Aphrodite, patronne de la plus luxueuse maison close de
Londres, fait appel à Sebastian Thorne, détective privé, pour
enquêter sur les Slater, qui, vingt-trois ans plus tôt, ont enlevé
ses trois filles...
Le
résumé :
Londres,
1849.
Aphrodite, patronne de la plus luxueuse maison close de Londres, fait appel à Sebastian Thorne, détective privé, pour enquêter sur les Slater, qui, vingt-trois ans plus tôt, ont enlevé ses trois filles. C'est dans le Yorkshire, là où les fillettes furent finalement retrouvées, que vit encore Francesca, la plus jeune, loin des plaisirs de Londres et de sa scandaleuse mère. Sebastian devra découvrir ce que sont devenus les Slater, et surtout comprendre qui avait commandité le rapt. Car, Aphrodite en est persuadée, quelqu'un a manigancé tout cela et peut de nouveau frapper. Mais pour protéger l'ingénue Francesca, Sebastian devra d'abord lutter contre la passion qu'elle éveille en lui...
Aphrodite, patronne de la plus luxueuse maison close de Londres, fait appel à Sebastian Thorne, détective privé, pour enquêter sur les Slater, qui, vingt-trois ans plus tôt, ont enlevé ses trois filles. C'est dans le Yorkshire, là où les fillettes furent finalement retrouvées, que vit encore Francesca, la plus jeune, loin des plaisirs de Londres et de sa scandaleuse mère. Sebastian devra découvrir ce que sont devenus les Slater, et surtout comprendre qui avait commandité le rapt. Car, Aphrodite en est persuadée, quelqu'un a manigancé tout cela et peut de nouveau frapper. Mais pour protéger l'ingénue Francesca, Sebastian devra d'abord lutter contre la passion qu'elle éveille en lui...
L'extrait :
Prologue
Londres,
club d'Aphrodite, 1849
—Il
vous faudra remonter de nombreuses années en arrière.
Assise
dans son fauteuil de style égyptien, Aphrodite se pencha en avant
dans un bruissement de soie noire. Ses longs doigts chargés de
bagues agrippèrent les accoudoirs sculptés en forme de têtes de
sphinx. Son beau visage était tendu, son regard sombre rivé sur
Sébastian Thorne.
—J'ai
besoin de votre aide, dit-elle d'une voix rauque.
—Bien
sûr, murmura Sébastian.
Il
avait vu bon nombre de clients à bout de nerfs au cours de ces huit
dernières années. Mais cette femme était différente.
—Je
ferai tout ce que je pourrai, madame.
Aphrodite
dut se rendre compte qu'elle avait laissé transparaître son
anxiété, car elle se renversa dans son fauteuil en relâchant la
pression de ses doigts sur les accoudoirs.
—Donc,
vous acceptez de m'aider?
—Naturellement,
si je le peux.
—Vous
êtes le meilleur... du moins, c'est ce qu'on prétend, ajouta-t-elle
avec un petit sourire.
Sébastian
inclina la tête avec modestie.
—Vous
me flattez.
—Je
vous en prie, mon
ami!
répliqua-t-elle. On dit aussi
que vous êtes un adversaire dangereux et impitoyable, que certains
vous craignent tant qu'ils regardent sans cesse par-dessus leur
épaule de peur de vous découvrir dans l'ombre, derrière eux. Mais
je ne fais pas partie de vos ennemis. Je veux des résultats, et je
me moque de savoir comment vous les obtiendrez. Si vous devez vous
montrer cruel, je m'en moque.
Sébastian
haussa les sourcils.
—Dans
ce cas, exposez-moi votre requête, madame, et
je vous dirai honnêtement si je peux ou non atteindre le but que
vous me fixez.
—Très
bien, répondit-elle en lissant les plis de sa jupe noire.
Commençons...
Des
rires et des voix de femmes fusaient des pièces voisines. Le club
d'Aphrodite offrait toutes sortes de divertissements à ses clients,
mais Sébastian savait que ce n'était rien d'autre qu'une luxueuse
maison close. Cela ne le dérangeait nullement. Depuis huit ans qu'il
arpentait les quartiers sombres de Londres, il avait assisté à tant
de scènes de cauchemar que plus rien ne pouvait le choquer. Par
ailleurs, le club de la mystérieuse Mme Aphrodite avait une
excellente réputation. Diverses rumeurs et histoires étranges
-circulaient au sujet de sa propriétaire, mais nul ne connaissait la
vérité sur sa vie.
—Vous
m'avez fait appeler pour solliciter mon aide, madame. Je suis à
votre disposition.
Elle
parut amusée, comme si elle avait su que ses bonnes manières
n'étaient qu'un vernis sous lequel se dissimulait quelque chose de
très dangereux. Mais son visage recouvra rapidement sa gravité, et
son regard se fit mélancolique.
—Il
y a vingt-trois ans, mes trois filles ont été kidnappées par une
certaine Mme Slater. Celle-ci s'est introduite de nuit dans ma maison
de campagne, s'est emparée de mes pauvres enfants et les a emmenées
dans sa voiture. J'étais ici, à Londres. Les domestiques étaient
endormis et n'ont rien entendu. Je ne leur en veux pas - comment
auraient-ils pu deviner ce qui allait se passer ? Personne n'avait le
moindre soupçon. Il est probable que cette femme disposait d'un
informateur. Quelqu'un qui savait quelle porte restait ouverte
pendant la nuit, et où se situait la nursery.
L'espace
d'une minute, elle sembla ruminer la perfidie d'une telle
machination, puis, avec un soupir, elle reprit son histoire.
—Sans
que j'en sache rien, Mme Slater a emmené mes filles vers le nord,
dans le Yorkshire. Elle avait loué un cottage sur le domaine de
Greentree Manor. Elles ont vécu là un moment, sans qu'il leur soit
fait de mal, bien qu'elles fussent la plupart du temps livrées à
elles-mêmes.
Aphrodite
battit des paupières, refoulant ses larmes.
—Pouvez-vous
imaginer cela, mon
ami? Trois
petites filles - dont Francesca, qui n'était encore qu'un bébé -
obligées de se nourrir, de s'habiller, de s'élever seules. Vivianna
avait à peine six ans...
Elle
esquissa un sourire et reprit :
—Je
préfère ne pas penser à ce que seraient devenues les deux petites
sans ma chère Vivianna, si sage et si raisonnable. Puis le mari de
Mme Slater est venu s'installer au cottage. La plupart du temps, il
avait un verre dans le nez et s'en prenait à mes filles. Elles
avaient terriblement peur de lui. On n'avait encore jamais crié
après elles de telle façon. Elles étaient de plus en plus souvent
enfermées toutes les trois dans une pièce, où elles souffraient de
la faim et du froid.
Et
un jour, les Slater sont partis brusquement, abandonnant le
cottage... et les enfants.
—Ils
les ont laissées complètement seules ? s'exclama Sébastian,
stupéfait.
Finalement,
il découvrait qu'il n'était pas aussi blasé qu'il l'avait cru.
—Oui,
toutes seules. Jusqu'à l'arrivée d'Amy Greentree, qui les a
secourues.
—Et
vous voulez que je retrouve Mme Slater et son époux ?
—Ce
ne sera qu'une partie de votre mission. Alors qu'elle occupait le
cottage, Mme Slater se rendait régulièrement à l'auberge du
village. Elle se vantait souvent d'avoir été très maligne et
disait attendre une importante récompense en échange de ce qu'elle
cachait. Les enfants, bien entendu. Quelqu'un la payait pour ce
qu'elle faisait. C'est pour cela que je désire que vous la
retrouviez, monsieur Thorne. Mme Slater détient la clé du mystère.
—Rien
ne nous dit que Mme Slater soit encore vivante, déclara Sébastian
avec prudence. Ces événements se sont déroulés il y a des années.
L'alcool l'a sans doute tuée.
—Fi
! Ces
viles créatures ne meurent pas si facilement. Elles s'accrochent
d'autant plus à leur misérable vie qu'elles craignent la redoutable
punition qui les attend dans l'autre monde.
Sur
ce point, Sébastian ne l'aurait pas contredite.
—Partez
dans le Yorkshire, ordonna Aphrodite. Rendez-vous à Greentree Manor
et visitez le village. Après leur fuite, Mme Slater et son mari
seront forcément réfugiés quelque part. Les gens ont dû remarquer
quelque chose ; ils se rappelleront peut-être ce qui s'est dit à
l'époque où les enfants ont été découvertes. Commencez par là,
monsieur Thorne, et suivez la piste des Slater. Je vous dédommagerai.
Combien voulez-vous pour commencer vos recherches ?
Il
pencha la tête pour dissimuler un sourire. Aphrodite s'en rendit
compte et haussa ses beaux sourcils noirs.
—Je
vous amuse, mon
ami ?
dit-elle d'un ton sec.
—Non,
madame, mais je ne suis pas habitué à une telle franchise.
D'ordinaire, mes clients préfèrent faire semblant de croire que
j'agis uniquement par bonté d'âme. Ils n'abordent pas la question
de l'argent. Ils considèrent que c'est inconvenant et indigne d'eux.
En outre, ajouta-t-il avec un haussement d'épaules désinvolte, ils
me méprisent à cause du métier que j'exerce.
Aphrodite
eut un petit geste d'agacement.
—Fi
donc ! Je
n'ai pas le temps de m'embarrasser de tels détails. Je me moque de
savoir qui vous êtes. Tout ce qui m'intéresse, c'est que vous
accomplissiez ce travail pour moi. Et je vous paierai largement pour
cela.
— Je
ferai mon possible...
—Allons
donc ! Vous êtes le meilleur. Vous avez mis la main sur lady Harmer,
qui s'était enfuie après avoir tué son amant. Et n'avez-vous point
retrouvé sir Marcus Grimsby, parti avec la femme de chambre et la
fortune de sa famille ? Votre réputation n'est plus à faire,
monsieur Thorne.
Aphrodite
avait raison : il était le meilleur dans sa partie. Un limier, un
vrai. Et lorsqu'il avait flairé sa proie, il suivait la piste
jusqu'au bout.
—Si
jamais j'estime nécessaire de parler avec vos filles, madame...
—Vivianna
se trouve actuellement dans le Derbyshire, et Marietta vit en
Cornouailles. Francesca est restée dans le Yorkshire, à Greentree
Manor.
Aphrodite
soupira, comme si Francesca était pour elle une source d'inquiétude.
—Mettrez-vous
vos filles dans la confidence, en ce qui concerne ma mission ?
Elle
se pencha une fois de plus en avant, l'air extrêmement grave.
—Vous
ne devrez leur révéler sous aucun pré texte le but de votre
enquête, monsieur. Je ne veux pas qu'elles soient au courant. Sinon,
elles me harcèleront pour en savoir davantage. Cette affaire est
trop dangereuse pour que je prenne le risque de les en informer.
Vous-même, monsieur Thorne, devrez observer la plus extrême
prudence. Les personnes que vous poursuivez chercheront à vous
éliminer si elles se rendent compte qu'elles sont près d'être
démasquées.
—Cela
ne me fait pas peur, madame. Mais je ne suis pas stupide. Je serai
prudent.
—Bien.
—Puis-je
vous demander ce que vous espérez obtenir ? Et pour quelle raison
vous avez attendu si longtemps ?
Le
regard sombre d'Aphrodite se fit fiévreux.
—Un
nom. J'ai besoin d'entendre prononcer un nom. Je croyais avoir
surmonté mon angoisse, mais je ne puis plus vivre ainsi. J'ai peur
qu'il frappe de nouveau. Cela me rend malade, ajouta-t-elle en
pressant une main contre sa poitrine. Je veux être sûre que mes
filles n'ont plus rien à craindre. J'aimerais pouvoir profiter de
leur compagnie sans être rongée par la peur.
Je
comprends, madame. Mais pourquoi ne pas vous adresser à la justice ?
Ne voudriez-vous pas que cette personne réponde de ses actes devant
un tribunal ? Préférez-vous vraiment vous venger à votre manière
?
Elle
battit des paupières, mais il sut qu'elle comprenait parfaitement ce
qu'il voulait dire.
—Vous
avez déjà fait cela, n'est-ce pas ? chuchota-t-elle. Vous avez puni
des gens pour les crimes qu'ils avaient commis ?
—Vous
avez prétendu savoir quel genre d'homme j'étais, lui rappela-t-il
tranquillement. Madame, il est clair que vous soupçonnez quelqu'un
d'avoir dicté sa conduite à Mme Slater. Pouvez-vous me dire le nom
de cette personne ?
Aphrodite
secoua vigoureusement la tête.
—Non,
non! Pas
encore. Je veux que vous le découvriez vous-même. Je veux vous
entendre prononcer son nom. Je veux savoir que je ne suis pas laseule
à penser que les choses se sont passées ainsi.
Elle
était terrifiée, et de toute évidence, cette peur . la poursuivait
depuis fort longtemps.
—Très
bien, madame, j'agirai selon votre souhait.Je sais être très
discret. Quant à la justice, nous en discuterons quand le moment
sera venu.
Aphrodite
approuva d'un geste nerveux de la tête, et quelques boucles brunes
s'échappèrent de son chignon.
—Merci, mon
ami. Je
me sens mieux, à présent. J'ai peur - oh, oui, j'ai peur ! Mais
c'est bien ainsi que nous devons agir.
Sébastian
se leva, lui prit la main et s'inclina sur ses doigts fins ornés de
bagues.
—Je
vous ferai signe dès que j'aurai des nouvelles, madame.
Elle
sourit malgré son désarroi et murmura :
—Merci,
monsieur Thorne.
Sébastian
s'éloigna d'un pas vif et léger. Quand il ouvrit la porte, la femme
qui se trouvait derrière recula en étouffant un cri de surprise.
Elle avait les cheveux bruns, un joli visage, et une bouche faite
pour le sourire.
—Oh,
je vous demande pardon ! s'exclama-t-elle d'une voix teintée
d'accent irlandais. J'apportais un message à madame, mais je n'osais
pas interrompre votre conversation.
Elle
l'observa d'un air à la fois circonspect et provocant. Sébastian
avait souvent cet effet sur les femmes. Elles aimaient ce qu'elles
voyaient, mais elles devinaient qu'il n'était pas facile à
amadouer.
—Maeve
? dit Aphrodite. Il y a un problème ?
—C'est
le Champagne, madame. Je pense qu'il n'est pas bon. Les clients se
sont plaints.
Aphrodite
eut un claquement de langue agacé. Sébastian s'inclina et laissa
les deux femmes régler cette affaire domestique. Mais le visage
de l'Irlandaise resta gravé dans son esprit. Maeve avait
peut-être dit la vérité - à savoir qu'elle attendait simplement
qu'ils aient fini de parler. Mais Sébastian avait appris à être
méfiant, et il la soupçonnait d'écouter aux portes. Ce n'était
pas forcément grave. Elle pouvait être curieuse sans que cela cache
quoi que ce soit. Mais il se promit de l'avoir à l'œil lors de sa
prochaine visite au club d'Aphrodite.
En
attendant, il avait une tâche à accomplir.
Il
sentit son enthousiasme s'éveiller à la perspective de se mettre en
chasse. En outre, il trouvait amusant que les membres de la haute
société, qui le traitaient avec mépris et refusaient de lui
adresser la parole en temps normal, s'obligent à être polis quand
ils avaient besoin des services de M. Thorne.
Pour
lui, cela s'appelait «danser avec le diable». Et bon nombre de
personnes fortunées et de haute naissance avaient été, bon gré
mal gré, ses cavalières. M. Thorne se montrait fort utile dans les
situations difficiles, et parmi les gens qui l'employaient, personne
ne se rappelait qu'il avait eu une autre vie, qu'il avait été un
autre homme, huit ans auparavant. Peu leur importait. Tout ce qu'ils
voulaient, c'était qu'il accomplît leurs sales besognes, avant de
disparaître de nouveau dans les ruelles sordides d'où il était
sorti.
Et
cela lui convenait parfaitement, car il n'avait plus la possibilité
de redevenir l'homme qu'il avait été autrefois. Cet homme-là avait
disparu à jamais.
Et
Sébastian n'avait nullement l'intention de le ressusciter.