Licenciée,
une mère malade à charge et un demi-frère alcoolique… Nell
Whitby collectionne les malheurs. Et si elle n’était pas qui elle
pense être depuis toujours ? Sa ressemblance avec lady Katherin,
qu’elle a aperçue en photo, est tout de même des plus
troublantes. Lady Katherin, la fille du défunt comte de Rushden…
dont le titre vient d’être hérité par Simon St Maur.
Le
coeur empli de haine, Nell Whitby s'introduit en pleine nuit chez le
comte de Rushden qui, d'après les dernières paroles de sa mère,
serait son père. Or, ce n'est pas un vieillard qu'elle vise avec son
révolver, mais un splendide jeune homme. "Vous êtes lady
Cornelia, lui dit le nouveau comte, la fille légitime de mon
prédécesseur, enlevée à l'âge de six ans. Et vous avez une
jumelle, Kitty." Dans la foulée, il lui propose un marché : il
l'arrache à sa condition d'ouvrière et lui rend sa place dans la
société, en échange Nell partagera avec lui son héritage. Tout ce
qu'elle a à faire...c'est de l'épouser.
Meredith
Duran est une auteure qui se démarque des autres homologues. Elle
est un bon métissage entre la romance historique traditionnelle et
celle plus actuelle.
Son
style est vraiment original et se démarque aussi.
On
est encré dans un réalité historique notamment la lutte des
classes ouvrières . L'héroïne est issu de celle-ci et rien n'est
édulcorée.
La
romance des deux tourtereaux et tout sauf un coup de foudre. Et j'ai
beaucoup apprécié les dialogues des deux héros qui sont très
mordants.
Bref,
un bon moment de lecture !
— Non !
s'exclama-t-il, exaspéré. Vous ne m'avez jamais admiré. Mais vous
saviez pouvoir vous appuyer sur moi, et c'est ce que vous faites en
ce moment même. Cette voiture, la maison, la serrure sur la porte de
votre chambre, les vêtements que vous portez... Tout cela
m'appartient. Je pourrais vous les reprendre, ou bien m'en servir
contre vous. Je pourrais verrouiller les portes et ordonner aux
domestiques d'oublier votre existence. Je peux agir à ma guise. Et,
pourtant, je ne vous vois pas trembler de peur.
—
C'est
peut-être une erreur de ma part, chuchota-t-elle.
—
Alors
décidez-vous ! Suis-je un salaud capable du pire ? Ou bien
est-ce vous qui, par lâcheté, refusez d'admettre vos sentiments ?
La
voiture s'arrêta dans un cahot. Le silence retomba dans l'habitacle.
—
Alors ?
insista-t-il.
Nell
restait muette, une expression rebelle sur les traits. Il retomba sur
son siège.
—
Très
bien. Laissez-moi vous débarrasser du fardeau de la lâcheté.
J'embrasse volontiers le rôle de l'ordure. Vous ne me quitterez pas,
Cornelia Saint-Maur. Je vais vous garder, que vous le vouliez ou non.
La
portière s'ouvrit. Elle le regardait toujours, sans bouger. Puis,
tout à coup, elle sauta sur ses pieds et descendit de voiture,
ignorant la main que lui tendait le valet pour l'aider.
La
rage de Simon s'évapora. Une vague de dégoût l'assaillit. Jamais
il ne s'était senti plus proche de ses ancêtres. « Que vous
le vouliez ou non » : ces mots auraient pu sortir de la bouche du
vieux comte.
L'extrait :
— Je
me dois de vous rappeler la discussion que nous avons déjà eue au
cas où les choses tourneraient mal, se borna-t-il à dire.
—
Il
n'en est pas question, gronda Simon entre ses dents.
En
vérité, ils en étaient bien réduits à cette extrémité, admit
Nell.
Elle
s'éclipsa. Simon la rattrapa dans l'escalier. Elle lui fit face.
—
Daughtry
a raison, dit-elle avec calme. Notre cause est perdue.
—
Vous
n'allez quand même pas vous résigner !
—
Il
ne s'agit pas de résignation, plutôt de stratégie.
D'une
voix sourde, il répliqua :
—
Bonté
divine, Nell, vous ne comprenez donc pas que je vous aime ?
Elle
le dévisagea comme si elle n'avait pas entendu ces mots qui
compliquaient la situation.
—
Eh
bien, c'est regrettable, articula-t-elle, avant de gravir rapidement
les marches restantes.
Le
piétinement derrière elle l'avertit que Simon la suivait. Elle
poursuivit sans se retourner.
Comme
elle pénétrait dans le salon, la porte claqua dans son dos.
Lentement, elle se tourna vers lui.
Il
avait l'air anéanti. Épuisé.
—
Jamais
je ne vous laisserai partir, dit-il. Vous n'avez donc pas compris ?
Il
s'approcha d'elle et, d'une main, lui prit la joue, glissa les doigts
dans ses cheveux, sans crainte de la décoiffer. Nell le considéra
sans mot dire. L'amour faisait donc partie de l'équation, alors
qu'ils étaient sur le point de tout perdre et qu'elle était devenue
une criminelle.
—
C'est
l'argent que vous vouliez, Simon, lui rappela-t-elle, bien que chaque
mot lui coûtât.
Il
l'aimait. Et elle aussi l'aimait. Elle allait devoir garder le
secret, car demain, après-demain ou plus tard, il s'en irait. Il n'y
aurait rien pour le retenir lorsque, dans un sursaut de lucidité, il
se découvrirait pauvre comme Job.
Pour
le moment, il s'en défendait. Mais que connaissait-il de la misère,
de ce qu'elle impliquait ? Il vivait à crédit, mais ses
créanciers ne l'entretiendraient pas éternellement. La vie
deviendrait plus difficile. Et plus de piano pour l'adoucir.
Avait-il
songé à cela ?
—
Oui,
l'argent, soupira-t-il. C'est ce que nous voulions tous les deux.
Mais il n'est pas encore temps de s'avouer vaincu.
Elle
retint un rire amer. Il n'avait pas encore l'habitude de se heurter
aux dures réalités. Daughtry avait plus les pieds sur terre que
lui. Elle-même n'avait jamais perdu de vue que cette aventure était
un pari fou. Et un bon joueur sait toujours quand se retirer de la
partie.
S'il
la retenait ici, elle irait en prison et il devrait faire face à la
banqueroute. Tous deux souffriraient et se dégraderaient petit à
petit, pour des raisons différentes.
L'un
d'eux au moins devait se montrer raisonnable. Celui des deux qui
avait le plus à perdre : elle.
Elle
se remémora la conversation qu'elle avait eue avec Hannah dans la
voiture, il y avait une éternité, lui semblait-il. Les robes. Elle
avait promis d'emporter les robes.
—
Nell,
regardez-moi.
Elle
fixait un point invisible, au-dessus de son épaule droite. Cette
certitude que les choses tourneraient finalement en leur faveur lui
paraissait arrogante. L'amour ne suffisait pas. Pas pour ceux de
Bethnal Green, pas lorsque leur futur était en jeu.
—
Bon
Dieu, vous êtes vraiment lâche ! s'emporta-t-il.
Lâche ?
Peut-être, admit-elle. Elle ne pouvait supporter l'idée que la loi
les séparerait de toute façon. Avec ou sans amour, leur destin
était maudit.
Tout
à coup il posa sa bouche sur la sienne. Elle émit un petit son
étouffé, mais, d'un geste automatique, referma les bras sur lui
pour se suspendre à son cou.
La
douleur qu'elle avait tant de mal à contenir explosa dans sa
poitrine. Elle l'embrassa avec toute l'intensité de son désespoir.
Sans savoir comment, elle se retrouva étendue sur le lit. Il
l'embrassait avec fièvre, ses mains parcouraient son corps, et elle
se cramponnait à lui, comme si elle craignait qu'il ne s'évapore.
Une
voix stridente - peut-être son instinct de survie -
hurlait en elle comme pour la mettre en garde. Si un enfant naissait
de cette union, la route semée d'embûches qui l'attendait se
révélerait plus dure encore.
Elle
s'en moquait : la vie lui avait dénié un million de choses, le
bonheur de connaître sa vraie famille n'étant pas la moindre. À
présent, elle allait bientôt lui enlever Simon. La vie était
cruelle et impitoyable.
Elle
lui donna un coup de poing dans le dos. Il comprit sa frustration, sa
révolte, la regarda dans les yeux. Elle lui arracha sa veste, la
jeta par terre, lui déchira sa chemise par impatience, planta ses
dents dans le muscle solide du bras. Cette peau lisse, souple, dorée,
manquait de marques et de cicatrices. Elle y enfonça ses ongles et
le sentit tressaillir, fouaillé par le désir.
Tandis
qu'elle lui embrassait la poitrine, le goûtait de la langue, il
retroussa ses jupes d'une main fébrile, déchira quelques ourlets
dans sa hâte.
Ils
roulèrent sur le lit, bras et jambes emmêlés, dans un combat qui
les menait tous deux vers le même assouvissement.
Lorsqu'il
entra en elle, elle se cabra dans un éblouissement et, faisant taire
la voix dans sa tête, s'efforça de ne plus penser qu'à l'instant
présent. Et au plaisir.
Mais
le plaisir faisait mal, devenait insupportable dans son crescendo ;
son courage l'abandonna tout à coup et, comme un frémissement le
secouait, elle cacha son visage contre son torse pour qu'il ne voie
pas couler ses larmes.
Lorsque
Simon s'éveilla au matin, elle était partie
Les
rideaux n'étaient pas tirés. Par la croisée ouverte lui parvenait
le bruissement du feuillage des arbres, l'infime piétinement d'une
créature nocturne qui devait se faufiler dans le jardin. La lune
cernée de nuages éclairait faiblement les rosaces du tapis
oriental.
Un triste sourire lui échappa. Elle avait suffisamment le sens de la dramatisation pour apprécier cette incursion bienvenue de la nature au moment de la grande scène finale.
Encore un pas, puis se dresser dans le halo de lumière argentée et pointer son arme en direction du lit.
— C'est Nell qui vient vous rendre visite, milord,
déclara-t-elle à voix haute. Réveillez-vous et affrontez la mort de face, comme un homme.
Une voix indolente s'éleva sur sa droite :
— Comme un homme ?
Un triste sourire lui échappa. Elle avait suffisamment le sens de la dramatisation pour apprécier cette incursion bienvenue de la nature au moment de la grande scène finale.
Encore un pas, puis se dresser dans le halo de lumière argentée et pointer son arme en direction du lit.
— C'est Nell qui vient vous rendre visite, milord,
déclara-t-elle à voix haute. Réveillez-vous et affrontez la mort de face, comme un homme.
Une voix indolente s'éleva sur sa droite :
— Comme un homme ?