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samedi 1 février 2014

Loin de tout - J.A. Redmerski


http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/2013/12/loin-de-tout-ja-redmerski.html



LE CŒUR L’EMPORTE TOUJOURS SUR LA RAISON. CELUI-LÀ, BIEN QU’IRRESPONSABLE, SUICIDAIRE ET MASOCHISTE, COMMANDE.











Un aller simple pour nulle part…

Camryn n’a jamais voulu se contenter d’une petite vie tranquille. À vingt ans, alors qu’elle croit que son avenir est sur des rails, elle perd son petit ami dans un accident de voiture. Tout s’écroule. Cédant à un élan irrésistible, la jeune fille décide de tout plaquer pour aller voir ailleurs – et s’y perdre, avec un peu de chance.

C’est alors que son chemin croise celui d’Andrew, vingt-cinq ans, qui n’a pas été épargné par la vie lui non plus. Ces deux paumés font route ensemble et retrouvent ce qu’ils cherchaient sans le savoir : l’espoir. Camryn se sent vivre plus intensément depuis qu’elle a rencontré ce compagnon de route audacieux, drôle et incroyablement séduisant. Ce road trip improvisé marque le début d’une nouvelle existence exaltante. Mais l’insaisissable Andrew cache un secret qui pourrait faire de ce voyage le dernier.



La plupart des avis que j'ai pu lire sur ce livre ont tendance à l’encenser.
C'est d'ailleurs une des raisons qui m'a donné envie de le lire.
Cependant, je me connais, dès qu'on crie au livre culte, moi j'ai tendance à ne pas abonder dans le même sens. Et pour cause à tant mettre sur un pied d'Estale un livre on a tendance à ne pas être impressionner par la hauteur tant on l'espérait vertigineuse.
Ici mon avis est mitigé.
Pourquoi ?
Le livre est lent à partir. La rencontre entre les deux héros aurait pu se faire plutôt à mon sens. Mais bon dès que c'est chose faite, on voit que l'alchimie fonctionne entre eux et pour le coup on est vraiment captivé.
L'histoire m'a vraiment plu avec des vrais beaux moments et puis quand leur périple commence à prendre fin, je vois bien qu'il va y avoir un rebondissement. Et quel rebondissement ! Alors là je me suis demandée ce qu'il était passé par la tête de l'auteur pour infliger cet élément larmoyant dans un récit qui n'est pas déjà tout rose à la base.
Et je dirais que sans ce rebondissement j'aurais adoré le livre mais c'était l'élément de trop dans tous les sens du terme.
Donc mon avis est vraiment mitigé. Je le conseille car c'est vraiment une belle histoire même si je ne cautionne pas ce type de fin qui n'est pas du tout ma tasse de thé.
Comme d'habitude, j'ai sélectionné les passages qui m'ont le plus marqué.




JE SUIS INCAPABLE DE LUI REFUSER QUOI QUE CE SOIT QUAND ELLE ME REGARDE COMME ÇA. COMMENT LUI DIRE non ? Peu m’importe qu’elle me propose de dormir dans un champ plein de bouses ou sous un pont à côté d’un clochard ivre mort : je dormirais n’importe où avec elle.
C’est justement le problème.

C’en est devenu un à la seconde où elle est venue se coller à moi dans la voiture. C’est à cet instant qu’elle a changé, je crois que c’est là qu’elle a commencé à penser qu’elle attendait autre chose qu’un cunnilingus. J’aurais pu le lui accorder à Birmingham, mais je ne peux pas la laisser aller plus loin. Je ne peux pas la laisser me toucher, et je ne peux pas coucher avec elle.
J’ai vraiment envie d’elle, mais je ne supporte pas l’idée de lui briser le cœur ; son petit corps, c’est autre chose. Ça, je veux bien le malmener. Mais si elle me laisse la posséder, je sais que je finirai par lui briser le cœur. Et le mien avec.
C’est encore plus dur depuis qu’elle m’a parlé de son ex…
— S’il te plaît, répète-t-elle une fois encore.
Malgré mes bonnes résolutions, je lui caresse la joue du bout des doigts et réponds :
— D’accord.



Comment écouter la voix de la raison quand on désire quelque chose à ce point-là ? Avec Camryn, j’ai l’impression d’envoyer chier la raison plus souvent qu’à l’habitude.
Je roule encore une dizaine de minutes et finis par repérer un champ à peu près plat, une plaine s’étendant à l’infini. Je me gare sur le bas-côté. Nous sommes au beau milieu de nulle part. Nous descendons de voiture, verrouillons les portières, laissant toutes nos affaires à l’intérieur. Je cherche la couverture roulée en boule au fond du coffre. Elle sent la vieille bagnole et l’essence.
— Elle pue, préviens-je Camryn en reniflant l’étoffe.
Camryn la hume à son tour et fait un peu la grimace.
— Oh, je m’en fiche.
Moi aussi. Bientôt, l’odeur de Camryn l’aura imprégnée.
Sans réfléchir, je la prends par la main et nous traversons le fossé jusqu’à la clôture. Je cherche le moyen le plus simple de la franchir quand je sens les doigts de Camryn déserter les miens. Elle est déjà en train de l’escalader.
— Vite ! me lance-t-elle en atterrissant, accroupie, de l’autre côté.
Je ne peux me départir de mon sourire.
Je saute la barrière sans hésiter, puis nous nous mettons à courir, elle
gracieuse comme une gazelle, moi tel le lion chassant sa proie. Ses tongs claquent contre ses talons à chacun de ses pas, et de longues mèches blondes flottent dans son sillage. La couverture à la main, je la laisse prendre un peu d’avance ; ainsi, si elle tombe, j’aurai tout loisir de me moquer d’elle avant de l’aider à se remettre debout. La nuit est tellement avancée que seule la lune baigne le paysage. Cependant, elle est suffisamment lumineuse pour nous éviter de mettre le pied dans une ornière ou de trébucher sur une racine.
En outre, je ne vois pas de vache, ce qui pourrait signifier que le champ est vierge de bouse, un atout non négligeable.
Quand je me retourne, nous sommes si loin de la voiture que je n’entraperçois plus que le reflet argenté des jantes.
— Ici, c’est bien, décrète Camryn en s’immobilisant.
Les arbres les plus proches sont à trente ou quarante mètres.
Elle lève les bras au ciel et bascule le menton en arrière, laissant la brise la parcourir. Son sourire est immense, ses paupières closes ; je n’ose parler, de peur de rompre son instant de communion avec la nature.
Je déroule la couverture et l’étale au sol.
— Dis-moi la vérité, déclare-t-elle en m’attrapant le poignet pour me forcer à m’asseoir à côté d’elle. Tu n’as encore jamais passé une nuit à la belle étoile avec une fille ?
Je secoue la tête.
— Non.
Cela semble lui plaire. Je la regarde sourire tandis qu’un vent léger s’invite entre nous, rapportant quelques mèches sur son visage. Elle retire du bout du doigt les cheveux qu’elle a dans la bouche.
— Je ne suis pas trop le genre de mec à répandre des pétales de rose sur un lit…
— Vraiment ? s’étonne-t-elle, un peu surprise. Pourtant, je te vois plutôt comme un romantique.
Je hausse les épaules.
Est-ce qu’elle part à la pêche aux infos ? Je pense que oui.
— J’imagine que ça dépend de ta définition du romantisme, concédé-je. Si une fille s’attend à un dîner aux chandelles avec un crooner en fond sonore, elle s’est trompée d’adresse.
Cela la fait pouffer.
— Euh… c’est un poil trop romantique, dit-elle. Mais je parie que tu as déjà eu des attentions charmantes.
— Sans doute, admets-je, même si rien ne me revient.
Elle me contemple, la tête légèrement inclinée.
— Tu en fais partie.
— Partie de quoi ?
— De ces mecs qui n’aiment pas parler de leurs ex.
— Tu veux que je te parle de mes ex ?
— Bien sûr.
Elle s’allonge sur le dos, remontant ses genoux nus, puis tapote la couverture à côté d’elle.
Je me mets dans la même position.
— Parle-moi de ton premier amour, dit-elle.
Je sais d’emblée que nous ne devrions pas avoir cette conversation, mais puisque c’est ce qu’elle souhaite, je vais m’efforcer de répondre à ses questions.
Ce n’est que justice, après tout ce qu’elle m’a raconté sur elle.
— Eh bien, commencé-je en contemplant le firmament, elle s’appelait Danielle.
— Tu l’aimais ?
Elle tourne la tête vers moi.
Je garde les yeux rivés aux étoiles.
— Je pensais l’aimer, mais je me trompais.
— Vous êtes restés ensemble combien de temps ?
Je me demande en quoi ça l’intéresse. La plupart des filles font de telles crises de jalousie quand j’évoque mes ex que mon premier réflexe est de me protéger l’entrejambe…
— Deux ans, réponds-je. On a rompu d’un commun accord. On s’est tous les deux mis à s’intéresser à d’autres personnes, et on s’est rendu compte qu’on ne s’aimait peut-être pas tant que ça, finalement.
— Ou alors votre amour s’est tari.
— Non, je crois qu’on n’a jamais été amoureux.
Je la regarde enfin.
— Comme tu le sais ? insiste-t-elle.
J’y réfléchis un instant, scrutant ses prunelles à quelques centimètres des miennes. Je sens jusqu’au dentifrice à la cannelle dont elle s’est servie ce matin.
— Je ne crois pas qu’on puisse cesser d’aimer quelqu’un, expliqué-je enfin. (Cela l’intrigue.) Je pense que, quand on tombe amoureux, vraiment amoureux, c’est pour la vie. Le reste n’est qu’aventures et illusions.
— Je ne t’imaginais pas si philosophe, fait-elle remarquer en souriant. Je trouve ça très romantique.
Généralement, c’est elle qui rougit, mais elle m’a eu cette fois. Je voudrais ne plus la regarder, mais ne parviens pas à détacher mes yeux des siens.
— Alors de qui as-tu vraiment été amoureux, dans ce cas ? persiste-t-elle.
J’étends les jambes, chevilles croisées. Je joins les mains sur mon ventre. Je me retourne vers le ciel et remarque du coin de l’œil que Camryn en fait autant.
— Honnêtement ?
— Eh bien, oui. Je suis curieuse.
Je repère une constellation particulièrement lumineuse et réponds.
— Personne.
Elle pousse un léger soupir.
— Allez, Andrew. Tu m’as promis de dire la vérité.
— C’est vrai, dis-je en pivotant la tête. Les rares fois où j’ai cru être amoureux… Mais pourquoi on parle de ça ?
Camryn tourne la tête à son tour. Son sourire l’a désertée. Elle a l’air triste.
— Désolée, je t’ai encore pris pour mon psy.
Je fronce les sourcils.
— Comment ça ?
Elle se détourne. Sa tresse blonde glisse de son épaule et tombe sur la couverture.
— Parce que je commence à penser que, peut-être, je ne… Non, je ne peux pas dire ça…
Elle n’est plus la Camryn joyeuse et souriante avec qui j’ai pris la route.
Je me redresse sur les coudes, la considérant avec curiosité.
— Tu peux me dire tout ce que tu as sur le cœur. Peut-être que c’est précisément ce qu’il te faut.
Elle fuit mon regard.
— Mais je me sens coupable rien que d’y penser.
— La culpabilité est une chienne, mais tu ne crois pas que, si tu y as pensé, c’est que ça pourrait être vrai ?
Elle tourne enfin la tête.
— Dis-le. Et si après t’être confiée tu te sens mal, tu n’auras plus qu’à gérer ça. Alors que si tu gardes tout à l’intérieur, ça risque d’être infiniment pire.
Elle recommence à observer les cieux. Moi aussi, afin de lui laisser le temps de réfléchir.
— Peut-être que je n’ai jamais été amoureuse de Ian. Je l’aimais, vraiment beaucoup, mais si j’étais sincèrement amoureuse… je crois que je le serais encore.
— Pas bête, réponds-je avec un faible sourire, en espérant qu’elle retrouve le sien.
Je déteste la voir chiffonnée.
Son expression se fait songeuse.
— Et qu’est-ce qui te fait croire que tu n’as jamais été amoureuse de lui ?
Elle se tourne vers moi et étudie mon visage avant de répondre :
— Parce que, quand je suis avec toi, je ne pense presque plus à lui.
Je me rallonge immédiatement pour contempler le firmament. Je pourrais sans doute compter toutes ces étoiles, si j’essayais, juste pour me changer les idées. Seulement, une certaine personne allongée à côté de moi accapare toutes mes pensées et oblitère tous les astres de l’univers.
Je dois y mettre un terme, et vite.
— Je sais que je suis de bonne compagnie, déclaré-je en riant. Et, grâce à moi, ton petit cul s’est trémoussé sur le lit hier soir, alors je comprends que tu aies du mal à songer à autre chose qu’à accueillir de nouveau ma tête entre tes jambes…
J’essaie simplement de reprendre notre petit jeu, dussé-je pour cela me prendre un coup pour avoir rompu la promesse de faire comme si rien ne s’était passé.
Et elle me frappe en effet, juste après s’être redressée sur les coudes comme je l’ai fait un peu plus tôt.
— Sale con ! s’esclaffe-t-elle.
Je ris de plus belle, enfouissant dans l’herbe le sommet de mon crâne.
Elle se rapproche alors de moi, toujours sur un coude, et me contemple. Ses cheveux soyeux me caressent le bras.
— Pourquoi tu ne veux pas m’embrasser ? (Sa question me désarçonne.) Hier, tu m’as léchée, mais pas embrassée. Pourquoi ?
— Qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr que je t’ai embrassée, lui rappelé-je.
— Pas embrassée-embrassée.
Ses lèvres sont si proches des miennes que je meurs d’envie de m’en emparer. Je dois me faire violence pour ne pas passer à l’acte.
— Je ne sais pas ce que je dois en déduire, reprend-elle. Je n’aime pas ce que je ressens, mais je ne suis pas certaine de ressentir la bonne chose.
— Eh bien, tu n’as pas à te sentir mal, ça, c’est sûr.
Je tâche de rester aussi évasif que possible.
— Mais pourquoi ?
Son expression se durcit.
Je capitule et finis par admettre :
— Parce qu’embrasser, c’est très intime.
Elle incline la tête.
— Donc tu refuses de m’embrasser pour la même raison que tu refuses de me baiser ?
Je me mets instantanément à bander. J’espère qu’elle ne s’en rend pas compte.
— Oui.
Et avant que je n’aie pu prononcer un autre mot, elle me grimpe dessus. Merde, si elle ne s’était pas rendu compte de mon état d’excitation, c’est désormais chose faite. Ses genoux m’emprisonnent. Elle se penche vers moi, et je crois mourir quand ses lèvres effleurent les miennes.
Elle plonge les yeux dans les miens et déclare :
— Je ne te forcerai pas à coucher avec moi, mais je veux que tu m’embrasses. Juste une fois.
— Pourquoi ?
Il faut vraiment qu’elle change de position. Merde… Le fait que ma queue se retrouve plaquée contre ses fesses n’arrange pas mon cas. Si elle reculait d’un ou deux centimètres…
— Parce que je veux savoir l’effet que ça fait, répond-elle contre mes lèvres.
Mes mains remontent le long de ses cuisses et jusqu’à sa taille, où je resserre les doigts. Elle sent divinement bon. Elle est incroyablement douce. Et elle est assise sur moi. Je n’imagine même pas ce que l’on doit ressentir en elle ; je deviens dingue à cette seule évocation.
Puis je la sens qui se frotte contre moi, d’un lent mouvement de hanches, comme pour me convaincre. Elle s’arrête alors, pile sur l’endroit sensible. Je palpite douloureusement. Ses yeux scrutent mon visage et mes lèvres ; je n’aspire qu’à lui arracher ses vêtements et à me perdre en elle.
Elle se penche de nouveau et plaque sa bouche contre la mienne, y introduisant la langue malgré mes réserves. J’accompagne doucement son geste, goûtant nos salives qui se mêlent déjà. Nous avons tous deux le souffle court. Incapable de résister davantage ou de lui refuser ce baiser, je plaque mes mains sur ses joues et la force à se rapprocher, lui dévorant les lèvres avec une avidité peu commune. Elle gémit dans ma bouche et je l’embrasse de plus belle, passant un bras dans son dos pour la plaquer contre mon corps.
Puis nos bouches se séparent. Nos lèvres s’attardent, s’effleurant pendant un long moment, jusqu’à ce qu’elle relève la tête et me contemple d’un air énigmatique que je ne lui ai encore jamais vu, infligeant à mon cœur une émotion encore inédite.
Puis elle se décompose, et elle adopte une expression à la fois confuse et blessée, qu’elle tente de dissimuler derrière un sourire.
— Avec un baiser comme celui-ci, déclare-t-elle d’un ton enjoué qui cache quelque chose, tu pourrais n’avoir jamais besoin de coucher avec moi.
Je ne peux pas m’empêcher d’éclater de rire. C’est un peu ridicule, mais je la laisse croire ce qu’elle veut.
Elle retourne s’allonger près de moi, croisant les mains derrière la tête.
— Elles sont belles, pas vrai ?
Je regarde les étoiles sans les voir vraiment ; je n’arrive pas à penser à autre chose qu’à elle, et à notre baiser.
— Oui, magnifiques.
Comme toi…
— Andrew ?
— Ouais ?
Nous gardons les yeux rivés au ciel.
— Je tiens à te remercier.
— Pour quoi ?
Elle marque une pause avant de répondre.
— Pour tout : pour m’avoir poussée à fourrer tes fringues dans ton sac au lieu de les plier ; pour avoir baissé le son dans la voiture pour ne pas me réveiller ; et pour ce karaoké ridicule au Waffle House.
Nos têtes pivotent l’une vers l’autre. Elle plante ses yeux au fond des miens et reprend :
— Parce que, grâce à toi, je me sens vivante.
J’accueille ces paroles avec un sourire chaleureux, et me détourne avant de répliquer :
— Tout le monde a besoin de se sentir revivre une fois de temps en temps.
— Non, répond-elle très sérieusement. (Je la scrute une fois encore.) Pasrevivre, Andrew : je me sens vivre pour la première fois.







C’est aujourd’hui que tout s’achève.
Je n’aurais jamais dû laisser les choses en arriver là, mais, dans mon délire, j’ai minimisé les sentiments douloureusement interdits que j’éprouve à son égard. Je pense cependant qu’elle s’en remettra ; nous n’avons pas couché ensemble, ni elle ni moi n’avons prononcé ces trois mots à la con qui auraient tout compliqué, alors ouais… elle s’en remettra.
Après tout, elle ne m’a pas encouragé non plus. Je lui ai proposé les choses clairement : « Si tu me laisses te baiser, tu devras accepter d’être tout à moi. » Si ça n’était pas une invitation flagrante, je ne sais pas ce que c’était. Certes pas très romantique, mais ça avait le mérite d’être clair.
Je règle mon verre et quitte le bar. J’avais juste besoin d’un truc pour me donner du courage. Cela dit, pour trouver ce genre de courage, il m’aurait fallu la bouteille. Je fourre les mains dans mes poches et descends Bourbon Street, Canal Street, et d’autres rues dont j’ai déjà oublié les noms. Je marche pendant des heures, d’un coin à l’autre, sans direction ni but précis, un peu comme lors de notre road-trip improvisé. J’avance, c’est tout.
Je ne pense pas essayer de gagner du temps en attendant la nuit, afin de pouvoir entrer et sortir discrètement de ma chambre sans qu’elle s’en rende compte ; néanmoins, je cherche clairement à me laisser le temps de changer d’avis. Je n’ai aucune envie de la quitter, mais je sais que je dois le faire.



— ANDREW ? TU VAS BIEN ?
Je le dévisage, croisant les bras alors que la porte se referme doucement derrière moi.
J’étais tellement inquiète… D’abord parce que je craignais qu’il ne soit parti sans me dire au revoir, mais surtout à cause de l’état d’esprit dans lequel il était quand il a pris la route ce matin. À cause de la mort de son père.
Je retiens mon souffle quand il me passe devant pour rejoindre ses sacs posés sur le lit.
Pourquoi ne m’adresse-t-il pas un regard ?
Je jette un nouveau coup d’œil à ses affaires et comprends immédiatement ce qu’il fabrique. Je laisse retomber mes bras le long du corps et m’approche de lui.
— S’il te plaît, parle-moi, lui dis-je avec douceur. Andrew, tu m’as foutu la trouille… (Il fourre sa brosse à dents dans son sac marin sans se retourner.) Si tu veux assister aux funérailles, c’est une bonne chose. Je vais rentrer chez moi. Peut-être qu’on pourra discuter…
Il fait brusquement volte-face.
— Il ne s’agit pas de l’enterrement, ni même de mon père, Camryn.
Ses mots me blessent sans que j’en comprenne encore le sens.
— Alors quoi ?
Il se remet dos à moi, feignant de fouiller dans ses bagages alors qu’il tente simplement de faire diversion. J’aperçois l’enveloppe qui émerge de sa poche arrière. Les lettres RYN apparaissent sur la partie visible ; nul doute que le CAM est tourné vers l’intérieur.
Je tends la main pour m’en saisir.
Andrew se retourne alors, décomposé.
— Camryn…, souffle-t-il tristement en baissant la tête.
— Qu’est-ce que c’est ? m’enquiers-je en contemplant mon nom sur le pli.
J’ai déjà soulevé le battant de l’enveloppe.
Andrew ne répond pas, attendant que je lise le contenu de sa lettre, sachant que je le ferai de toute façon.
Il en a envie.
J’avise les billets et les laisse à l’intérieur sans les toucher. Je sors la feuille et dépose le reste au pied du lit. Tout ce qui m’importe, c’est ce mot. Avant même d’en avoir pris connaissance, j’ai le cœur brisé. Mes yeux se posent tantôt sur lui, tantôt sur l’enveloppe. Je finis par me résoudre à lire la lettre.
J’ai les mains qui tremblent.
Pourquoi tremblent-elles ?
À mesure que je découvre les mots qu’il a couchés, ma gorge se serre. J’ai les larmes aux yeux ; des larmes brûlantes de tristesse et de colère.
— Ma belle, tu savais que ce voyage prendrait fin un jour.
— Ne m’appelle plus « ma belle » ! aboyé-je en serrant fermement le message. Puisque tu veux partir, tu n’en as plus le droit.
— Je sais.
Je lui lance un regard noir. Je suis désespérée, mon esprit croule sous les questions et l’incompréhension. Pourquoi suis-je si furieuse, si dévastée ? Andrew a raison : il fallait bien que ça se termine un jour, alors pourquoi est-ce que cela m’affecte autant ?
Je ne parviens plus à retenir mes larmes. Mais je n’ai pas l’intention de me mettre à chialer comme un bébé. Je le scrute, le visage fermé, consumée par le chagrin et la rage. En fermant les poings, je froisse la moitié supérieure de la lettre d’Andrew.
— Si tu partais de cette façon à cause de ton père, parce que tu avais besoin de temps à toi, et que le numéro en bas était celui de ton portable et non celui d’une réservation de billet d’avion, alors je comprendrais. (Je brandis le message devant moi avant de laisser retomber ma main.) Mais partir à cause de moi en agissant comme s’il ne s’était rien passé entre nous… Andrew, ça fait mal. Ça fait un mal de chien.
Sa mâchoire tressaille.
— Putain, qui a dit que je faisais comme s’il ne s’était rien passé ? crache-t-il, manifestement piqué au vif par mes paroles.
Il lâche la bandoulière de son sac et s’éloigne du lit pour se rapprocher de moi.
— Je n’oublierai jamais une seule seconde de ces deux dernières semaines, Camryn ! C’est précisément pour ça que je ne me sentais pas capable de te le dire en face !
Il appuie ses propos de grands gestes.
Je recule d’un pas. C’est au-dessus de mes forces. J’ai le cœur en miettes. Et je me déteste de ne pas parvenir à retenir mes larmes. Je contemple une nouvelle fois la lettre chiffonnée, puis le contourne pour l’abandonner sur son lit à côté de l’enveloppe et des billets.
— Très bien. Vas-y, pars. Je me débrouillerai pour rentrer.
Je m’essuie les yeux et me dirige vers la porte.
— Toujours les jetons, dit-il dans mon dos.
— Tu comprends que dalle ! hurlé-je.
Puis j’ouvre la porte, laisse tomber par terre le double de sa carte magnétique et retourne dans ma chambre.
Je tourne comme un lion en cage. Encore. Et encore. J’ai envie de défoncer un mur à coups de poings, ou de déchiqueter quelque chose, mais je me résous à chialer comme une gamine.
Andrew entre en trombe dans ma chambre, poussant si violemment la porte qu’elle vient claquer contre la cloison. Il m’attrape par les bras, me sert douloureusement les biceps.
— Pourquoi tu as toujours les jetons ? !
Des larmes sillonnent son visage, des larmes de fureur et de souffrance. Il me secoue.
— Dis-moi ce que tu ressens, merde !
Sa voix tonitruante me tétanise un instant, puis je me libère d’une secousse. Je suis perdue. Je sais ce que je veux lui dire. Je ne veux pas qu’il s’en aille, mais…
— Camryn ! crie-t-il, aussi courroucé que désespéré. Dis-moi ce que tu ressens ! Peu m’importe que ce soit dangereux, stupide, blessant ou hilarant. Dis-moi juste ce que tu ressens !
Ses mots me transpercent.
Il ne s’arrête pas :
— Sois honnête avec moi. Sois honnête avec toi ! (Il agite les mains dans ma direction.) Cam…
— J’ai envie de toi, bordel de merde ! lui lancé-je. Rien qu’à t’imaginer partir pour ne jamais te revoir, je saigne de l’intérieur ! (J’ai la gorge en feu.) Putain, sans toi, je n’arrive plus à respirer !
— Dis-le, bordel ! insiste-t-il, exaspéré.
— Je veux être avec toi !
Mes jambes flageolent. Les sanglots font vaciller mon corps tout entier. J’ai les yeux qui piquent et mal au cœur comme jamais.
Andrew me tord les poignets d’une main. Sans douceur, il plaque mon dos contre son torse.
— Dis-le encore, Camryn, exige-t-il.
Son haleine me réchauffe la nuque, me faisant trembler chaque membre. Il me mordille juste sous l’oreille.
— Putain, redis-le, ma belle.
Son étreinte se fait douloureuse.
— Je t’appartiens, Andrew Parrish… Je veux que tu me possèdes…
Il enroule son autre main dans mes cheveux, tirant ma tête en arrière pour me forcer à exposer mon cou. Il me mord le menton et la peau tendre de ma gorge. Je sens sa verge durcir à travers nos vêtements.
— S’il te plaît, chuchoté-je, ne me laisse pas partir…
Le dos toujours plaqué contre son corps bandé, les poignets prisonniers de sa main, je sens ses doigts glisser sous mon short et ma culotte pour m’en dépouiller. Il me pousse vers le lit, où mes genoux heurtent le matelas, et il me lève les bras au-dessus de la tête pour remonter mon débardeur.
Je ne me retourne pas en l’entendant se débarrasser de ses chaussures et de ses vêtements. Je ne bougerai que lorsqu’il m’y autorisera.
Ses abdos durs comme le béton m’écrasent le dos. Ses bras puissants s’enroulent autour de ma taille dénudée. L’une de ses mains vient me pétrir un sein, l’autre plonge entre mes cuisses. Je bascule la tête en arrière quand il introduit un doigt entre mes lèvres palpitantes et me titille avec. Je suffoque, je cherche désespérément sa bouche. Il darde la langue pour caresser la mienne. Cette chaude moiteur me rend dingue. Il m’embrasse alors voracement, si bien que nous nous retrouvons tous deux à bout de souffle. Puis il me fait basculer sur le lit. Mes mains s’enroulent dans les draps, mais la pression sur mon dos est trop forte et mes bras ne peuvent plus soutenir mon corps. Il me ressaisit les poignets et les tire dans mon dos tout en se plaquant puissamment contre moi.
— Putain, baise-moi, Andrew. S’il te plaît…, supplié-je d’une voix chevrotante.
Cette fois, je n’hésite pas à parler, sans ses encouragements.
Et cela me semble tellement naturel…
Andrew pèse sur moi de tout son poids, me provoquant de son érection vigoureuse et persistante. Je crève d’envie de l’accueillir en moi, mais il me fait volontairement languir, me laissant croire qu’il va me pilonner à chaque instant, sans jamais le faire.
Je suis de nouveau parcourue de frissons quand la pointe de sa langue trace un sillon sur ma nuque. Un côté de mon visage est plaqué au matelas, mon corps entravé par le poids du sien. Je me mords la lèvre en sentant ses dents s’enfoncer dans mon dos, suffisamment fort pour me faire mal, mais pas assez pour entamer la peau. Puis il embrasse et lèche chaque endroit endolori.
Andrew me retourne comme si je ne pesais rien et me positionne au milieu du lit. Il rampe entre mes jambes, les écartant des genoux afin de m’exposer totalement. Il appuie les paumes à l’intérieur de mes cuisses, m’empêchant de les refermer.
Ses prunelles vertes soutiennent un instant mon regard avant de plonger vers mon intimité ainsi offerte. Il m’explore lentement, remontant du bout du doigt toute la hauteur de ma vulve, avant de contourner mon clitoris. Je frémis et suffoque, me tortillant à chaque nouveau contact. Il me lance un nouveau regard par en dessous et enfonce profondément les doigts. Ma main vient rejoindre la sienne, et il me laisse me toucher un instant avant de me repousser. Il me doigte désormais furieusement, stimulant chaque zone érogène ; je commence à m’agiter dans tous les sens, cambrée contre l’oreiller. Puis, comme s’il me sentait sur le point de jouir, il retire ses doigts pour me frustrer.
Il grimpe alors à califourchon sur moi, embrassant, léchant et mordillant ma peau, des cuisses jusqu’à la gorge. Là, il emprisonne mes bras au-dessus de ma tête pour m’empêcher de l’attraper. Son regard animal étudie ma bouche, puis mes yeux.
— Je vais te baiser d’une force…, déclare-t-il. Tu n’imagines même pas.
Ses mots tracent un sillon de plaisir de mes oreilles à mon humidité palpitante. Il me mord la langue puis m’embrasse avec fougue ; nous mêlons nos souffles en gémissant tour à tour dans la bouche de l’autre.
Sa main droite redescend sans qu’il cesse de m’embrasser ; il dirige son membre viril et trouve l’ouverture, me pénétrant juste assez pour me faire perdre la tête. Je tends le bassin vers lui, l’encourageant à s’enfoncer plus profondément. Je l’embrasse plus avidement, parvenant enfin à caler une main à l’arrière de son crâne. Je lui attrape si violemment les cheveux que je me sens capable d’en arracher une poignée. Il s’en fiche, et moi aussi. Il apprécie la douleur tout autant que moi.
Puis, très lentement, afin que je perçoive bien la légère douleur provoquée par chaque millimètre de progression, il disparaît en moi. Je tends le cou, entrouvre les lèvres. Je hoquette, gémis, réclame. Mes yeux me piquent tant, mes paupières sont si lourdes, que je parviens à peine à les maintenir ouverts. Sa verge semble enfler encore en moi, et mes cuisses tremblent autour de son corps.
Son mouvement de va-et-vient est très doux, et je me force à arrondir les yeux pour l’observer. Il saisit ma lèvre inférieure entre ses dents et tire, puis y passe la langue sur toute la longueur.
Je plaque ma bouche contre la sienne et, d’un coup de hanche, le force à me pénétrer plus profondément.
Mes jambes frémissent désormais de façon incontrôlable. Il accélère ses va-et-vient, et je n’arrive plus à l’embrasser. Je me cambre, décollant ma tête de l’oreiller, lui offrant ma poitrine qu’il s’empresse de téter avec avidité. J’enroule les bras et les cuisses autour de son corps, enfonce mes ongles dans son dos, sentant la sueur qui y ruisselle. Je perce la peau. Cela semble l’aiguillonner, et il me tringle de plus belle.
— Jouis avec moi, me susurre-t-il à l’oreille en m’embrassant derechef.
Quelques secondes plus tard, c’est l’extase. Pris de convulsions, mon corps se contracte autour du sien.
— Ne te retire pas, chuchoté-je pendant l’orgasme.
Et il reste. Un gémissement rauque et tremblant prend naissance dans sa poitrine quand la chaleur de sa semence se répand en moi. Je serre les jambes autour de sa taille aussi fort que je peux, puis les laisse lentement se détendre. Il ne s’arrête pas de pousser jusqu’à ce que son corps se relâche.
Il s’allonge alors près de moi, la tête sur mon cœur, ma cuisse sur sa hanche. Nous restons ainsi, blottis l’un contre l’autre, à reprendre notre souffle et nos esprits. Vingt minutes plus tard, nous remettons le couvert. Et avant que nous nous endormions dans les bras l’un de l’autre, il m’a fait découvrir des positions que je ne soupçonnais pas.
Le matin suivant, quand le soleil s’introduit entre les rideaux, il me montre qu’il n’est pas toujours dur et agressif en me réveillant à coups de tendres baisers. Il embrasse mes côtes une à une, puis me masse le dos et les cuisses avant de me faire l’amour tendrement.
Je pourrais mourir ici même, entre ses bras, sans jamais m’en rendre compte.



Je vous mets une vidéo de Stéphanie 8025