Filles, sœurs et sorcières.
Trois raisons de mourir.
Cate,
Maura et Tess vivent
dans une Angleterre imaginaire du début du XXe siècle.
À 17 ans, les femmes doivent
normalement choisir entre se marier et
rejoindre les ordres. Mais en plus d’être femmes, elles
sont sorcières. Si quelqu’un le découvre, les
Frères les enverront à l’asile ou les feront disparaître, comme
toutes les autres. Depuis la mort de leur mère, Cate
vit dans la peur, avec la mission de protéger ses sœurs.
Mais ses 17 ans approchent et tout s’accélère : son ami d’enfance
la demande en mariage, alors qu'un autre jeune homme fait chavirer
son cœur. Et bientôt, Cate doit se rendre à l’évidence : malgré
tous ses efforts, le
danger se referme sur elle et ses sœurs comme un étau…
Un
livre qui dormait dans ma PAL depuis longtemps.
On a ici une romance paranormale Young Adult. Cate
est une jeune femme de bientôt 17 ans qui doit choisir à son
prochain anniversaire quelle vie (étriquée) elle aura.
Les
points forts.
Le
cadre.
On est plongé dans un environnement assez original : une ville
reculée imaginaire du début du siècle dernier. Je trouve que c'est
l'intérêt majeur de ce livre car en découle une série de codes
assez novateurs.
L'ambiance.
J'ai eu une impression d'une chasse aux sorcières matinée
d'inquisition moyen-âgeuse, saupoudrée de misogynie/féminisme. Le
tout donne quelque chose d'accrocheurs.
L'histoire.
Cate doit cacher sa nature de sorcière et pour se
faire doit se fondre dans le rang, quitte à étouffer ses propres désirs. Pour ma part, je bouillais face à l'injustice dont était victime ses femmes.
Le
style. On
a quelque chose de très pudique ce qui va un peu à contre courant
de la romance de ses dernière années même dans la romance young
adult. Les références à l'Angleterre du 19ème siècle se
ressente même dans le style très « romantique »de
l'auteure.
Les points faibles
Moi
qui aime la passion (d'où la création de ce blog), elle est ici
bien sage. Pas de débordement. Pas d'effusion... J'aurai bien aimé
au moins une scène qui aurait brisé la pudeur des personnages.
J'ai
beaucoup apprécié de lire un livre qui se détache du genre pour
créer ses propres codes. Sans avoir adoré, j'ai pris un vrai
plaisir à découvrir cette auteure et son univers.
Une
belle rencontre !
— Parce
que nous sommes semblables, vous et moi. Il nous
faut de l’aventure, pas des soirées au coin du feu. Je crois que
je pourrais vous rendre heureuse, si vous me le permettiez. » Sa
voix devient grave, il me prend les deux mains. « Cate,
promettez-moi que vous n’allez pas fuir et en épouser un autre.
Pouvez-vous me le promettre ? Ne serait-ce qu’au nom de notre
vieille amitié ? »
Je
serre ses mains, reconnaissante qu’au moins il comprenne.
«
Oui, bien entendu, je vous le promets.
— Parfait.
»
Il
me prend dans ses bras, mais ne tente rien de plus. Je niche ma tête
sous son menton. Il sent les aiguilles de pin, le cuir, les chevaux.
Une odeur rassurante. Je m’abandonne à son étreinte.
Un
cliquetis de métal tinte derrière nous. Vivement, nous nous
séparons.
Finn.
Armé d’une bêche. Nos yeux se croisent, mais déjà il s’éloigne,
aussi vite que le lui permet sa cheville foulée.
Mon
cœur s’arrête, puis repart au galop.
Mais
je n’en fais rien. Je ne vaudrais pas mieux que cette Penelope.
Paul vient de me faire sa demande, je ne vais pas me mettre à courir
après un autre. Qui du reste ne veut peut-être pas de moi.
Paul
veut de moi, lui, il a été très clair. Il m’aime, et c’est mon
meilleur ami. Mieux vaut faire une croix sur mes envies.
Nous
regardons Finn s’éloigner, puis disparaître derrière la haie. Je
me tourne vers Paul, je lui souris malgré mon cœur en charpie.
«
Voulez-vous me raccompagner à la maison, je vous prie ? »
L'extrait :
Je
me précipite dans la gloriette,
touchant au passage le bois frais. Le chantier sent la sciure,
la terre humide, l’humus. Un point de côté me prend, violent coup
de couteau. J’ai couru trop vite, je suis essoufflée. Le vent
arrache ma capuche et m’emmêle les cheveux.
«
Finn », dis-je, calant mes mèches derrière mes oreilles.
Il
se retourne. Si seulement je pouvais, comme Tess, lire sur les traits
d’autrui ! Les siens ne me laissent rien voir.
«
Finn, je voulais vous dire… » Horreur, je bafouille. « Vous
expliquer… Ce que vous venez de voir… »
Il
saisit un balai et entreprend de rassembler la sciure sur le
plancher.
«
Vous ne me devez pas d’explications, Miss Cahill. »
Le
ton est d’acier. Mon cœur se glace.
À
quoi je m’attendais, je n’en sais rien, mais pas à cette
indifférence. Il vient de me voir dans les bras d’un autre – et
pas de n’importe quel autre, de quelqu’un qui ne lui plaît
guère, j’en mettrais ma main au feu. J’en ai embrassé un autre
; certes, il n’a pas vu ce baiser, mais si je le surprenais avec
une autre fille… À cette pensée, mon cœur chavire, les joues me
brûlent. Je ne vais pas lui laisser croire que n’importe quel
homme peut me prendre dans ses bras.
Et
brusquement me vient cette certitude, qui me fait aussi mal qu’un
coup de poing : je n’aurais pas dû me laisser embrasser par Paul.
Entre Finn et moi, dans cette cachette, quelque chose est passé,
quelque chose d’un peu sacré. Je tremble au souvenir de ses lèvres
sur les miennes ; de ses mains sur mes hanches, plus légères que
des plumes. Et ce n’était pas rien – qu’il s’en souvienne ou
non.
«
Je souhaitais mettre les choses au clair », dis-je enfin, me
reprenant, et je sens que je m’empourpre.
Il
ne me regarde pas et son balai s’affaire, griffant le plancher de
bois.
Je
n’avais pas songé à son emploi de jardinier. Craint-il que
j’estime inconvenant qu’il continue de travailler ici après ce
qui s’est passé entre nous ? Que Père le congédie s’il est mis
au courant ?
Serait-ce
la preuve qu’il se souvient ?
«
Mais vous avez besoin de cet emploi », dis-je étourdiment.
Il
jette le balai à terre.
«
Je n’ai pas besoin de votre charité, Miss Cahill. Si ma présence
sur vos terres indispose votre fiancé… » Il prend une longue
inspiration. « Cependant, c’est vrai, je vous dois des excuses. »
Moins
de trois pas nous séparent ; presque un océan.
«
J’ai pour vous un immense respect, poursuit Finn. Une sincère
admiration. Je n’ai jamais eu l’intention d’insinuer autre
chose. Vous étiez en désarroi, et je n’avais certes pas
l’intention de chercher à en profiter. Ce qui s’est passé…
C’est une erreur de jugement de ma part. Un instant d’égarement.
Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je peux vous assurer que cela
ne se reproduira pas. »
Je
le regarde stupidement, mais peu à peu je comprends. Il se souvient
de m’avoir embrassée. Et il le regrette.
«
Ne se reproduira pas ? » J’en suis broyée.
«
Non », répète-t-il – et sa grande main fourrage dans ses
cheveux, y laissant des épis dressés. « J’ai eu un comportement
inexcusable. J’en prends sur moi tout le blâme, croyez-le
bien. Ma considération pour vous n’a pas varié. Je me suis laissé
emporter. J’ai perdu le sens commun. Sachant que vous êtes pour
ainsi dire fiancée à un autre, ma conduite a été inqualifiable. »
J’avance
d’un pas, le menton haut.
«
Vous vous êtes laissé emporter ? » Je singe son
phrasé empesé. « Vous avezperdu le sens commun ? Vous
m’avez embrassée ! »
Il
caresse son menton mal rasé.
«
Je sais. Je suis désolé. Je n’y mettais aucun manque de respect.
J’espère que vous ne considérez pas votre réputation compromise
un tant soit peu.
— Ma
réputation ? » Je bondis, le repousse à deux mains contre la
rambarde. « Je ne suis pas une fleur fragile, Mr Belastra. Ni une
somnambule. Je vous ai embrassé en retour, il me semble. Si blâme
il y a, j’en prends la moitié ! »
Il
me saisit les poignets.
«
Cate. » Ah ! au moins, plus de « Miss Cahill ». « Pardon si je
vous ai offensée… mais je ne sais plus trop quelle partie de ma
conduite vous me reprochez.
— Ce
que je vous reproche ? De vous excuser de m’avoir embrassée ! De
parler d’erreur ! J’aurais pourtant juré que vous y preniez
plaisir ! »
Il
me scrute, un peu perdu. Son emprise se relâche.
«
Vous voudriez que je vous dise que… j’y ai pris plaisir ?
— En
tout cas, ce serait mieux que de parler de regrets ! Quel effet
croyez-vous que ça fasse d’entendre ce genre de choses ?
— Je
n’en ai aucune idée. »
«
C’est dévalorisant, voilà l’effet. C’est insultant. Je vous
cherche comme une folle à travers tout le jardin pour vous dire que
ce que vous venez de voir entre Paul et moi n’est pas ce que vous
pensez… que je ne lui ai pas dit oui ni rien, et vous, vous faites
comme si m’avoir embrassée était une abomin… »
Il
m’interrompt.
«
McLeod vous a présenté sa demande, et vous lui avez dit non ? »
Mon
cœur fait des bonds presque douloureux sous mes côtes.
«
Je lui ai dit qu’il me fallait du temps. Pour réfléchir. »
Il
me lâche et recule, jurant à mi-voix de façon très créative. Et
moi, plantée là, je me tords les mains et me mordille la lèvre.
«
Cate, je suis désolé. » La voix est basse, veloutée. « Vous
embrasser… oui, c’était bon. »
Je
me fige. « Vrai ? »