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lundi 20 octobre 2014

Soeurs Sorcières, Livre I - Jessica Spotswood




Filles, sœurs et sorcières.
Trois raisons de mourir.


 



Cate, Maura et Tess vivent dans une Angleterre imaginaire du début du XXe siècle. À 17 ans, les femmes doivent
normalement choisir entre se marier et rejoindre les ordres. Mais en plus d’être femmes, elles sont sorcières. Si quelqu’un le découvre, les Frères les enverront à l’asile ou les feront disparaître, comme toutes les autres. Depuis la mort de leur mère, Cate vit dans la peur, avec la mission de protéger ses sœurs. Mais ses 17 ans approchent et tout s’accélère : son ami d’enfance la demande en mariage, alors qu'un autre jeune homme fait chavirer son cœur. Et bientôt, Cate doit se rendre à l’évidence : malgré tous ses efforts, le danger se referme sur elle et ses sœurs comme un étau…



Un livre qui dormait dans ma PAL depuis longtemps. On a ici une romance paranormale Young Adult. Cate est une jeune femme de bientôt 17 ans qui doit choisir à son prochain anniversaire quelle vie (étriquée) elle aura.

Les points forts.

Le cadre. On est plongé dans un environnement assez original : une ville reculée imaginaire du début du siècle dernier. Je trouve que c'est l'intérêt majeur de ce livre car en découle une série de codes assez novateurs.

L'ambiance. J'ai eu une impression d'une chasse aux sorcières matinée d'inquisition moyen-âgeuse, saupoudrée de misogynie/féminisme. Le tout donne quelque chose d'accrocheurs.

L'histoire. Cate doit cacher sa nature de sorcière et pour se

faire doit se fondre dans le rang, quitte à étouffer ses propres désirs. Pour ma part, je bouillais face à l'injustice dont était victime ses femmes.

Le style. On a quelque chose de très pudique ce qui va un peu à contre courant de la romance de ses dernière années même dans la romance young adult. Les références à l'Angleterre du 19ème siècle se ressente même dans le style très « romantique »de l'auteure.

 

Les points faibles

Moi qui aime la passion (d'où la création de ce blog), elle est ici bien sage. Pas de débordement. Pas d'effusion... J'aurai bien aimé au moins une scène qui aurait brisé la pudeur des personnages.





J'ai beaucoup apprécié de lire un livre qui se détache du genre pour créer ses propres codes. Sans avoir adoré, j'ai pris un vrai plaisir à découvrir cette auteure et son univers.

Une belle rencontre !
 






Parce que nous sommes semblables, vous et moi. Il nous faut de l’aventure, pas des soirées au coin du feu. Je crois que je pourrais vous rendre heureuse, si vous me le permettiez. » Sa voix devient grave, il me prend les deux mains. « Cate, promettez-moi que vous n’allez pas fuir et en épouser un autre. Pouvez-vous me le promettre ? Ne serait-ce qu’au nom de notre vieille amitié ? »
Je serre ses mains, reconnaissante qu’au moins il comprenne.
« Oui, bien entendu, je vous le promets.
Parfait. »
Il me prend dans ses bras, mais ne tente rien de plus. Je niche ma tête sous son menton. Il sent les aiguilles de pin, le cuir, les chevaux. Une odeur rassurante. Je m’abandonne à son étreinte.
Un cliquetis de métal tinte derrière nous. Vivement, nous nous séparons.
Finn. Armé d’une bêche. Nos yeux se croisent, mais déjà il s’éloigne, aussi vite que le lui permet sa cheville foulée.
Mon cœur s’arrête, puis repart au galop.
Courir, rattraper Finn. C’est ma première impulsion. J’aurai l’air d’une folle et tant pis !
Mais je n’en fais rien. Je ne vaudrais pas mieux que cette Penelope. Paul vient de me faire sa demande, je ne vais pas me mettre à courir après un autre. Qui du reste ne veut peut-être pas de moi.
Paul veut de moi, lui, il a été très clair. Il m’aime, et c’est mon meilleur ami. Mieux vaut faire une croix sur mes envies.
Nous regardons Finn s’éloigner, puis disparaître derrière la haie. Je me tourne vers Paul, je lui souris malgré mon cœur en charpie.
« Voulez-vous me raccompagner à la maison, je vous prie ? »


L'extrait :
Je me précipite dans la gloriette, touchant au passage le bois frais. Le chantier sent la sciure, la terre humide, l’humus. Un point de côté me prend, violent coup de couteau. J’ai couru trop vite, je suis essoufflée. Le vent arrache ma capuche et m’emmêle les cheveux.
« Finn », dis-je, calant mes mèches derrière mes oreilles.
Il se retourne. Si seulement je pouvais, comme Tess, lire sur les traits d’autrui ! Les siens ne me laissent rien voir.
« Finn, je voulais vous dire… » Horreur, je bafouille. « Vous expliquer… Ce que vous venez de voir… »
Il saisit un balai et entreprend de rassembler la sciure sur le plancher.
« Vous ne me devez pas d’explications, Miss Cahill. »
Le ton est d’acier. Mon cœur se glace.
À quoi je m’attendais, je n’en sais rien, mais pas à cette indifférence. Il vient de me voir dans les bras d’un autre – et pas de n’importe quel autre, de quelqu’un qui ne lui plaît guère, j’en mettrais ma main au feu. J’en ai embrassé un autre ; certes, il n’a pas vu ce baiser, mais si je le surprenais avec une autre fille… À cette pensée, mon cœur chavire, les joues me brûlent. Je ne vais pas lui laisser croire que n’importe quel homme peut me prendre dans ses bras.
Et brusquement me vient cette certitude, qui me fait aussi mal qu’un coup de poing : je n’aurais pas dû me laisser embrasser par Paul. Entre Finn et moi, dans cette cachette, quelque chose est passé, quelque chose d’un peu sacré. Je tremble au souvenir de ses lèvres sur les miennes ; de ses mains sur mes hanches, plus légères que des plumes. Et ce n’était pas rien – qu’il s’en souvienne ou non.
« Je souhaitais mettre les choses au clair », dis-je enfin, me reprenant, et je sens que je m’empourpre.
« Si c’est ma démission que vous voulez, je vous la donne. Je ne vous en voudrai pas. »
Il ne me regarde pas et son balai s’affaire, griffant le plancher de bois.
Je n’avais pas songé à son emploi de jardinier. Craint-il que j’estime inconvenant qu’il continue de travailler ici après ce qui s’est passé entre nous ? Que Père le congédie s’il est mis au courant ?
Serait-ce la preuve qu’il se souvient ?
« Mais vous avez besoin de cet emploi », dis-je étourdiment.
Il jette le balai à terre.
« Je n’ai pas besoin de votre charité, Miss Cahill. Si ma présence sur vos terres indispose votre fiancé… » Il prend une longue inspiration. « Cependant, c’est vrai, je vous dois des excuses. »
Moins de trois pas nous séparent ; presque un océan.
« J’ai pour vous un immense respect, poursuit Finn. Une sincère admiration. Je n’ai jamais eu l’intention d’insinuer autre chose. Vous étiez en désarroi, et je n’avais certes pas l’intention de chercher à en profiter. Ce qui s’est passé… C’est une erreur de jugement de ma part. Un instant d’égarement. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je peux vous assurer que cela ne se reproduira pas. »
Je le regarde stupidement, mais peu à peu je comprends. Il se souvient de m’avoir embrassée. Et il le regrette.
« Ne se reproduira pas ? » J’en suis broyée.
« Non », répète-t-il – et sa grande main fourrage dans ses cheveux, y laissant des épis dressés. « J’ai eu un comportement inexcusable. J’en prends sur moi tout le blâme, croyez-le bien. Ma considération pour vous n’a pas varié. Je me suis laissé emporter. J’ai perdu le sens commun. Sachant que vous êtes pour ainsi dire fiancée à un autre, ma conduite a été inqualifiable. »
J’avance d’un pas, le menton haut.
« Vous vous êtes laissé emporter ? » Je singe son phrasé empesé. « Vous avezperdu le sens commun ? Vous m’avez embrassée ! »
Il caresse son menton mal rasé.
« Je sais. Je suis désolé. Je n’y mettais aucun manque de respect. J’espère que vous ne considérez pas votre réputation compromise un tant soit peu.
Ma réputation ? » Je bondis, le repousse à deux mains contre la rambarde. « Je ne suis pas une fleur fragile, Mr Belastra. Ni une somnambule. Je vous ai embrassé en retour, il me semble. Si blâme il y a, j’en prends la moitié ! »
Il me saisit les poignets.
« Cate. » Ah ! au moins, plus de « Miss Cahill ». « Pardon si je vous ai offensée… mais je ne sais plus trop quelle partie de ma conduite vous me reprochez.
Ce que je vous reproche ? De vous excuser de m’avoir embrassée ! De parler d’erreur ! J’aurais pourtant juré que vous y preniez plaisir ! »
Il me scrute, un peu perdu. Son emprise se relâche.
« Vous voudriez que je vous dise que… j’y ai pris plaisir ?
En tout cas, ce serait mieux que de parler de regrets ! Quel effet croyez-vous que ça fasse d’entendre ce genre de choses ?
Je n’en ai aucune idée. »
Ma colère retombe. Je tente de me dégager, mais il a une poigne solide.
« C’est dévalorisant, voilà l’effet. C’est insultant. Je vous cherche comme une folle à travers tout le jardin pour vous dire que ce que vous venez de voir entre Paul et moi n’est pas ce que vous pensez… que je ne lui ai pas dit oui ni rien, et vous, vous faites comme si m’avoir embrassée était une abomin… »
Il m’interrompt.
« McLeod vous a présenté sa demande, et vous lui avez dit non ? »
Mon cœur fait des bonds presque douloureux sous mes côtes.
« Je lui ai dit qu’il me fallait du temps. Pour réfléchir. »
Il me lâche et recule, jurant à mi-voix de façon très créative. Et moi, plantée là, je me tords les mains et me mordille la lèvre.
« Cate, je suis désolé. » La voix est basse, veloutée. « Vous embrasser… oui, c’était bon. »
Je me fige. « Vrai ? »