Le commandant est aussi froid que la pierre et brutalement séduisant. Mais lorsque de mystérieux étrangers viennent en quête de Kate, Thorne se présente comme son fiancé. Il clame n'avoir que la sécurité de Kate à l'esprit. Alors d'où vient cette passion dans son baiser ?
Il y a bien longtemps, Samuel Thorne avait dévoué sa vie à maintenir Kate heureuse. Il veut ce qu'il y avait de mieux pour elle, et il sait que ce n'est pas le mariage avec un homme comme lui. Pour survivre à leur fiançailles temporaires, il doit garder les mains loin de son corps si tentant et fermer son coeur. C'est la bataille la plus dur de sa vie de guerrier... et la première qu'il semble destiné à perdre.
Génialissisme !!!!
J'attendais
depuis le premier tome de lire la romance de Samuel et Kate et je
n'ai pas été déçu !
Tout
est superbe : l'histoire, les personnages, la romance. En
écrivant, je pousse des petits soupirs en me remémorant ce livre
que j'ai quitté à regret.
Je
crois que je suis tombée en même temps que Kate amoureuse de Samuel
qui sacrifie tout à sa dulcinée.
Un
incontournable !
L'extrait :
— Poursuivez,
le pressa tante Marmouset. Vous êtes entrés dans le salon de thé,
et...
— Et
c'était un samedi, reprit Thorne. Les demoiselles étaient toutes
réunies pour leur salon hebdomadaire.
— Oh,
fit Lark avec excitation. Je vois où vous voulez en venir. Mlle
Taylor jouait du piano-forte. Ou de la harpe.
— Elle
chantait.
— Vous
chantez ? dit lord Drewe en se tournant vers Kate. Il faut
absolument que vous nous présentiez un récital.
— C'est
une chose rare que de l'entendre chanter, poursuivit Thorne. Trop
souvent, elle préfère accompagner l'une de ses élèves. Mais en ce
premier jour, elle chantait.
Les
yeux rêveurs, Lark plaça une main en corolle sous son menton.
— Et
là, dès ce premier instant, vous avez été frappé par sa voix
céleste et sa beauté rare et éthérée.
Kate
se tassa sur sa chaise. Céleste ? Lark se
laissait emporter par un élan lyrique. Thorne allait certainement se
dérober.
Il
s’éclaircit la gorge.
— Quelque
chose comme cela.
Lark
poussa un soupir.
— Comme
c'est romantique...
De
tous les mots que Kate n'aurait jamais cru pouvoir appliquer à
Thorne, « romantique » venait pratiquement en première
position. Juste derrière « bavard », « délicat »,
et « enfant de chœur ». Elle devait lui reconnaître un
véritable don de comédien : tout était parfaitement crédible.
— Comment
était-elle habillée ?
La
question de lord Drewe semblait s'apparenter davantage à un
interrogatoire qu'à une curiosité amicale. Comme s'il n'accordait
pas crédit à Thorne.
— Lord
Drewe, c'était il y a un an, intervint Kate d'une voix légère.
Même moi, je ne me rappelle pas ce que je portais.
— Du
blanc.
Thorne
planta les yeux dans ceux de lord Drewe.
— Elle
portait une robe de mousseline blanche. Ainsi qu'un châle indien sur
lequel étaient brodés des paons. Et des rubans bleus assortis dans
les cheveux.
— Est-ce
exact ? demanda Lark à Kate.
— Je...
Si le caporal Thorne le dit, je suppose que ce doit l'être.
L'extrait :
— Comprenez-vous ?
C'est moi qui vous conviens. Je peux vous garantir non seulement la
protection nécessaire, mais la compagnie que vous méritez. Nous
discuterons de politique et de poésie, nous jouerons de merveilleux
duos.
Il
agita sa lance en direction de Thorne.
— Il
fouette peut-être votre sang d'une excitation illicite, mais il ne
peut vous apporter ces choses-là.
Kate
regarda Samuel avec inquiétude. Ces mots feraient mouche et
ébranleraient sa confiance.
— Que
lui offrez-vous ? demanda Evan alors que la voix de Mlle Elliott
grimpait vers les hauteurs. Vous n'avez pas d'éducation. Pas de
culture. Pas même un métier honorable. Vous ne pourrez pas lui
procurer un foyer digne de son rang.
— Je
sais.
L'expression
de Samuel se durcit jusqu'à redevenir glaciale et impénétrable.
— Vous
êtes en dessous de sa condition, enchaîna Evan, de toutes les
manières possibles.
— Je
le sais également.
Ne
soyez pas d'accord avec lui ! cria Kate en esprit. Ne
croyez pas ce qu'il dit !
Evan
ricana.
— Alors
comment osez-vous demander sa main ?
— Parce
que je l'aime, répliqua Samuel d'une voix blanche. J'ai en moi plus
d'amour et de dévotion à donner à cette femme qu'il y a d'or en
Angleterre. Et j'ai suffisamment de manières pour ne pas bavasser
pendant que son élève chante.
L'extrait :
Evan
apparut au côté de Samuel. Il appliqua une lame contre sa gorge et
anéantit tous les efforts de Kate.
— Evan,
non. Je vous en prie. Cela ne fera qu'aggraver les choses...
— Éloignez-vous
d'elle, menaça son cousin.
— Vous
ne comprenez pas. Il ne m'a pas fait de mal. Au contraire.
Elle
fit abstraction d'Evan et reporta toute son attention sur Samuel.
— Samuel,
vous devez me revenir, dit-elle, les yeux dans les siens. Maintenant.
J'ai besoin de vous.
Et
le miracle se produisit.
Sa
respiration se stabilisa. Son expression se détendit. Ses yeux se
fixèrent... tout d'abord sur son visage. Puis sur le bâton.
— Mon
Dieu, murmura-t-il dans un souffle angoissé. Katie. Que vous ai-je
fait ?
— Rien,
le rassura-t-elle. Rien d'autre que m'éloigner du danger. Je vais
bien.
— Foutaises,
intervint Evan. Vous auriez pu la tuer !
— Ne
le croyez pas, déclara Kate. Je connais la vérité. Vous ne m'avez
fait aucun mal. Jamais vous ne me feriez de mal.
Bram
apparut, prêt à s'emparer du bâton de combat.
— Repos,
Thorne. La bataille est terminée.
Samuel
hocha la tête, les mains toujours crispées autour de l'arme.
— Oui.
Tout est terminé. Tout.
— Ne
dites pas cela, supplia Kate en repoussant le pieu qui la maintenait
clouée dans l'alcôve.
Elle
avait besoin de le toucher, de le serrer contre elle. Si seulement
elle pouvait le prendre dans ses bras, elle lui ferait changer
d'avis.
Il
semblait le savoir.
— Je
ne puis courir ce risque, chuchota-t-il en la tenant à distance.
C'est impossible. Je vous aime trop. Je croyais pouvoir me
transformer en l'homme qu'il vous faut : un mari digne d'une
dame. Mais...
Son
visage se pinça et son regard tourmenté se posa sur la scène avant
de remonter vers le sien.
— Voyez
ce que je viens de faire. Je n'appartiens plus à ce monde. Je n'y ai
probablement jamais eu ma place.
— Alors
partons en trouver un autre, déclara-t-elle. Ensemble. Pour vous, je
renonce à tout.
Il
secoua la tête, toujours sans la libérer.
— Je
ne peux vous y autoriser. Si je vous prive de cette vie qui vous
attend, vous finirez par m'en vouloir. Et moi-même je m'en voudrais.
La famille est trop importante pour vous.
— Vous
l'êtes davantage encore.
— Drewe,
demanda-t-il sans quitter Kate des yeux, dans quels délais
pouvez-vous l'épouser ?
— Demain.
— Et
vous la protégerez ? De la rumeur, du scandale ? De ceux
qui, par convoitise, menaceraient de lui nuire ou de l'exploiter ?
— Au
prix de ma vie, je le ferai.
— Samuel,
non...
Kate
battit des cils.
Thorne
hocha la tête et dit à Evan :
— Alors,
faites-le. Je quitterai l'Angleterre dès que ce sera fait. Dès que
je serai certain qu'elle est en sécurité.
— Je
ne veux pas l'épouser ! gronda Kate. Du reste, Samuel... vous
l'empêcherez. Prétendez-vous pouvoir rester assis demain matin sur
les bancs de Sainte-Ursula et me regarder tranquillement monter vers
l'autel au bras d'un autre ?
Il
hésita.
— Vous
ne le laisseriez pas faire. Je le sais.
L'argument
sembla faire mouche. Mais, malheureusement, il emmena Thorne dans la
mauvaise direction.
— Bram,
appela-t-il.
— Je
suis toujours là, répondit lord Rycliff.
— Après
avoir reçu une balle dans le genou, vous m'avez fait jurer, sur le
champ de bataille, que je les empêcherais de vous amputer. Quoi que
prétendent les chirurgiens, et même si vous étiez entre la vie et
la mort. Je vous ai promis que je ne les laisserais pas vous couper
la jambe. Je suis resté à votre chevet, un pistolet à la main,
pour renvoyer tout individu muni d'une scie. Lorsqu'on a menacé de
me traduire en cour martiale, en conflit avec ma propre volonté,
j'ai tenu parole.
Bram
opina de la tête.
— En
effet. Je vous en suis à jamais redevable.
— Eh
bien, vous allez pouvoir me rendre la pareille.
— Comment ?
— Enfermez-moi
dans la prison du village. Ce soir, mettez-moi aux fers et, quoi
qu'il arrive, même si je fulmine, même si je vous supplie,
promettez-moi que vous ne me libérerez pas jusqu'à ce que Kate soit
mariée.
— Thorne,
je ne peux...
Pour
la première fois, Samuel se tourna vers lui.
— Vous
avez envers moi une dette. Faites ce que je vous demande, et
jurez-le-moi.
Du
bout des lèvres, lord Rycliff déclara :
— Soit.
Vous avez ma parole. Vous pouvez la libérer, maintenant.
— Allez
d'abord chercher des fers.
— Pour
l'amour du ciel, Samuel ! s'écria Kate en se débattant.
Croyez-vous que l'on va trouver ainsi des fers, au pied levé ?
Mais
c'était la maison de sir Lewis. Quelqu'un dénicha une paire de
menottes reliées par une lourde chaîne.
Lord
Rycliff en ouvrit une et encercla le poignet de Samuel.
Ce
dernier regarda Kate droit dans les yeux et chuchota :
— Merci.
Merci de vous être illuminée pour moi, même brièvement. Cela me
console de tout le reste.
Kate
lui donna un coup au tibia de son pied nu.
— Ne
prétendez pas que ceci est romantique, espèce de tête de mule !
Si je ne vous aimais pas tant, je jurerais de vous détester jusqu'à
la fin des temps.
En
guise de réponse, il déposa un baiser exaspérant sur son front.
Une
fois l'autre menotte fermée, il lâcha le bâton de combat et la
libéra.
Puis
il s'en alla, prisonnier.
L'extrait :
Il
ôta ses culottes et les posa sur la chaise.
Kate
se sentait parfaitement stupide. Il avait connu bien des femmes qui,
sans aucun doute, avaient toutes été compétentes dans l'unique
domaine qui comptait réellement : au lit, plutôt qu'au
piano-forte.
— Je
suis navrée. Je ne possède aucune expérience. Je dois me contenter
d'espérer que vous me direz ce qui vous plaît.
— Vous
me plaisez.
Il
s'assit à côté d'elle sur le matelas et écarta le tissu de sa
chemise pour dénuder son épaule. Il épousa de ses lèvres la
courbe de son cou.
— Je
détesterais que vous me compariez...
Il
releva la tête et ses yeux étincelèrent.
— Il
n'y a aucune comparaison possible. Aucune.
Il
glissa une main sous le vêtement pour la placer en corolle autour de
son sein. Ses doigts solides le modelèrent.
Elle
gémit lorsqu'il taquina son mamelon et le fit rouler sous son pouce.
— Samuel.
— Oui.
Sa
voix était rocailleuse tandis qu'il soulevait la chemise et la
passait par-dessus la tête de Kate.
— Samuel,
chuchota-t-elle, vous m'avez manqué pendant ces quelques jours. Vous
m'avez tant manqué.
Il
s'allongea sur elle, la recouvrant de tout son poids. Elle adora
sentir ainsi la masse dure de son corps. Si différent du sien. Tout
en l'embrassant, il glissa une jambe entre les siennes. C'était
terriblement excitant de sentir sa peau nue contre sa chair la plus
intime.
De
sa langue, il traça de lentes et délicieuses volutes sur sa
poitrine. Il referma la bouche sur son téton qu'il aspira tout
entier. Elle émit un cri d'extase, et, sans honte, se frotta contre
la courbe ferme de sa cuisse.
Il
reporta ses attentions sur l'autre sein, et ajusta son poids sur le
côté. Elle lâcha une plainte frustrée, mais déjà les doigts de
Samuel couraient sur son ventre et jusqu'à son entrejambe. Il se
glissa à travers les boucles douces et caressa ses replis avant de
les écarter délicatement pour enfoncer un doigt à l'intérieur. La
sensation était exquise. Son pouce trouva le renflement sensible à
l'orée de son sexe et il décrivit des cercles diaboliques. Bientôt,
elle roulait les hanches pour venir à la rencontre de chaque
mouvement de son doigt, tout en savourant la façon dont sa paume
s'appuyait contre sa chair.
— Samuel,
c'est trop... Je ne puis...
L'orgasme
la prit par surprise. Elle se cambra en poussant un cri de
jouissance. Ses muscles intimes se resserrèrent autour de son doigt
pour en réclamer davantage.
Alors
que les dernières ondulations de plaisir la faisaient frissonner, il
se retira et logea ses hanches au creux de ses cuisses. Son érection
était dure et brûlante contre le sexe encore frémissant de Kate.
— Me
voulez-vous ? demanda-t-il.
— Plus
que tout.
Il
se positionna.
— Voulez-vous ceci ? En
êtes-vous certaine ?
— Oui.
Elle
ondula, impatiente.
— Maintenant.
S'il vous plaît. Prenez-moi.
Il
obéit.
Il
commença en s'enfonçant à peine. Elle sentit comme une légère
brûlure au moment où il étirait ses parois internes, mais rien de
trop terrible.
Ce
ne serait peut-être pas si désagréable.
— Katie,
gémit-il. Vous êtes le paradis.
Pas
si désagréable du tout.
Au
deuxième plongeon, toutefois, la douleur fut cuisante. Elle enfouit
le visage dans l'épaule de Samuel pour dissimuler son sanglot. Il la
pénétra par petites poussées délicates et cadencées, et la
brûlure s'atténua un peu. Mais elle fut incapable de proférer une
réponse convaincante quand il lui demanda si tout allait bien.
Il
jura.
— Qu'y
a-t-il ? s'inquiéta-t-elle. Ai-je fait quelque chose...
— Vous
êtes parfaite. Mais je suis furieux de vous avoir meurtrie. Et
maintenant, c'est fait et je n'y puis rien changer.
— Eh
bien moi, je ne suis pas furieuse du tout. La douleur s'est déjà
estompée. J'adore vous sentir à l'intérieur de moi. Je raffole de
savoir que je peux vous tenir ainsi, tout contre moi.
Elle
lissa les cheveux de son front et le regarda droit dans les yeux.
— Samuel,
je vous aime.
— Ne
dites pas cela.
Mais
déjà, il recommençait à remuer. Lentement, profondément. C'était
plutôt plaisant.
— Pourquoi ?
répliqua-t-elle avec un sourire espiègle. Craignez-vous de répondre
par la même phrase ?
Il
fléchit les cuisses et s'enfonça plus loin encore en elle.
— Je
vous aime, chuchota-t-elle.
Il
se retira en fronçant les sourcils. Il semblait hésiter, comme s'il
soupesait le plaisir que lui procurerait une nouvelle poussée,
comparée à la douleur des paroles qu'il ne voulait pas entendre.
Elle
ne se laisserait pas intimider par ses regards ombrageux. Tel était
le marché : pour avoir son corps, il devrait accepter aussi son
cœur.
Il
serra les dents et plongea en elle.
— Je
vous aime, dit-elle en s'agrippant à ses bras.
Il
accéléra la cadence, comme désespéré. Comme pour l'obliger à
renoncer. A se rétracter.
Peine
perdue.
Elle
enroula les jambes autour de ses hanches et se cramponna à son cou.
Les mots devinrent une incantation au rythme de ses poussées. Elle
s'acharnerait sur son sarcophage de pierre, l'effriterait toute la
nuit s'il le fallait pour vaincre enfin ses barrières.
— Je
vous aime, gémit-elle. Vous aime. Vous. Aime.
Le
visage de Samuel était torturé par un plaisir déchirant. Il haussa
les sourcils, puis les fronça.
Et
se retira.
Il
s'écarta d'elle et offrit ses derniers et magnifiques moments
d'abandon aux draps de lin. Kate essaya de ne pas s'en trouver vexée.
Pour une foule de raisons, une grossesse serait prématurée. Samuel
était généreux de penser à sa santé et à sa réputation, même
au point culminant de la passion.
Mais
elle ne put retenir un soupçon de déception.
Épuisé,
il s'effondra sur le matelas. Kate se retourna pour le prendre dans
ses bras. Elle caressa son dos scarifié tandis qu'il frissonnait et
recouvrait son souffle, et attendit qu'il dise quelque chose.
Au
bout d'un long, très long moment, il se hissa sur un coude. Il la
contempla, en respirant toujours avec peine. Ses yeux étaient
insondables lorsqu'il caressa tendrement son front et sa joue. Puis,
enfin, il récompensa son attente nerveuse d'un seul mot, grave et
sonore :
— Katie.
Et
ce fut suffisant. Suffisant pour que le cœur de Kate grimpe au ciel
et que ses yeux la brûlent de larmes éperdues. Suffisant pour
qu'elle désire de tout son cœur son baiser. Elle le serra très
fort, et attira sa bouche sur la sienne pour se repaître de la
délicieuse possession.
Avec
cet homme, il n'y aurait jamais de poésie. Peu de réceptions, et
moins encore de danses. Avec cet homme, elle ne jouerait jamais de
brillants duos au piano-forte.
Avec
cet homme, elle attendrait peut-être toute sa vie qu'il trouve les
mots pour avouer son amour.
Mais
la vérité était inscrite sur sa peau. Et cela suffisait.
L'extrait :
— Vous
ne pouvez pas choisir quelqu'un comme moi. Regardez-moi. Votre cousin
ne m'engagerait même pas comme valet de pied.
Devant
une telle réticence, mieux valait ne pas lui parler de son héritage.
Pas encore. Au lieu de voir cela comme un avantage, ce ne serait pour
lui qu'un facteur supplémentaire pour creuser l'abîme qu'il
percevait entre eux.
Pourtant,
seule une ligne imaginaire les séparait. Mais quelqu'un devait la
franchir, et il faudrait que ce soit elle.
— Il
s'agit de vous et moi, Samuel. De personne d'autre.
Elle
resserra la couverture sur ses épaules et se leva.
— Je
ne suis que Katie. Votre Katie,
comme vous m'avez appelée autrefois. Je sais que vous avez des
sentiments pour moi.
— Je
vous l'ai dit et redit, ce n'est que du...
— Du
désir. Oui, vous me l'avez dit. Mais vous mentez.
— Je
n'ai pas de sentiments, riposta-t-il, les narines palpitantes.
Il
se donna un coup de poing dans la poitrine.
— Aucun.
Me comprenez-vous bien ?
— Non,
c'est f...
— Regardez.
Ces lettres.
Il
désigna les initiales gravées sur son flanc gauche.
— Savez-vous
comment ils vous inscrivent ces marques ?
Elle
fit non de la tête.
— Ils
prennent une planche, de cette dimension environ.
Il
montra une mesure avec ses mains.
— Dessus,
des clous sont plantés qui forment les contours des lettres. Ils
appuient les pointes de ces clous contre votre peau, et ils donnent
un coup sur la planche. Avec un marteau ou un maillet.
Kate
grimaça. Elle voulut aller vers lui, mais il l'en empêcha d'une
main ouverte.
— Ensuite,
une fois toutes ces minuscules perforations pratiquées dans votre
chair, ils prennent de la poudre noire. Vous savez qu'elle est
corrosive. Et ils en frottent les blessures pour que la trace soit
indélébile.
— Ce
doit être une torture.
— Je
n'ai rien senti. Pas plus que je n'ai senti cela.
Il
se retourna. Kate étouffa un cri en voyant l'entrelacs de cicatrices
qui couvraient son dos.
— Le
fouet, expliqua-t-il. Cent coups de fouet pour mes innombrables
manquements. Ils m'ont écorché jusqu'aux muscles, et je vous jure
que je n'ai pas senti un seul coup. Car j'ai appris à
m'insensibiliser. À la douleur, au chagrin, aux sentiments. A tout.
Des
larmes piquaient le coin des yeux de Kate. Elle détestait l'entendre
parler ainsi.
Cet
homme avait des sentiments, de profonds sentiments.
— Samuel...
— Non.
Je sais ce que vous pensez. Aujourd'hui, vous vous êtes souvenue du
petit garçon que vous aviez connu jadis. Il vous aimait bien et
était gentil avec vous, et il vous a rendu service, une fois. Ce
petit garçon n'existe plus. L'homme que je suis... eh bien... il est
écrit là.
Il
montra les marques sur sa peau, l'une après l'autre.
— Voleur.
Prisonnier. Soldat ivre. Forte tête... Je suis mort à l'intérieur
depuis longtemps. Complètement insensible.
Elle
s'approcha lentement de lui, très lentement, comme elle l'aurait
fait devant un animal acculé qu'elle ne voulait pas effrayer.
— Sentez-vous
ceci ?
Elle
se hissa sur la pointe des pieds pour embrasser son cou. L'odeur
virile fit battre son cœur plus vite.
— Katie...
— Et
ceci ?
Elle
déposa un baiser sur sa joue et laissa ses lèvres s'attarder sur
l'angle dur de sa mâchoire.
— Ou...
Il
la saisit par les bras pour l'écarter.
— Cessez.
Elle
baissa les yeux vers sa poitrine en examinant toutes les marques et
les cicatrices accumulées, en partie à cause d'elle, depuis qu'ils
s'étaient séparés enfants. L'énormité de ce que représentaient
ces stigmates éclipsait les angoisses ou les chagrins qu'elle avait
pu éprouver. Elle ne pouvait comprendre l'ampleur de ses
souffrances, mais elle s'obligea à essayer. Pour elle, il avait tout
sacrifié, y compris la seule maison qu'il ait jamais eue. Il lui
avait acheté un avenir radieux au prix de sa propre liberté.
Comment
ne l'aimerait-elle pas ? Comment pouvait-il nier qu'il
l'aimait ?
— Toute
ma vie, commença-t-elle d'une voix frémissante, je me suis
raccrochée à quelques lambeaux de souvenirs. Même dans les moments
les plus noirs, ces vagues réminiscences me donnaient l'espoir que
quelqu'un, quelque part, avait tenu à moi. Et j'ai toujours cru,
dans le fond de mon être, qu'un jour quelqu'un m'aimerait à
nouveau.
— Eh
bien, vous avez trouvé les Gramercy. Ils...
— Vous.
C'est vous que j'ai trouvé.
L'extrait :
Dieu
tout-puissant. Il n'avait jamais eu l'intention de prendre Glouton.
Il avait attrapé le serpent à mains nues pour l'empêcher de la
mordre. C'était terriblement téméraire... et ridiculement
courageux.
— Vous
n'auriez pas dû.
Appuyé
contre le muret de pierre, il retourna sa main devant ses yeux.
— Je
me suis dit que j'y survivrais.
Le
cœur de Kate cessa de battre.
— Que
voulez-vous dire ? Avez-vous été mordu ?
Comme
il ne répondait pas, elle posa Glouton et se redressa vivement.
— Voyons.
Elle
prit son poignet, et il se laissa faire tandis qu'elle soulevait sa
grande main.
— Oh,
non...
Deux
perforations étaient visibles juste au creux du poignet. Le pourtour
était déjà enflé.
— Disposez-vous
d'une trousse de premiers secours ? Il faut vous soigner
immédiatement.
— Ce
n'est qu'une morsure de vipère.
— Qu'une
morsure de vipère ?
Il
haussa les épaules.
— Une
égratignure.
— Une
égratignure infectée par du venin !
Elle
le tira par la manche pour l'entraîner vers le donjon.
— Je
suis une force de la nature. Ce ne sont pas quelques gouttes de
poison qui vont m'abattre.
Il
se rendit néanmoins avec elle vers le coin du donjon qui constituait
ses quartiers personnels. Alors qu'il ouvrait la porte avec son
épaule gauche, elle le vit hésiter légèrement.
— La
tête vous tourne ?
— J'ai
simplement... trébuché.
Ses
yeux étaient un peu vitreux.
— Accordez-moi
une minute, dit-il.
Il
n'en était pas question. Au rythme auquel sa main gonflait, Kate ne
lui accorderait rien du tout.
Elle
trouva un tabouret près de la petite table et l'appuya contre le
mur.
— Asseyez-vous,
ordonna-t-elle.
C'était
peut-être un officier d'infanterie intimidant habitué à se faire
obéir, mais Kate ne se laissa pas impressionner. Elle saisit son
autre bras et tira dessus de toutes ses forces.
Il
remua à peine. Seigneur, cet homme était une montagne de muscles.
Une force de la nature, comme il l'avait dit.
— Je
vais bien, protesta-t-il.
— Je
m'inquiète. S'il vous plaît.
Elle
parvint à le convaincre de s'asseoir sur le tabouret et veilla à ce
que son dos soit bien calé contre le mur. Glouton vint à ses pieds,
renifla ses bottes et produisit de petits gémissements.
Dès
que Thorne fut installé, elle entreprit de le dévêtir.
— Nous
allons devoir ôter votre habit.
Elle
tira précautionneusement la manche de son bras droit blessé,
jusqu'à ce que le fourreau de serge rouge dégage entièrement son
bras.
Lorsqu'elle
posa son poignet blessé sur la table pour l'examiner, il confessa :
— Je
ne vais peut-être pas si bien que cela.
Le
cœur de Kate battit plus vite. Pour qu'il l'admette, il devait
réellement se sentir mal.
Un
couteau était posé non loin de là ; elle s'en empara.
— Ne
bougez pas.
Elle
découpa la manche en coton de sa chemise jusqu'au coude. Des
traînées rouges remontaient du poignet sur son avant-bras musclé,
visibles même sous ses poils noirs. Il fallait un tourniquet.
En
relevant la tête pour lui demander où trouver de quoi le garrotter,
elle vit qu'il était devenu tout pâle. Son front luisait et sa
respiration était inégale.
Elle
finit d'arracher la manche de sa chemise.
— Vous
me déshabillez, dit-il d'une voix sourde.
— Je
n'ai pas le choix.
— Je
ne me plaignais pas.
Ses
yeux bleus se rivèrent aux siens.
Kate
n'avait pas le temps de s'interroger sur la signification de cet
échange. Elle prit son foulard, qui pendait lâchement à son cou,
et noua le morceau de tissu autour de son bras, juste sous le coude.
Elle en serra une extrémité entre ses dents, et tira l'autre des
deux mains. Ses efforts arrachèrent un grognement de douleur à
Thorne. Une fois le garrot posé, elle transpirait autant que lui.
— Où
se trouve votre trousse de premiers soins ? s'enquit-elle en
scrutant la pièce des yeux.
Il
désigna du regard un vieux coffret en bois sur une étagère, en
hauteur.
Kate
courut le chercher.
En
se retournant, elle faillit faire tomber l'objet : Thorne tenait
le couteau dans sa main gauche. Son front luisant de sueur était
plissé, et il appuyait avec concentration la lame contre la peau
enflée et rouge de son poignet.
— Non,
ne faites...
Il
grimaça et tourna le couteau. Un gémissement lui échappa, mais sa
main resta ferme. Avant qu'elle ne puisse revenir à son côté, il
avait décrit un quart de tour avec la lame, qu'il enfonçait à
nouveau. Le sang coula abondamment de l'incision en croix.
Il
laissa tomber le couteau sur la table et s'avachit contre le mur en
respirant lourdement.
— Pourquoi
avez-vous fait cela ? demanda-t-elle en posant le coffret.
— Pour
que vous n'ayez pas à le faire.
Kate
lui en fut reconnaissante. Il avait eu raison. Il fallait faire
couler le venin de la partie enflée, avant qu'il ne se communique au
reste du corps. Mais la vue d'une telle quantité de sang la pétrifia
un moment. Elle avait aidé Susanna une fois ou deux à soigner des
villageois blessés, mais Susanna était une guérisseuse compétente
et douée. Là, ils étaient seuls et réduits à la dernière
extrémité.
Thorne
risquait de mourir.
Elle
fut saisie d'un haut-le-cœur, puis elle posa une main sur son ventre
en s'exhortant au calme.
Elle
ouvrit le coffret et trouva une longueur de gaze propre, qu'elle
utilisa pour étancher le sang.
— Ne
faites pas de pansement, dit-il. Pas encore.
— Je
sais. Et maintenant ?
— Vous
allez retourner au village. Soit je survis, soit pas.
Les
mots étaient si ridicules qu'elle s'étrangla sur un petit rire.
— Êtes-vous
fou, Thorne ? Il est hors de question que je vous laisse.