Elle
plaque son visage contre ma poitrine et me serre dans ses bras. J’ai
envie de lui crier d’arrêter et pourtant je l’enlace fort à mon
tour.
— Je
t’aime, dit-elle avec une douceur extraordinaire.
Non.
¡No ! ¡No ! Suis-je tenté de lui répondre.
J’en
suis malade et malgré tout je la serre encore plus fort contre moi.
Dios mío, si les choses étaient différentes, je ne la quitterais
jamais.
Brittany
est l'image même de la jeune fille parfaite. Belle, blonde et
intelligente, elle vient d'une famille aisée et sort avec le
capitaine de l'équipe de football. Elle sait bien maîtriser ses
émotions, mais elle cache une douloureuse fêlure : elle s'oppose à
ses parents qui veulent placer dans une institution, sa soeur aînée,
gravement handicapée.Alex Fuentes est d'origine mexicain ...e, il
est bien sûr séduisant en diable, mais c'est le bad boy du lycée.
Il fait partie d'un gang impliqué dans des trafics de drogues, comme
son père, qui en est mort.En dernière année au lycée Fairfield,
Brittany et Alex sont obligés de travailler en binôme leur cours de
chimie. Alors que tout les oppose, leur attirance est immédiate. Et
leur amour sera contrarié par des événements brutaux qui ne
cesseront de s'amonceler sur eux. Membre d'une bande armée qui sème
la terreur, Alex est malgré lui rattrapé par les exigences du chef
du gang.Et Brittany, malgré ses efforts passionnés pour le sortir
de là, ne parviendra pas à le protéger. Vengeance, meurtre,
drogue, Alex prend conscience que ce monde n'est pas le sien.Au
risque de perdre son amour, il fera tout pour sauvegarder l'existence
de Brittany.Mais il ne pourra pas s'échapper de son milieu
d'origine....Ce n'est que des années plus tard, après un exil et
une réadaptation difficile, que la vie finira par sourire à Alex :
ses retrouvailles avec Brittany prouveront que l'amour de nos deux
héros aura survécu à l'épreuve du temps.Le style d'un chapitre à
l'autre la voix d'Alex alterne avec celle de Britanny, ce qui rend
les personnages encore plus réalistes, vivants et attachants. La
brutalité des événements donne une tonalité passionnelle au
récit. Le lecteur passe non sans frisson du cocon doré de Brittany
à la violence des rues dans laquelle vit Alex.Les
personnages Brittany : Cette adolescente profondément sensible,
généreuse et courageuse n'est pas si simple qu'on pourrait le
croire : elle osera en dépit de tout s'opposer à son entourage et
assumera ses choix. Alex : Sa rencontre avec Brittany va lui ouvrir
les yeux, mais il lui faudra des années pour se défaire de sa
pression sociale. Beau latino ténébreux et sensible, il fera
littéralement fondre les lectrices, et les lecteurs masculins
s'identifieront avec plaisir à ce bad boy au grand coeur. - Simone
Elkeles est née et a grandi dans la banlieue de Chicago. Elle a fait
des études de psychologie à l'université de l'Illinois. Sa passion
pour l'univers adolescent constitue la source de ses écrits.
Je
mets à la fin de cet article une vidéo glané sur youtube sur la
chaîne de stéphanie 8025 vraiment très sympa !
— Brittany ?
— Quoi ?
Je
scrute, l’air absent, les mots imprimés sur les pages. Je n’ai
pas la moindre idée de ce que je lis ; je suis trop gênée
pour me concentrer.
— Tu
me regardais comme si tu voulais m’embrasser.
— Ben
voyons.
— Si
tu veux, personne ne nous voit, tu sais. Tu peux toujours essayer. Ce
n’est pas pour me vanter mais je suis un expert.
Il
esquisse un petit sourire, de ceux qui font fondre le cœur des
filles de la terre entière.
— Alex,
tu n’es pas mon genre.
Il
faut qu’il cesse de me regarder comme s’il comptait me faire des
choses dont, pour l’instant, je n’ai qu’entendu parler.
— Tu
n’aimes que les Blancs ?
— Arrête,
lui dis-je entre les dents.
— Quoi ?
demande-t-il on ne peut plus sérieusement. C’est la vérité,
n’est-ce pas ?
Mrs Peterson
apparaît soudain devant nous.
— Où
en est ce plan ?
Je
feins un sourire.
— En
très bonne voie !
Je
sors les documents que j’ai trouvés à la maison et me mets au
travail sous le regard de la prof.
— J’ai
procédé à quelques recherches sur les chauffe-mains, hier soir. Il
faut dissoudre soixante grammes d’acétate de sodium dans cent
millilitres d’eau à soixante-dix degrés.
— Faux,
s’exclame Alex.
Je
lève les yeux et réalise que Mrs Peterson est partie.
— Pardon ?
— C’est
faux.
— Je
ne crois pas, non.
— Tu
ne t’es jamais trompée auparavant ?
Il
me dit cela comme si j’étais une blonde écervelée. Qu’est-ce
qu’il m’énerve !
— Bien
sûr que si. Par exemple, la semaine dernière, j’ai acheté le
gloss Bobbi Brown « Fleur du désert » alors que la
couleur « Bouton de rose » aurait tellement mieux convenu
à mon teint. Bref, un vrai désastre ! lui dis-je
sarcastiquement.
Me
prend-il au sérieux ou comprend-il à ma voix que je me fiche de
lui ?
— J’imagine
bien.
— Et
toi, tu ne t’es jamais trompé ?
— Plus
d’une fois. La semaine dernière, alors que je braquais la banque
sur Walgreen, j’ai dit au caissier de me donner tous les biftons de
cinquante qu’il avait. En fait, j’aurais dû lui demander ceux de
vingt, parce qu’il y en avait beaucoup plus.
D’accord,
il a compris et m’a rendu la monnaie de ma pièce avec sa propre
histoire ridicule. C’est perturbant : cela nous rend tout à
coup assez semblables.
— Quel
désastre ! fais-je, la main sur le cœur et d’un ton
théâtral.
— Donc
on peut se tromper tous les deux.
Je
lève le menton et annonce solennellement :
— Mais
je n’ai pas tort pour la chimie. Contrairement à toi, je prends ce
cours au sérieux.
— Faisons
les paris alors. Si j’ai raison, tu devras m’embrasser.
— Et
si c’est moi qui ai raison ?
— Tu
choisis.
Un
pari si facile et surtout gagné d’avance, ça ne se refuse pas.
L’ego de Monsieur El Macho va en prendre un petit coup.
— Si
je gagne, tu nous considères, moi et le projet de chimie, avec
sérieux. Plus de moqueries ni de commentaires idiots.
— Marché
conclu. Mais je m’en voudrais terriblement si j’oubliais de te
dire que j’ai une excellente mémoire visuelle.
— Alex,
je m’en voudrais terriblement si j’oubliais de te dire que j’ai
copié ces informations directement dans le livre.
Je
jette un œil à mes recherches puis ouvre mon manuel de chimie à la
page correspondante.
— Alex,
sans regarder, dis-moi à quelle température on doit refroidir le
mélange ?
Ce
garçon adore les défis. Mais cette fois, il va perdre. Il referme
son propre manuel et me fixe, l’air décidé.
— Vingt
degrés. Et la dissolution doit se faire à cent degrés et pas
soixante-dix, répond-il, pleinement confiant.
Je
lis la page, puis mes notes. Je retourne à la page. Je ne peux pas
m’être trompée. Quelle page ai-je donc…
— Ah
oui. Cent degrés… Je le regarde, choquée : Tu as raison.
— Tu
m’embrasses maintenant ou plus tard ?
— Tout
de suite.
Il
en reste ébahi, je le vois à ses mains crispées.
À
la maison, papa et maman régissent ma vie. Au lycée, les choses
sont différentes. Il faut que je garde le contrôle et la maîtrise
de mes actes pour ne pas être qu’un mannequin sans cervelle.
— Vraiment ?
— Oui.
Je
place sa main dans la mienne. J’avoue qu’à ce moment, j’apprécie
grandement l’intimité du rayon Biographies. Sa respiration
ralentit tandis que je me mets à genoux et me penche vers lui.
J’évite de penser à ses doigts longs et rugueux que je touche
pour la première fois. Je suis nerveuse. Pourtant, je n’ai pas de
raison de l’être. C’est moi qui contrôle la situation.
Je
sens qu’il se retient. Il me laisse prendre les devants. Je pose sa
main sur ma joue ; il gémit. J’ai envie de sourire car sa
réaction montre à quel point j’ai du pouvoir sur lui.
Nos
regards se croisent, Alex demeure immobile.
De
nouveau, le temps s’arrête.
Puis
soudain je tourne la tête et lui embrasse la paume.
— Voilà,
je t’ai embrassé !
Je
lui rends sa main, le jeu est terminé.
Mais
je ne l’écoute pas et me laisse guider par la voix d’Alex. Il
est en train de discuter avec deux autres personnes. Très
sérieusement. Un des deux hommes sort une feuille et la lui tend.
Alex, alors, me remarque enfin. Il s’adresse au type en espagnol
avant de plier la feuille et de la glisser dans sa poche de jean.
— Qu’est-ce
que tu fous ici ? demande-t-il sèchement, d’une voix aussi
dure que l’est son visage.
— Je
suis juste…
Je
n’ai pas le temps de terminer ma phrase qu’Alex m’attrape par
le bras.
— Tu
vas juste dégager d’ici tout de suite. Qui est le con qui t’a
amenée jusqu’ici ?
Paco
sort de l’ombre avant que j’aie eu le temps de répondre.
— Alex,
s’il te plaît. Paco m’a amenée ici, mais c’était mon idée.
— Espèce
de culero ! s’exclame Alex en me relâchant.
— C’est
pourtant ça, ton avenir, Alex, réplique Paco. Pourquoi as-tu honte
de montrer à ta novia ton autre famille ?
Alex
lui décoche un pain dans la mâchoire et Paco s’étale par terre.
Je me précipite vers lui, jetant à Alex un regard menaçant et
sévère.
— Comment
as-tu pu lui faire ça ? C’est ton meilleur ami !
— Je
ne veux pas que tu voies cet endroit.
Un
filet de sang coule de la bouche de Paco.
— Tu
n’aurais pas dû l’amener ici, poursuit Alex plus calmement. Ce
n’est pas sa place.
— Ce
n’est pas non plus la tienne, mon frère, répond Paco tout aussi
doucement. Maintenant, partez tous les deux, elle en a assez vu.
— Viens
avec moi, m’ordonne Alex en me tendant la main.
Plutôt
que de le suivre, j’entoure le visage de Paco de mes mains et
inspecte l’étendue des dégâts.
— Mon
Dieu, tu saignes.
Ça
me rend malade. Le sang et la violence me poussent toujours à bout.
Paco
repousse mes mains sans geste brusque.
— Ça
ira, pars avec lui.
C’est
alors qu’une voix éclate dans l’ombre, s’adressant en espagnol
à Alex et Paco. Son ton autoritaire me fait trembler. Si je n’avais
pas peur jusqu’à maintenant, ce n’est plus le cas du tout. C’est
la voix d’un des hommes qui parlaient à Alex. Il est vêtu d’un
costume noir et d’une chemise blanche immaculée. Je l’ai
brièvement aperçu au mariage. Ses cheveux d’un noir corbeau sont
plaqués en arrière et sa peau est foncée. En un seul regard je
comprends que c’est un homme très puissant au sein du Latino
Blood. Deux
armoires à glace l’encadrent.
— Nada,
Hector, disent Alex et Paco à l’unisson.
— Emmène-la
ailleurs, Fuentes.
Alex
me prend par la main et se dépêche de me faire sortir de
l’entrepôt. Une fois dehors, je me remets à respirer.
L'extrait :
Elle
remue lentement ses hanches contre les miennes, mais je ne suis pas
digne de son invitation. Le bout de mes doigts effleure sa bouche.
Elle les embrasse puis je les descends doucement le long de son
menton, de son cou, jusqu’au creux de sa poitrine.
— Je
n’ai pas envie d’arrêter, Alex, dit-elle en attrapant ma main.
J’enveloppe
son corps du mien. Ce serait si facile de la faire craquer. Elle ne
demande que ça. Mon Dieu, ne me faites pas oublier que j’ai une
conscience. C’est à cause de ce pari loco avec Lucky et de ce que
ma mère m’a dit sur la facilité de tomber enceinte.
Quand
j’ai fait ce pari, je n’éprouvais aucun sentiment pour cette
Blanche si sophistiquée. Mais à présent… merde, je n’ai pas
envie de penser aux sentiments. Je déteste ça : ils ne servent
qu’à détruire la vie des gens. Que Dieu me terrasse sur l’instant
de vouloir faire l’amour à Brittany plutôt que de la baiser sur
ma moto comme une putain.
Je
retire mes mains de son cuerpo perfecto ; c’est bien mon
premier geste sensé de la soirée.
— Je
ne peux pas faire ça maintenant. Pas ici, dis-je d’une voix
rauque, à cause de l’émotion.
Cette
fille allait s’offrir à moi, bien qu’elle sache qui je suis et
ce que je m’apprête à faire. Comme la réalité peut être
difficile à accepter.
Et
Brittany, va-t-elle se sentir gênée ou en colère ? Rien de
tout cela. Elle plaque son visage contre ma poitrine et me serre dans
ses bras. J’ai envie de lui crier d’arrêter et pourtant je
l’enlace fort à mon tour.
— Je
t’aime, dit-elle avec une douceur extraordinaire.
Non.
¡No ! ¡No ! Suis-je tenté de lui répondre.
J’en
suis malade et malgré tout je la serre encore plus fort contre moi.
Dios mío, si les choses étaient différentes, je ne la quitterais
jamais. J’enfouis mon visage dans ses cheveux, rêvant de l’emmener
loin de Fairfield.
— Est-ce
que je ne suis pas importante à tes yeux ?
— Si.
— Alors
prouve-le.
Je
retire mon bandana et me passe la main dans les cheveux.
— Tu
ne sais pas à quel point c’est difficile pour moi. Mi madre exige
que je protège notre famille en étant dans le Blood, tout en se
voilant la face. Hector veut que je lui prouve que je suis tout
dévoué au Blood. Et toi… la seule personne avec qui je me vois
partager ma vie un jour, tu veux que je te prouve mon amour en
faisant quelque chose qui mettrait ma famille en danger. Je dois
faire cette transaction et personne, pas même toi, ne me fera
changer d’avis. Oluídalo.
— Tu
mettrais en péril notre histoire ?
— Putain,
ne dis pas ça. Pourquoi la mettrait-on en péril ?
— Si
tu te mets à vendre de la drogue, c’est fini entre nous. J’ai
tout plaqué pour toi… pour nous. Mes amis. Mes parents. Tout.
Maintenant, c’est ton tour.
Je
lui offre ma veste en la voyant claquer des dents.
— Tiens,
enfile ça.
Il
n’y a rien à ajouter. C’est ma vie. Si elle ne peut pas
l’accepter, qu’elle retourne avec Colin Adams ou n’importe quel
garçon dont elle pourra faire sa marionnette.
Finalement
Brittany me demande de l’emmener chez son amie Sierra.
— Je
crois que nous devrions travailler séparément sur le projet de
chimie, ajoute-t-elle.
Quand
nous arrivons devant la grande maison, au bord de la plage, elle me
tend ma veste.
— Tu
préfères fabriquer le chauffe-mains ou écrire le compte-rendu ?
— Tu
choisis.
— J’écris
plutôt bien…
— OK,
je m’occupe du reste alors.
— Alex,
les choses ne peuvent pas se terminer ainsi.
Ses
yeux se remplissent de larmes. Il faut que je m’en aille avant
qu’elles ne se mettent à couler le long de ses joues. Cela me
tuerait.
— Si,
il le faut.
Et
je redémarre ma moto.
S’il
n’est pas subjugué par ma tenue, alors rien n’y fera. Je vais
donner tout ce que j’ai… je sors l’artillerie lourde. Je frappe
un coup sec à la porte puis ferme les yeux en priant pour que tout
se passe comme prévu. J’ouvre ensuite mon long manteau de satin
argenté et sens l’air frais de la nuit contre ma peau nue. En
entendant le grincement de la porte, je soulève lentement les
paupières. Ce ne sont malheureusement pas les yeux noirs d’Alex
qui fixent ma tenue légère mais Enrique ! Il regarde mon
soutien-gorge rose lacé et ma jupe de pom-pom girl comme s’il
avait gagné à la loterie.
Honteuse,
je referme immédiatement mon manteau.
— Euh,
Alex, rigole Enrique, quelqu’un voudrait savoir si tu préfères
une farce ou une friandise.
Je
dois être rouge écarlate mais je suis déterminée à aller
jusqu’au bout. Il faut que je prouve à Alex que je ne suis pas
prête à l’abandonner.
— C’est
qui ? demande-t-il depuis l’intérieur.
— J’allais
partir, glisse Enrique en s’esquivant. Tu diras à Alex de fermer.
Adiós.
Et
il s’en va dans la nuit en chantonnant.
— Hé,
Enrique. ¿Quién está ahì ?
Alex
arrive enfin à la porte. Il me regarde avec mépris.
— Tu
as besoin qu’on t’indique ton chemin ou qu’on répare ta
voiture ?
— Ni
l’un ni l’autre.
— On
vient chercher des bonbons dans mon quartier ?
— Non.
— C’est
fini, mujer. ¿Me oyes ? Tu peux pas arrêter de te pointer dans
ma vie et de jouer avec moi ? En plus, tu ne devrais pas être à
une soirée d’Halloween avec un type du lycée ?
— Je
lui ai posé un lapin. Est-ce qu’on peut parler ?
— Écoute,
j’ai un tas de trucs urgents à faire. Pourquoi es-tu venue
jusqu’ici ? Et où est Enrique ?
— Il…
il est parti. J’ai dû l’effrayer.
— Toi ?
Je ne crois pas.
— Je
lui ai montré ce que je portais sous mon manteau.
Les
sourcils d’Alex fusent vers le ciel.
— Laisse-moi
entrer avant que je gèle sur place. Je t’en supplie.
Je
jette un œil derrière moi : l’obscurité me paraît plus
engageante maintenant que mon pouls s’affole. Je resserre mon
manteau contre moi mais ça ne m’empêche pas d’avoir la chair de
poule. Mon corps se met à trembler.
Dans
un soupir, Alex finit par me faire entrer et referme la porte
derrière moi. Heureusement, il y a un radiateur au milieu de la
pièce. Je m’en approche en frottant mes mains l’une contre
l’autre.
— Pour
dire la vérité, je suis content que tu sois là. Mais est-ce qu’on
n’a pas rompu ?
— Je
veux nous donner une seconde chance. Prétendre que nous n’étions
que de simples binômes de chimie a été une véritable torture. Tu
me manques. Est-ce que moi, je te manque ?
L’air
sceptique, il penche la tête sur le côté, comme s’il n’avait
pas bien entendu.
— Tu
sais que je fais toujours partie du Blood.
— Oui.
Je suis prête à tout accepter de toi, Alex.
— Je
ne serai jamais à la hauteur de tes attentes.
— Et
si je te dis que je n’attends rien ?
Il
inspire profondément et expire lentement. Sa mine sérieuse trahit
sa réflexion intense.
— Voilà
ce qu’on va faire, propose-t-il finalement. Tu vas me tenir
compagnie pendant que je termine de dîner. Je ne te demanderai même
pas ce que tu portes… ou plutôt ce que tu ne portes pas… sous ce
manteau. D’accord ?
— D’accord,
dis-je avec un sourire timide et en arrangeant mes cheveux.
— Je
crois que j’ai entendu une nouvelle question, Alex.
— Non,
ce n’en était pas une. Cela dit, bien essayé. Voyons… Quelle
est la vraie raison qui t’a poussée à venir ici ?
— Je
voulais te montrer à quel point je t’aime.
Alex
se contente de cligner des yeux plusieurs fois, sans exprimer plus
d’émotion. Cette fois, il enlève son haut, dévoilant ses
sublimes tablettes de chocolat. Je m’agenouille à côté de lui,
dans l’espoir de le tenter et de le désarçonner.
— Est-ce
que tu comptes aller à la fac ? Dis-moi la vérité.
— Oui,
si ma vie était différente, répond-il après une hésitation.
Je
retire une sandale.
— As-tu
couché avec Colin ? demande-t-il.
— Non.
Alex
enlève sa chaussure droite, les yeux toujours rivés sur moi.
— Est-ce
que tu l’as déjà fait avec Carmen ?
Il
hésite encore.
— Tu
n’as pas envie d’entendre la réponse.
— Oh !
que si. Je veux tout savoir : avec combien de personnes tu es
sorti, la première avec laquelle tu as couché…
Il
se frotte la nuque, cherchant sans doute à faire disparaître la
tension dans ses muscles.
— Ça
fait beaucoup de questions. Carmen et moi… disons que, oui, on a
couché ensemble. La dernière fois remonte au mois d’avril, avant
que je ne découvre qu’elle couchait à droite, à gauche. Avant
Carmen, mes souvenirs sont un peu confus : j’ai passé
pratiquement une année à sortir avec une nouvelle fille chaque
semaine. J’ai aussi couché avec la plupart d’entre elles.
C’était n’importe quoi.
— Est-ce
que tu t’es toujours protégé ?
— Oui.
— Et
comment s’est passée ta première fois ?
— C’était
avec Isabel.
— Isabel
Avila ?
— Ce
n’est pas ce que tu crois. Cela s’est passé l’été d’avant
la troisième, on voulait tous les deux se débarrasser de notre
virginité et découvrir ce que c’était que tout ce ramdam autour
du sexe. C’était naze. Je gigotais dans tous les sens et elle a
rigolé pratiquement du début à la fin. On est tombés d’accord
sur le fait que coucher avec quelqu’un que l’on considère comme
un frère ou une sœur est une très mauvaise idée. Voilà, je t’ai
tout dit. Maintenant, je t’en prie, enlève ce fichu manteau.
— Pas
encore, muchacho. Si tu as couché avec autant de monde, comment
puis-je être sûre que tu n’as pas attrapé de maladies ?
Dis-moi si tu as passé des tests.
— On
me les a faits à la clinique où l’on m’a posé des agrafes sur
le bras. Crois-moi, je n’ai rien.
— Moi
non plus. Au cas où tu te poserais la question.
Je
retire mon autre sandale, ravie qu’il ne se soit pas moqué de moi
et qu’il n’ait pas rechigné à entendre toutes mes questions.
— À
toi, Alex.
— Est-ce
que tu as déjà pensé faire l’amour avec moi ?
Il
enlève sa chaussette sans se faire prier.
— Alex,
je suis vierge. Et si je faisais quelque chose de mal ?
— Mal,
ça n’a pas de sens, ici. Tu ne passes pas un examen. Nous sommes
seuls, toi et moi. Nous sommes coupés du reste du monde, d’accord ?
— D’accord.
Ses
yeux brillent. Serait-elle en train de pleurer ?
— Je
ne te mérite pas. Tu le sais ça, querida ?
— Quand
comprendras-tu que tu es un garçon bien ?
Comme
je ne réponds rien, Brittany penche ma tête vers la sienne.
— Mon
corps est à toi ce soir, Alex. Est-ce que tu en as envie ?
— Mon
Dieu, oui.
Tout
en l’embrassant, je baisse mon jean et mon caleçon, puis je la
serre fort, savourant la douceur et la chaleur de son corps contre le
mien.
— Tu
n’as pas peur ? dis-je en chuchotant, afin de m’assurer
qu’elle est aussi prête que je le suis.
— Un
peu mais j’ai confiance en toi.
— Détends-toi,
preciosa.
— J’essaie.
— Cela
ne marchera pas tant que tu ne seras pas détendue.
Je
m’éloigne légèrement pour attraper, les mains tremblantes, un
préservatif.
— Tu
es sûre de vouloir y aller ?
— Oui,
oui, je suis sûre. Je t’aime, Alex. Je t’aime, répète-t-elle
presque au désespoir.
Je
me laisse pénétrer par ses mots et je me retiens, je ne veux pas
lui faire mal. Mais quelle illusion. La première fois pour une fille
est toujours douloureuse, peu importe la délicatesse du garçon.
J’aimerais lui dire ce que je ressens, à quel point elle occupe
tout mon être. Mais j’en suis incapable : les mots refusent
de sortir de ma bouche.
— Viens,
m’incite-t-elle, sentant mon hésitation.
Alors
je n’hésite plus. Je la vois retenir son souffle et je voudrais
juste lui épargner toute douleur.
Une
larme coule sur sa joue. Tant d’émotion me fend le cœur. Pour la
première fois depuis la vision de mon père étendu mort devant moi,
une larme coule de mes yeux. Elle la cueille de ses lèvres, me
tenant la tête entre ses mains.
— Tout
va bien, Alex.
C’est
faux. Il faut que je fasse de ce moment un moment parfait. Je n’aurai
peut-être pas d’autre chance et il faut qu’elle connaisse tout
le plaisir que l’on peut éprouver. Je me concentre uniquement sur
elle, cherchant éperdument à rendre cet instant magique.
Après,
je l’attire à côté de moi. Elle se blottit contre ma poitrine
tandis que je caresse ses cheveux, l’un comme l’autre souhaitant
que cela se prolonge le plus longtemps possible.
Je
n’arrive toujours pas à croire qu’elle m’ait offert son corps.
Je devrais me sentir triomphant. Au lieu de cela, mi siento una
mierda. Il me sera impossible de protéger Brittany tout le reste de
sa vie des autres garçons qui voudront s’approcher d’elle, la
voir comme je l’ai vue, la toucher comme je l’ai touchée. Oh !
je voudrais ne jamais la laisser partir.
Mais
il est trop tard. Je ne peux plus perdre de temps. Après tout, elle
n’est pas à moi pour toujours.
— Tu
vas bien ?
— Oui.
Plus que bien.
— Il
faut vraiment que j’y aille, lui dis-je en jetant un œil à
l’heure.
Brittany
pose son menton contre ma poitrine.
— Maintenant,
tu vas quitter le Latino Blood, n’est-ce pas ?
Mon
corps se raidit subitement.
— Non.
Où
a-t-elle pu pêcher une idée pareille ? Et pourquoi me
pose-t-elle la question maintenant ?
— Alex,
les choses sont différentes désormais. Nous avons fait l’amour.
— Ce
que nous avons fait était génial. Mais cela ne change rien.
Elle
se relève, ramasse ses vêtements et commence à se rhabiller dans
un coin.
— Je
ne suis donc qu’une fille de plus sur ton tableau de chasse ?
— Ne
dis pas ça.
— Pourquoi ?
C’est la vérité, non ?
— Non.
— Alors
prouve-le-moi, Alex.
— C’est
impossible.
Si
seulement je pouvais lui dire le contraire. Mais elle doit savoir que
ce sera toujours comme ça, que je devrais la quitter de temps à
autre pour servir le Blood. Cette fille blanche, capable d’aimer
avec une telle intensité de tout son cœur et de toute son âme, est
une véritable drogue. Elle mérite mieux que cela.
— Je
suis désolé, dis-je après avoir remis mon jean.
Qu’est-ce
que je pourrais lui dire d’autre ?
Elle
détourne les yeux et s’avance comme un robot jusqu’à l’entrée
du garage.
Soudain,
j’entends crisser des pneus et tous mes sens sont de nouveau en
éveil. Une voiture s’approche de nous… la RX-7 de Lucky.
— Monte
dans ta voiture ! dis-je en hurlant à Brittany.
Mais
il est déjà trop tard : la RX de Lucky vient de s’arrêter,
avec à son bord tout un groupe de garçons du Blood.
— ¡No
lo puedo creer, ganaste la apuesta ! crie Lucky de sa fenêtre.
Je
tente de cacher Brittany derrière moi, mais c’est peine perdue. Il
ne fait aucun doute qu’ils peuvent voir ses jambes nues et sexy
dépasser de son manteau.
— Qu’est-ce
qu’il vient de dire ?
J’aurais
envie d’enlever mon pantalon et de le lui donner. Si jamais elle
découvre l’histoire du pari, elle croira que c’est pour cela que
j’ai couché avec elle. Elle doit sortir d’ici, et vite.
— Rien,
il raconte n’importe quoi. Monte dans ta voiture. Sinon, c’est
moi qui t’y mettrais.
J’entends
Lucky fermer sa portière en même temps que Brittany ouvre la
sienne.
— Ne
sois pas fâché contre Paco, fait-elle avant de grimper derrière le
volant.
Mais
de quoi parle-t-elle ?
— Vas-y !
dis-je sans prendre le temps de lui demander une explication. On en
reparlera.
Et
la voilà partie.
L'extrait :
À
peine ses frères et sa mère sortis de la chambre, il se redresse
dans une crispation de douleur.
— Je
veux que tu t’en ailles.
— Ce
n’est pas vrai.
Je
ne le crois pas, c’est impossible.
Il
retire sa main brusquement, comme si le contact de la mienne le
brûlait.
— Si,
je veux que tu partes.
— Alex,
on va s’en sortir. Je t’aime.
Son
regard se tourne vers le sol et il s’éclaircit la gorge.
— Je
t’ai baisée pour gagner un pari, Brittany. Ça ne représente rien
pour moi. Tu ne représentes rien pour moi.
Je
me recule à mesure que ses mots me frappent.
— Non,
dis-je dans un murmure.
— Toi
et moi… ce n’était qu’un jeu. J’ai parié avec Lucky sa RX-7
que je pouvais te baiser avant Thanksgiving.
Je
sursaute en l’entendant qualifier de « baise » notre
nuit d’amour. « Coucherie » m’aurait laissé un goût
amer dans la bouche. Mais « baise » me retourne
l’estomac.
— Tu
mens, dis-je, pétrifiée.
Il
décroche les yeux du sol et me regarde bien en face. Mon Dieu !
Il ne montre aucune émotion. Son regard est aussi froid que ses
mots.
— C’est
pathétique de croire qu’il y avait quoi que ce soit entre nous,
Brittany.
Je
secoue violemment la tête.
— Ne
sois pas blessant, Alex. Pas toi. Pas maintenant. Je t’en prie,
dis-je dans un chuchotement, les lèvres tremblantes.
Il
ne répond pas. Je recule d’un pas, vacille en pensant à moi, la
véritable moi que seul Alex connaît.
— J’avais
confiance en toi.
— C’était
ton erreur, pas la mienne.
Il
touche son épaule gauche et tressaille de douleur alors qu’un
groupe de ses amis entrent dans la chambre. Je reste dans un coin,
immobile, ignorée de tous, jusqu’à ce que je finisse par crier :
— Est-ce
que tu as vraiment fait tout ça pour un pari ?
Tout
le monde se tourne vers moi, y compris Alex. Isabel s’approche mais
je l’arrête d’un geste de la main.
— Est-ce
que c’est vrai ? Est-ce qu’Alex a fait le pari de coucher
avec moi ? dis-je, incapable d’utiliser les mots si blessants
d’Alex.
— Dites-lui,
ordonne Alex en me regardant droit dans les yeux.
Un
type nommé Sam lève la tête.
— Eh
bien, ouais. Il a gagné la RX-7 de Lucky.
Je
m’appuie contre la porte de la chambre, tentant de garder la tête
haute. Le visage d’Alex n’est que froideur et dureté.
— Je
te félicite, Alex. Tu as gagné. J’espère que tu apprécieras ta
nouvelle voiture.
Sur
son visage, la froideur fait place au soulagement. Je sors lentement
de la chambre. Isabel me suit, mais je m’enfuis en courant, loin
d’elle, de l’hôpital, et d’Alex. Malheureusement, je ne peux
pas m’enfuir loin de mon cœur. Il me fait si mal. Désormais, je
ne serai plus jamais la même.
— Comprends-tu
les conséquences de ton départ du Blood ?
— Oui.
Un
cercle se forme autour de moi dans un silence lugubre. Aucun rire,
aucun bruit. Certains de ceux qui m’entourent sont des amis
d’enfance. Comme Enrique, ils se battent contre eux-mêmes. Je ne
leur en veux pas. Ceux que l’on a choisis pour me violenter
aujourd’hui n’ont pas eu de chance.
Soudain
on me frappe au visage. J’ai du mal à rester debout pour les
affronter, car je sais que ce n’est qu’un début. Combattre en
sachant qu’on peut gagner, c’est une chose. Mais c’en est une
autre quand on sait qu’on n’a aucune chance.
Un
objet tranchant me taillade le dos.
Puis
on me frappe les côtes.
Chaque
coup vise le haut du corps ; pas un centimètre carré de peau
n’est oublié. Une entaille par-ci, un coup de poing par-là. Je
chancelle plusieurs fois et on me redresse avant de me décocher un
nouveau coup. L’entaille dans mon dos me brûle terriblement. Je
reconnais les coups d’Enrique car ils renferment moins de rage que
les autres.
Le
souvenir de Brittany m’empêche de hurler ma douleur. Je serai fort
pour elle… pour nous. Je ne les laisserai pas décider de ma vie ou
de ma mort. C’est moi qui suis maître de mon destin, pas le Blood.
Je n’ai pas la moindre idée du temps que dure le supplice. Une
demi-heure ? Une heure ? Mon corps faiblit, j’ai du mal à
tenir debout. Je sens une odeur de fumée ; va-t-on me jeter
dans le feu ?
J’ai
envie de céder et de m’effondrer sur le sol mais je m’efforce de
rester debout. Je suis probablement méconnaissable, le corps et le
visage couverts de sang. Quelqu’un déchire mon T-shirt, découvrant
la cicatrice laissée par la balle qu’Hector a tirée sur moi. Un
poing la percute. La douleur est insoutenable. Je m’affale par
terre, le visage plaqué contre le gravier. À cet instant, je ne
suis plus sûr d’y arriver.
Brittany,
Brittany, Brittany. Tant que je me répète cette prière, je sais
que je suis toujours en vie. Brittany, Brittany, Brittany.
Est-ce
une odeur de fumée ou l’odeur de la mort ?
À
travers l’épais brouillard qui m’emplit l’esprit, je crois
entendre une voix.
— Vous
ne croyez pas qu’il en a eu assez ?
— Non,
dit-on distinctement.
Des
protestations s’élèvent. Si je pouvais bouger, je le ferai.
Brittany, Brittany, Brittany.
Les
protestations continuent. D’habitude, il n’y en a jamais, c’est
interdit. Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui m’attend ?
On doit préparer quelque chose de pire que les coups, car j’entends
beaucoup de disputes.
— Maintenez-lui
la tête contre le sol, crie Chuy. Personne ne trahira le Latino
Blood pendant mon règne. Que ce soit bien clair pour tous ceux qui
seraient tentés de le faire. Le corps d’Alejandro Fuentes sera
marqué à jamais, en signe de sa trahison.
L’odeur
de brûlé se rapproche. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui va
se passer, jusqu’à ce que le haut de mon dos soit brûlé par ce
qui ressemble à des braises.
Ai-je
gémi ? grogné ? hurlé ? Je ne sais plus. Je ne sais
plus rien désormais. Je suis incapable de penser. Je ne peux que
ressentir. Ils auraient tout aussi bien pu me jeter dans un feu,
cette torture est pire que tout ce que j’avais imaginé. L’odeur
de peau brûlée irrite mes narines et je réalise qu’il ne s’agit
pas de braises. Ce connard est en train d’apposer son sceau au fer
rouge. El dolor, el dolor…
Brittany,
Brittany, Brittany.
C’est impossible. Mon imagination doit me jouer des tours.
Mais
quand il se retourne et que ses yeux noirs si familiers rencontrent
les miens, la réalité me foudroie.
Alex
est ici, à seulement quelques mètres de moi. Mon Dieu, tous les
sentiments que j’ai éprouvés pour lui déferlent en moi comme une
vague. Je ne sais quoi dire, ni quoi faire.
— Brittany
est arrivée, dit-il à ma sœur avant de se lever et de tourner
consciencieusement son fauteuil pour qu’elle puisse me voir.
Comme
un robot, je m’avance vers Shelley et la prends dans mes bras.
Quand je me redresse, Alex se tient tout près de moi, en pantalon
kaki et chemise à carreaux bleus. Je le dévore des yeux, l’estomac
en boule. Le monde se réduit, et je ne vois plus que lui.
Enfin,
je retrouve la parole :
— A…
Alex… ? Qu’… qu’est-ce que tu fais là ?
— J’avais
promis à Shelley de prendre ma revanche, non ?
Nous
restons là, à nous regarder, on dirait qu’une force invisible
m’empêche de détourner les yeux.
— Tu
as fait tout le chemin jusqu’au Colorado pour jouer aux échecs
avec ma sœur ?
— C’est-à-dire,
ce n’est pas la seule raison. Je vais à la fac ici. Mrs P. et
Mr Aguirre m’ont aidé à obtenir une équivalence après mon
départ du Blood. J’ai vendu Julio. J’ai fait un prêt et je
travaille pour le bureau des élèves.
Alex ?
À la fac ? Ses manches de chemise boutonnées cachent la
plupart de ses tatouages du Latino Blood.
— Tu
as quitté le gang ? Je croyais que c’était trop dangereux,
Alex. Tu m’as dit que ceux qui tentaient d’en sortir se faisaient
tuer.
— J’ai
bien failli l’être. Si Gary Frankel n’avait pas été là, je ne
m’en serais certainement pas sorti…
— Gary
Frankel ?
Le
garçon le plus gentil et le plus intello du lycée ? Je
détaille alors le visage d’Alex et remarque une nouvelle et légère
cicatrice au-dessus de son œil et d’autres plus vilaines sur son
oreille et son cou.
— Mon
Dieu ! Qu’… qu’est-ce qu’on t… t’a fait ?
Il
me prend la main et la pose sur son torse. Il a un regard intense,
profond, comme la première fois où je l’ai vu sur le parking, le
jour de la rentrée en terminale.
— Il
m’a fallu du temps pour comprendre qu’il fallait que je revoies
tout. Les choix que j’avais faits. Le gang. Être battu presque
jusqu’à mort et marqué comme du bétail, ce n’était rien
comparé à te perdre. Si seulement je pouvais ravaler chaque mot que
j’ai prononcé à l’hôpital. Je croyais qu’en te rejetant, je
te protégerais du sort de Paco et de mon père. Plus jamais je ne te
rejetterai, Brittany. Jamais. Je te le promets.
Battu ?
Marqué ? J’ai envie de vomir et les larmes me montent aux
yeux.
— Ne
t’en fais pas. Je vais bien maintenant, répète-t-il encore et
encore, en m’enlaçant et me caressant le dos. Puis il plaque son
front contre le mien : Je dois te dire quelque chose. J’ai
accepté ce pari parce qu’au fond de moi je savais que si je
laissais mes sentiments s’en mêler, j’en mourrais. D’ailleurs,
j’ai bien failli en mourir. Tu es la seule fille pour qui j’ai
tout risqué, dans l’espoir d’un avenir qui en vaille la peine.
Il
recule d’un pas pour me regarder droit dans les yeux.
— Je
suis vraiment désolé. Mujer, dis-moi ce que tu veux et je te
l’offrirai. Si je dois partir et te laisser tranquille pour que tu
sois heureuse, dis-le. Mais si tu veux encore de moi, je ferai de mon
mieux pour correspondre à ça… Il ouvre les bras pour que j’admire
ses vêtements : Comment puis-je te prouver que j’ai changé ?
— J’ai
changé, moi aussi. Je ne suis plus la fille d’autrefois. Et
désolée, mais cette tenue… elle ne te correspond absolument pas.
— C’est
pourtant ce que tu voulais.
— Tu
as tort, Alex. Ce que je veux, c’est toi. Pas une fausse image. Il
n’y a aucun doute, je te préfère en jean et T-shirt parce que
cela te correspond.
— Tu
as raison, dit-il avec un petit rire. Un jour tu m’as dit que tu
m’aimais. Est-ce toujours le cas ?
Le
sourire chaleureux de Shelley me donne la force de lui répondre la
vérité.
— Je
n’ai jamais cessé de t’aimer. Même quand j’essayais
désespérément de t’oublier, je n’y suis jamais arrivée.
Avec
un profond soupir, il se frotte le front, soulagé. Ses yeux sont
brillants, emplis d’émotion, tandis que les miens se remplissent
de larmes.
— Je
ne veux pas que nous nous battions constamment, Alex, dis-je en
m’agrippant à sa chemise. Quand on sort avec quelqu’un, il faut
que ce soit gai. L’amour doit faire du bien.
Je
l’attire vers moi. Je veux sentir ses lèvres contre les miennes.
— Est-ce
que ce sera le cas pour nous ?
Nos
lèvres s’effleurent avant qu’il ne se recule, puis il…
Ô
mon Dieu !
Il
met un genou à terre devant moi, prend mes mains dans les siennes,
et mon cœur menace de lâcher.