-J'ai
bien réfléchi, milord. Je serai à vous le temps que durera la
saison. Contre dix mille livres.
- C'est
une somme. Mais vous les valez bien.
Londres, 1870.
Jocelyn Tolliver est abasourdie lorsqu'elle hérite de sa mère d'un bordel de luxe. Dès lors, elle devient la très mystérieuse Madame DeBourcier. C'est là qu'elle fait la connaissance d'Alex Randall qui lui propose d'être sa maîtresse le temps d'une saison. Jocelyn, qui voit en lui un protecteur, accepte. Leur liaison a tout d'un rêve : conversation, fantaisie, amitié et passion. Pourtant, lorsqu'une des prostituées est assassinée, Jocelyn se retrouve seule. Sa déception va l'entraîner dans une bataille passionnée dans laquelle les illusions disparaissent et où tous les désirs sont comblés...
Une
surprenante déception !
J'avais
adoré le premier tome de cette série et je me réjouissais d'en
lire la suite puisque je l'attendais depuis très longtemps.
Je
n'ai rien retrouvé des choses qui m'avaient plus dans le premier
tome ! Il n'y a qu'un mince filet d'histoire, les personnages
auraient mérité un traitement plus approfondis. On a du mal à les
apprécier. L'histoire traîne en longueur...
Je
suis surprise en pensant qu'il s'agit du même auteure.
— L...
lord Colwick.
Au
lieu de son prénom, elle énonçait son titre, mais il préféra
considérer que le chagrin lui faisait un peu perdre la tête et
qu'il n'y avait rien de plus normal. Il s'agenouilla devant son
fauteuil, comme pour l'empêcher de s'enfuir.
— Jocelyn,
je n'ai pas pu attendre plus longtemps. Il fallait que... que je
sache si tout allait bien.
— Comme
tu vois, souffla-t-elle. Je vais très bien. J'écris une lettre à
la maman d'Edith pour la rassurer sur les progrès de sa fille.
— Mais
tu ne m'as envoyé aucun message. J'avoue que je me faisais un souci
énorme. Je ne suis pas du genre à patienter longtemps. Surtout
quand il s'agit de toi.
— Il
n'y a rien de nouveau.
Elle
se leva, le bouscula pour sortir.
— Et
j'ai préféré que les choses en restent là entre nous,
ajouta-t-elle.
— En
restent là ?
Il
la suivit dans la chambre.
— Jocelyn,
je te dois des excuses. Je n'aurais pas dû te laisser me renvoyer,
l'autre jour. J'aurais dû crier mon nom et...
— J'ai
naguère expliqué à l'une de tes amies qu'une femme pouvait se
noyer dans une mer de « j'aurais dû », et je suis sûre
que cette remarque vaut également pour un homme. Tu n'as pas à
t'excuser de quoi que ce soit. Tu as fait ce que tu avais à faire.
Il n'aurait servi à rien que tu indiques ton nom de famille ou
déclares tes liens avec le Crimson Belle. Gilly n'en est pas moins
morte et cela n'aurait fait qu'ajouter la perte de ta réputation à
ce gâchis.
— Non.
Il
s'approcha d'elle car il mourait d'envie de la prendre dans ses bras,
d'effacer le malentendu qui les séparait. Il voyait maintenant
combien elle savait cacher ce qui se passait au plus profond de son
âme. Dans son rôle de Madame DeBourcier, elle l'avait renvoyé afin
de protéger sa réputation, tout en prenant sur elle la
responsabilité des violences qui avaient secoué son monde. Mais
c'était Jocelyn qu'il avait blessée en la laissant faire. Il la
connaissait mieux que personne et la tristesse qu'il lisait dans son
regard ne faisait qu'empirer les choses.
— Tu
avais besoin de moi et je... j'ai manqué à mes devoirs envers toi,
Jocelyn. J'ai perdu trop de temps à essayer de rattraper les fautes
d'un autre homme, ce qui m'a conduit à me détacher du monde
extérieur. Laisse-moi au moins m'amender auprès de toi, te
prouver qu'il n'y a rien que je ne ferais pour toi.
Elle
leva la main pour qu'il se taise mais il attrapa ses longs doigts
fins, les pressa contre son cœur.
— Je
t'aime.
Elle
se dégagea, l'air à la fois surprise et peinée, du moins le temps
qu'elle se reprenne et lui oppose un froid mépris.
— Vous
confondez désir et amour, lord Colwick. C'est une erreur assez
répandue entre ces murs, et il serait fort malvenu de ma part de
profiter de la situation.
— Bon
sang ! Je t'aime et je sais ce que je dis !
Visiblement
peu convaincue, elle croisa les bras.
— Qui
vit dans une maison de fous sera le dernier à se reconnaître comme
dément. Crois-moi, mon cher, tu te leurres.
— Jamais
de la vie, dit-il d'un ton aussi tranquille que possible. Je t'aime
et je veux que tu quittes cet endroit. Jocelyn, viens avec moi.
Laisse-moi m'occuper de toi.
Enfin,
le mur de glace qu'elle avait dressé autour d'elle commença à se
fissurer, et ses yeux s'emplirent de larmes.
— En
tant que maîtresse ? Tu vas m'installer dans une belle maison,
m'offrir une berline ?
— En
tant que femme de ma vie, et je t'achèterai douze berlines si tu le
désires.
— Et
qu'en dira ton épouse ?
— Mon
épouse ?
Il
n'était pas certain d'avoir bien entendu.
— Je
n'ai pas d'épouse, Jocelyn.
— Tu
vas en avoir une. Je suis au courant de tes fiançailles avec Mlle
Preston. Je suppose qu'il faut te féliciter.
— Winifred
Preston ? Tu es folle ? Je n'ai rien à voir avec elle, et
ceux qui t'ont rapporté ces ragots se trompaient lourdement.
L'air
de plus en plus triste, elle haussa les épaules.
— Peu
importe. Tu es un homme honorable, Alex, un jour tu comprendras qu'il
te faut bien autre chose qu'une compagne avec qui tu couches. Tu dois
avoir une épouse respectable qui puisse te donner les enfants
légitimes nécessaires à la perpétuation de ta lignée.
— Jocelyn...
— Je
refuse de te voir souffrir et être humilié à cause d'un lien
impensable entre un noble et une prostituée notoire.
Malgré
ses larmes, elle leva le menton et le défia silencieusement de
prétendre le contraire.
— Ne
dis pas cela. Je ne t'ai jamais considérée comme une...
Il
ne pouvait même pas articuler le mot ; pourtant, il se sentait
secoué par cette contre-vérité qui le déchirait comme une lame de
couteau. Bien sûr qu'il l'avait considérée ainsi. Il l'avait payée
sans se faire prier, sans jamais la corriger quand elle faisait
allusion à leur « contrat ».
— Ceci
n'a rien à voir avec ce que tu es, Jocelyn.
Elle
lui apparut plus belle que jamais lorsqu'elle lui décocha un sourire
de défi.
— Je
n'ai pas dit le contraire, mon cher. Mais peu importe ce que je
pense. Tu redoutes le scandale plus que tout au monde, et en tant que
maîtresse duCrimson Belle, je ne peux t'apporter que le scandale.
— Alors
quitte-le.
— Je
ne vais pas abandonner mes pensionnaires. Elles n'ont jamais eu
autant besoin de moi. J'ai juré de les protéger et... si j'ai
manqué à ma parole envers Gilly, je dois continuer avec les autres.
Ma place est ici ; quant à toi, je crois que tu en as eu pour
ton argent.
Il
la saisit par les épaules, pris d'une folle envie de l'embrasser
pour la faire enfin changer d'avis.
— Bon
sang ! Je t'aime, Jocelyn. Il doit bien y avoir une solution !
Elle
fit non de la tête et, cette fois, il perdit le contrôle, lui prit
le visage entre les mains pour qu'elle cesse de nier ainsi, et tenta
de l'embrasser de toute la force de son âme.
Il
goûta le sel de ses larmes sur sa peau, ce qui n'altéra en rien son
baiser, affirmant ainsi qu'elle était bien son grand amour, captant
sa douce chaleur jusqu'à ce qu'elle s'agrippe à lui avec la même
force désespérée.
— Arrête...
Un
sanglot la fit taire et elle se détacha de lui, les mains sur la
bouche comme pour ravaler son chagrin.
— Jocelyn,
je veux t'épouser ! Au diable le scandale ! Je pourrais
survivre au feu du canon si je savais que tu étais à moi.
— Au
diable le scandale ? Tu n'as même pas voulu dire ton nom à cet
inspecteur quand il te l'a demandé. Que raconteras-tu quand on te
demandera pourquoi tu passais ton temps dans une maison close ?
Ou pourquoi le visage de ta femme paraît si familier à certaines
personnes ?
— Je...
je dirai...
Elle
écarta la main qu'il avait posée sur elle et se précipita pour
tirer la sonnette des domestiques.
— Allez-vous
en, lord Colwick !
Elle
ne le regardait même pas, l'œil rivé sur le rideau.
— Va-t'en,
Alex.
— Jocelyn,
tu m'as entendu ? Je veux t'épouser.
Elle
ferma les yeux sans lâcher le cordon.
— J'ai
juré à ma mère sur son lit de mort... sur son lit de mort, tu
m'entends ? J'ai fait un serment.
Comme
elle rouvrait lentement les paupières, Alex demeura le souffle coupé
devant l'implacable souffrance qui paraissait la hanter.
— Le
Crimson Belle est mon destin, pas le tien.
— Tu
es mon destin, Jocelyn.
— La
saison s'achève, lord Colwick. Vous en avez eu pour votre argent et
je... j'en ai eu pour plus que je n'avais prévu. S'il vous plaît.
Un
sanglot la secoua, l'interrompant de nouveau.
— Allez-vous
en, reprit-elle.
— Tu
plaisantes ! Il y avait plus qu'un contrat entre nous, Jocelyn.
Il
la saisit par les épaules, cherchant désespérément à lui faire
regarder la vérité en face.
— Je
t'aime !
Elle
refusait de répondre, de le regarder dans les yeux et, sans lui
laisser le temps de trouver un nouvel argument pour la convaincre,
les valets arrivèrent, véritable mur de muscles en uniforme.
— Maîtresse ?
demanda l'un d'eux, qui reconnut le client d'en bas et lui jeta des
coups d'œil gênés.
— Pourrais-tu
montrer la sortie à lord Colwick, Martin ? Il ne remettra
jamais les pieds au Crimson Belle. Jamais !
— Jocelyn,
c'est absurde ! Bon sang, ne fais pas ça !
Furieux,
Alex se débattit quand plusieurs mains se posèrent sur ses épaules,
mais il n'avait pas le choix. S'il le fallait, ces hommes
l'emporteraient en le soulevant de terre, et il n'allait tout de même
pas se battre dans cette pièce qu'elle avait rendue sacrée pour
lui.
De
nouveau, il se retrouva derrière les portes closes du Crimson Belle.
Et,
cette fois, il ne pourrait plus rentrer.