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samedi 19 juillet 2014

La lune voilée - Karen Robards

 



Elle n'était qu'une orpheline en guenilles errant dans les rues de Dublin. Connor d'Arcy l'arrache à cette vie de misère et ses caresses enflammées lui font découvrir un monde inconnu...


 








Le résumé:
Elle n'était qu'une orpheline en guenilles errant dans les rues de Dublin. Connor d'Arcy l'arrache à cette vie de misère et ses caresses enflammées lui font découvrir un monde inconnu. Mais, aristocrate le jour, Connor se transforme en " Robin des Bois " la nuit et, bientôt, Caitlyn l'accompagne dans ses expéditions, volant l'Anglais pour nourrir les Irlandais affamés... jusqu'à cette nuit tragique où elle est obligée de trahir Connor pour mieux le sauver. Humilié, blessé, il la hait. Elle est mariée de force à un gentilhomme anglais, tandis que lui croupit en prison. Mais leur amour défie le temps et les hommes, et aucune cage dorée, aucun geôlier ne pourra l'entraver...




L'extrait :
- Il est complètement trempé.
- C'est normal, il n'a pas voulu se changer !
- Par pudeur, tu crois ? Ou est-ce qu'il cache une horrible
malformation quelque part ?
Rory sourit à son frère.
- On ne va pas tarder à le savoir. Ça serait rendre service à Conn, si jamais ce gars-là était un monstre.
Ou peut-être qu'il porte la marque du diable... sur les
fesses, par exemple !
- Pourquoi pas ? D'ailleurs, trempé comme il l'est, il va
attraper une pneumonie et en mourir. Ça aussi, ça lui
rendrait service.
Ils se regardèrent en hochant solennellement la tête.
Caitlyn, commençant à comprendre où ils voulaient en
venir, se débattit violemment en vociférant les pires insultes qu'elle ait apprises à Dublin. Rory emprisonnait ses poignets, pendant que Cormac plaquait ses chevilles au sol. Caitlyn hurla des imprécations à la tête de Cormac tandis qu'il commençait à délacer son pantalon. Elle se tortilla violemment, mais ne put échapper à ses mains. Jamais elle n'avait connu une telle panique.
- Non ! Espèces de salauds ! Non ! Arrêtez ! Vous aimez
les garçons ou quoi ? Je vous tuerai, vous m'entendez ? Je
vous tuerai !
Mais tous ses cris, ses jurons et ses ruades furent vains.
Au moment où Cormac abaissait son pantalon et son
caleçon jusqu'à ses genoux, Caitlyn réussit pourtant à
libérer l'une de ses chevilles. Elle lui envoya un coup de
pied qui le renversa sur le dos, et elle roula à plat ventre. La
poigne de Rory se relâcha curieusement et elle libéra
aisément ses poignets.
Elle jeta son manteau sur ses fesses nues et attrapa son
pantalon. Elle n'était restée découverte qu'un instant.
Cormac, allongé sur le dos, prostré dans la position dans
laquelle il avait atterri après le coup de pied, tourna
lentement vers elle un visage stupéfait.
Rory, toujours accroupi à côté d'elle, la contemplait avec
une expression non moins ébahie.
- Mais qu'est-ce qui se passe, ici, bon sang de bonsoir ?
C'était Connor. Caitlyn, pétrifiée, leva les yeux vers ceux de Connor. Elle était exposée, mise à nu, bien que ses parties féminines soient aussi couvertes qu'à l'accoutumée. Mais Cormac et Rory avaient vu. Elle ne pouvait plus se protéger en revendiquant le sexe masculin. Elle était femme, et affreusement vulnérable...
- Conn, murmura Rory d'une voix étranglée.
Caitlyn se raidit, les yeux toujours rivés sur ceux de Connor.
- Eh bien, qu'y a-t-il ? Je vous préviens, la journée a été longue et fatigante, et je commence à en avoir assez, de
vos bêtises !
- Connor...
Mais Rory semblait incapable d'articuler autre chose que le
nom de son frère. Ce dernier fronça les sourcils.
- Qu'est-ce que tu as, Rory ? Tu ne peux pas parler?
- Connor, ce garçon... c'est une fille ! lâcha Cormac en
regardant Caitlyn d'un air accusateur.
- Quoi ?
Les yeux diaboliques se posèrent sur Cormac.
- C'est une fille, je te dis. O'Malley... c'est une fille !
- Qu'est-ce que c'est encore que ces idioties ?
- Ce ne sont pas des idioties, intervint Rory en se levant.
(Ses yeux horrifiés étaient encore rivés à ceux de Caitlyn.)
C'est une fille.
Connor se tourna vers Caitlyn, qui, blottie sur l'herbe en état
de choc, le contemplait fixement.
- I l n'a pourtant pas l'air d'une fille, ce garçon.
Vous devenez gâteux, tous les deux.
Caitlyn se remit à respirer. Elle rassembla tout son courage et se leva. Peut-être les jeunes frères d'Arcy ne
parviendraient-ils pas à convaincre leur aîné?
Peut-être pouvait-elle même les faire douter de ce qu'ils
avaient vu...
- Ils disent n'importe quoi ! Je suis un homme, comme
vous. Et même plus que toi, Cormac d'Arcy : tu as déjà
oublié ce que j'ai fait de ton nez ?
Les trois frères la dévisagèrent sans rien dire. Le regard
de Connor en particulier la troubla, tandis qu il la toisait lentement des pieds à la tête, puis de la tête aux pieds, en s'arrêtant d'un air perplexe aux endroits stratégiques.
- On était en train de s'amuser et Cormac lui a baissé son
pantalon jusqu'aux genoux. II... Elle était nue comme un
nouveau-né, Connor. Et c'est bien une fille, aucun doute làdessus.
La voix de Rory était désespérément sincère.
- Une fille ! répéta Connor, aussi stupéfait que les autres.
- Non ! cria Caitlyn en reculant d'un pas.
Elle se battrait. Elle ne se laisserait pas violenter.
Le sort de sa mère surgit à son esprit, comme un terrible
avertissement. Bien qu'on n'ait jamais abusé d'elle, Caitlyn savait combien les hommes, dès qu'il s'agissait de leur plaisir, pouvaient se montrer violents envers des femmes sans défense. Et c'était pour éviter cela que sa mère lui avait fait porter des vêtements masculins. Elle s'enfuirait,se cacherait dans la campagne, retournerait à Dublin...
-Attrape-le... attrape-la! Oh ! Qu'importe, allez, Rory !
ordonna Connor alors qu'elle s'apprêtait à détaler.
Rory etait deja sur ses talons.
- Lâche-moi ! Lâche-moi !
La terreur décupla ses forces et elle lutta frénétiquement.
Elle eut la folle vision des trois hommes la jetant au sol et abusant d'elle l'un après l'autre. Dans un accès de
désespoir, elle donna des coups de pied au hasard à son
assaillant, et l'atteignit à la rotule.
- Aouh ! Mais c'est une véritable furie ! Viens m'aider,
Cormac, vite !
Cormac l'attrapa par la taille, la souleva de terre et
emprisonna ses genoux d'une main pendant que Rory
maîtrisait ses poings. Gesticulant comme un diable, elle
lâcha une bordée d'injures que n'eût pas désavouées un
soudard.
- Attention à ses pieds ! Serre-la bien, Cormac !
- Et toi, retiens ses mains ! Elle a failli m'arracher les
parties viriles, tout à l'heure. C'est une vraie peste.
Rorv et Cormac arrivèrent péniblement à la maintenir dans
une position où elle ne risquait pas de leur nuire. Ils jetèrent un coup d'oeil désespéré vers leur frère aîné, mais il contemplait Caitlyn, le front soucieux.
- Là, doucement. Personne ne va te faire de mal.
Arrête donc de te débattre comme ça, petite.
La voix de Connor était douce et apaisante. Caitlyn jura
effroyablement et cracha vers lui. Elle se réjouit de le voir reculer pour esquiver son crachat. Son visage s'assombrit
encore tandis qu'il l'observait.
- Méfie-toi, Conn. Elle a déjà mis en sang le nez de
Cormac, l'avertit Rory d'un ton amusé. Et tordu ses parties !
Qui sait ce qu'elle te réserve.
- Tais-toi, idiot. Tu ne vois pas qu'elle a peur ? répliqua
Connor. O'Malley, ajouta-t-il de la même voix douce,
calme-toi et parlons. Je désire simplement te parler, aie
confiance. Personne ne lèvera le petit doigt sur toi, on ne te veut pas de mal, je te le jure.
- Que le diable vous emporte, espèce de pourceau !
Elle se tortilla si violemment dans les bras de Cormac que
sa tête arriva à hauteur de son épaule. Avec un grognement presque animal, elle y planta ses dents aiguës.
- Bon Dieu, elle m'a mordu ! Elle m'a mordu, cette petite
vipère !
Cormac relâcha sa prise et Caitlyn toucha le sol de
nouveau.
- Attention, Cormac, bon sang ! cria Rory.
D'un coup de pied bien envoyé, elle parvint à le faire
reculer, lui aussi. Elle était presque libre...
- Ça suffit !
Connor saisit le col de son manteau et la déséquili-bra.
Tandis qu'elle trébuchait, elle sentit un bras se glisser sous ses genoux, et un autre lui emprisonner les deux poignets. Elle fut soulevée de terre... Caitlyn se retrouva autour des épaules de Connor, comme un chevreuil mort, les jambes pendant d'un côté de sa poitrine et les bras de l'autre. Il la maintenait fermement et elle eut beau gesticuler, elle ne se libéra pas d'un pouce. Cela ne l'empêcha pas de continuer à se débattre en criant et jurant tandis qu'il l'amenait vers la maison.
- Monsieur le comte, mais qu'est-ce que...
Attirée par les hurlements, Mrs McFee surgissait des
cuisines. Elle contempla Connor et son fardeau avec
stupeur.
-Qu'est-ce que vous faites à O'Malley? s'écria Willie, sur
les talons de Mrs McFee.
Transportée dans les airs, Caitlyn n'eut que le temps de les apercevoir, eux et un Mickeen surpris, mais satisfait.
-Lâchez-moi! Ça ne se passera pas comme ça! hurlait Caitlyn comme une possédée.
Insensible à ses imprécations, Connor l'emmena à l'étage,
dans une petite pièce sobrement meublée qui devait être
un bureau. Il se baissa et la déposa sur une chaise tout en continuant à retenir ses poignets prisonniers. Puis, évitant habilement ses coups de pied, il se pencha vers elle,jusqu'à ce que leurs yeux soient à la même hauteur. Leur éclat a aigue-marine calma pendant un instant ses cris et ses gestes et elle soutint son regard. Si elle avait eu les mains libres, elle aurait de nouveau conjuré le diable. Puis elle se ressaisit. Diable ou non, cet individu était un homme, et il lui ferait tout le mal que les hommes réservaient aux femmes. Sa seule issue était de se battre.
- Si vous levez la main sur moi, je vous tue, je le jure,
déclara-t-elle entre ses dents.
Devant la virulence de sa menace, il fronça les sourcils,
puis un imperceptible sourire traversa ses lèvres. Tout en
étant vaguement consciente de ce que sa menace avait
d'absurde - elle lui arrivait à peine à la poitrine -, Caitlyn ne trouva nullement la situation amusante. Elle était petite, oui, mais s'il ne la laissait pas tranquille, elle saurait le lui faire payer.
- Personne ne te veut le moindre mal, dit-il d'un ton
apaisant. Tout ce que je te demande, ce sont des
réponses franches. D'abord, et avant tout, es-tu un garçon
ou une fille ?
- Un garçon !
Il la contempla d'un air songeur. Son visage était très
proche du sien, et elle vit que, sans la poudre de riz, sa
peau était hâlée. Ses cheveux, ses sourcils et ses épais
cils noirs comme jais faisaient ressortir le bleu de ses yeux. Son nez était long et droit, ses pommettes saillantes et sa mâchoire solide. Une barbe d'un jour noircissait ses joues. Sa bouche était large et bien modelée, et semblait maintenant animée d'un éclat
moqueur. En l'observant, elle eut envie de lui cracher au
visage et s'en retint à grand-peine, par crainte des
représailles.
- Je veux la vérité.
- Un garçon !
Connor soupira.
- Je n'aurai aucun mal à m'en assurer, tu sais, si tu m'y
obliges. Alors je vais te poser une dernière fois la question, et si tu me mens, tu n'auras à t'en prendre qu'à toi. Es-tu un garçon ou une fille ?
Caitlyn darda sur lui un regard furieux. Que faire ?
Mentir? Mais il n'hésiterait pas à le vérifier, et elle était certaine qu'il y prendrait même un malin plaisir. Et qui sait alors s il n'en profiterait pas pour abuser d'elle ?
- Une fille, cracha-t-elle.
Ses yeux, emplis de colère et de défi, croisèrent les siens. S'il croyait qu'elle allait ramper devant lui, il se trompait.
- Ah ! dit-il. Si je te lâchais, est-ce que tu m'arra-cherais les yeux et le reste, ou est-ce que tu resterais tranquillement assise, sachant que tu ne cours aucun danger, pendant que nous échangerons quelques mots? (Elle ne répondit pas.) Tu ne bougeras pas?
- Tu ne bougeras pas?
répéta-t-il en resserrant très légèrement sa poigne de fer. Caitlyn se souvint de la force que pouvaient exercer ces doigts, et elle fit un signe de tête rageur.
- Non.
- Très bien.
Il se redressa et la lâcha. Puis, les mains sur les hanches, il la contempla comme un objet extrêmement problématique.
Caitlyn leva le menton. Elle tremblait intérieurement, mais s'il y avait une chose qu'elle avait apprise dans les rues de Dublin, c'était de ne jamais trahir sa peur.
-Alors, comme ça, tu es une fille, murmura-t-il.
Qu'allons-nous bien pouvoir faire de toi ?
La douceur de sa voix lui apprit qu'il réfléchissait tout haut. La réponse ne tarderait pas, songea-t-elle, si ce
n'était déjà fait. Que pouvait faire un homme d'unev femme
sans défense à sa merci, sinon la violer? A cette pensée,
la sueur perla au-dessus de ses lèvres. Il fallait qu'elle
s'enfuie. À tout prix ! Dans son désespoir, elle échafauda
un plan.
- Je meurs de faim, dit-elle humblement en baissant les
yeux. Est-ce que je pourrais avoir quelque chose à manger
avant qu'on continue à parler ?
Elle sentit son regard sur sa tête courbée. Elle leva un oeil
et vit que son front était à nouveau barré d'une ride
soucieuse. Craignant qu'une soudaine hu-milité lui mette la puce à l'oreille, elle prit une rapide inspiration et redressa la tête d'un air insolent.
- A moins que vous n'ayez décidé de me laisser mourir de
faim ?
L'agressivité de son ton était parfaitement naturelle,
décida-t-elle. On n'y décelait pas la moindre trace de
panique. Connor esquissa un sourire.
- Non, répondit-il, personne n'a décidé de te laisser mourir
de faim, fille ou garçon. Je suis sûr qu'on va te dégoter
quelque chose. Mais tu resteras ici pendant que je
descends. Et je vais fermer la porte à clef en partant. Nous avons encore des choses à nous dire.