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jeudi 14 mai 2015

Alpha & Oméga, tome 0: l'origine de Patricia Briggs



 Charles se pencha brusquement en avant, renversant sa chaise alors qu'il la soulevait de la sienne et la mettait sur ses pieds. Elle avait cru être habituée à la vitesse et à la force des loups, mais il lui avait coupé la respiration.
Comme elle se tenait immobile, sous le choc, il lui tourna autour jusqu'à lui faire face et il l'embrassa. Un baiser long, passionné, puissant, qui la laissa hors d'haleine, mais pour une tout autre raison. 
 



Anna est un loup-garou depuis trois longues années. Brutalisée par sa meute, éloignée de sa famille, elle survit dans un monde qu'elle subit. Intriguée par un article de journal, et se questionnant sur les agissements de sa meute, elle prend la décision d'alerter le Marrok, le chef de tous les loups d'Amérique. Elle se retrouve, un peu malgré elle, à s'occuper de l'enquêteur envoyé par le Marrok, son propre fils, Charles. Enquêteur, ou exécuteur ? Alors que Charles cherche à en savoir plus sur la meute de Chicago, il va se retrouver face à un problème tout aussi insoluble... ... Anna est une Omega.



Elle allait lui poser une autre question, mais la porte de son appartement s'ouvrit à la volée et heurta le mur, laissant apparaître Justin.
Elle avait été si absorbée par les propos de Charles qu'elle ne l'avait pas entendu monter l'escalier. Elle avait oublié de verrouiller la porte après le départ de Kara. Non que cela lui aurait été utile. Justin avait la clé de son appartement.
Elle ne put s'empêcher de tressaillir lorsqu'il franchit le seuil à grandes enjambées comme s'il était chez lui.
C'est jour de paie, dit-il. Tu me dois un chèque. (Il regarda Charles.) Il est temps pour toi de partir. La dame et moi avons à faire.
Anna ne pouvait pas croire que quelqu'un puisse prendre ce ton avec Charles, même Justin. Elle l'observa pour jauger sa réaction et comprit pourquoi Justin s'était laissé prendre.
Charles jouait avec son assiette, les yeux rivés sur ses mains. Son impressionnante force de caractère avait été enfermée et refoulée, elle ne se manifestait pas.
Je ne pense pas que je devrais partir, murmura-t-il, les yeux toujours baissés. Elle pourrait avoir besoin de mon aide. Justin retroussa les lèvres.
Où t'es allée ramasser celui-là, pétasse ? Tu verras quand Léo apprendra que tu as recueilli un vagabond sans lui en parler.
Il traversa la pièce et la saisit par les cheveux. Il la força ainsi à se lever puis à se mettre contre le mur, la poussant avec ses hanches dans un mouvement à la fois sexuel et violent. Il pencha son visage vers le sien.
Attends un peu. Peut-être qu'il décidera de me laisser te punir encore. Ça me plairait bien.
Elle se rappela la dernière fois où il avait été autorisé à la punir et ne put réprimer sa réaction. Il jouissait de sa panique et se tenait suffisamment près pour qu'elle puisse le sentir.
Je ne pense pas que ce soit elle qui sera punie, dit Charles, d'une voix toujours douce.
Anna eut l'air de se détendre. Charles ne laisserait pas Justin lui faire du mal.
Elle n'aurait pas pu dire pourquoi elle le savait... elle découvrirait certainement que ce n'était pas parce qu'un loup ne la blessait pas qu'il la protégerait des autres.
J’n’ai pas dit que tu pouvais parler, gronda Justin, détournant la tête pour jeter un regard furieux à l'autre homme. Je m'occuperai de toi quand j'en aurai fini avec elle.
Les pieds de la chaise de Charles crissèrent sur le parquet quand il se leva. Anna l'entendait s'essuyer les mains.
Je pense que tu en as fini avec elle, dit-il d'une voix complètement différente. Lâche-la.
Elle sentit le pouvoir de ces mots traverser ses os et réchauffer son estomac glacé de peur. Justin aimait encore plus la torturer qu'il ne désirait son corps. Elle l'avait combattu jusqu'à comprendre qu'il en tirait bien plus de plaisir. Elle avait rapidement appris qu'elle n'avait aucun moyen de gagner contre lui. Il était plus fort et plus rapide, et la seule fois où elle lui avait échappé, le reste de la meute l'avait retenue pour lui.
En entendant les paroles de Charles, pourtant, Justin la lâcha si vite qu'elle tituba. Mais cela ne l'empêcha pas de s'éloigner autant que possible, c'est-à-dire de se réfugier dans le coin cuisine. Elle saisit le rouleau à pâtisserie de sa grand-mère sur le plan de travail et le brandit.
Justin lui tournait le dos mais Charles vit son arme et, brièvement, ses yeux s'illuminèrent. Puis il reporta son attention sur Justin.
Qui es-tu ? Cracha Justin, mais Anna entendit la peur derrière la colère.
Je pourrais te retourner la question, dit Charles. J'ai une liste de tous les loups-garous des meutes de Chicago, et ton nom n'y apparaît pas. Mais ce n'est qu'une partie de ce que j'ai à faire ici.
Rentre chez toi et dis à Léo que Charles Cornick est venu pour lui parler. Je le rencontrerai chez lui ce soir à 19 heures. Il a le droit de venir avec les six premiers de la meute et sa compagne, les autres n'ont pas à s'en mêler.
A la surprise d'Anna, Justin grogna une fois et se retira sans insister.





Très bien. Tu aurais dû laisser tomber mais tu veux la vérité. (Sa voix gronda comme le tonnerre, même si elle n'était pas très forte.) Frère Loup t'a choisie comme compagne. Si tu ne signifiais rien pour moi, je n'aurais jamais toléré les sévices majeurs que tu as endurés depuis ton Changement. Mais tu es mienne, et l'idée que tu sois blessée, impuissante face à tout cela, suscite une colère que même un Oméga ne peut apaiser facilement.
Eh bien, songea-t-elle, ahurie. Elle avait remarqué qu'il l'appréciait, mais elle avait pensé qu'il ne s'agissait que d'un intérêt humain. Le seul loup avec une compagne qu’elle n’ait jamais vu était Léo. Elle ne connaissait pas les règles.
Que voulait-il dire en déclarant que son loup avait décidé qu'elle était sa compagne ? Avait-elle le choix dans cette histoire ? Est-ce que ses émotions - l'excitation, l'impression de le connaître depuis toujours et le désir de se réveiller auprès de lui pour le restant de ses jours, alors qu'elle le côtoyait depuis quelques heures à peine - lui venaient de lui ?
Si tu m'avais laissé faire, dit-il, je t'aurais courtisée en douceur et j'aurais gagné ton cœur. (Il ferma les yeux.) Je n'avais pas l'intention de t'effrayer.
Elle aurait dû être effrayée. Au lieu de quoi, elle se sentit soudain très, très calme, comme si elle était dans l'œil d'un ouragan d'émotions.
Je n'aime pas le sexe, lui dit-elle parce que, au vu des circonstances, il lui semblait nécessaire qu'il le sache. (Il s'étrangla et ouvrit les yeux, leur couleur éclatante remplaçant celle de ses sombres yeux humains.) Je n'aimais pas trop ça avant le Changement déjà, lui avoua-t-elle. Et après avoir été passée de main en main comme une putain pendant un an, jusqu'à ce qu'Isabelle y mette un terme, j'aime encore moins ça. (Sa bouche se contracta mais il ne dit rien, alors elle poursuivit.) Et je n'y serai pas contrainte. Plus jamais.
Elle releva les manches de sa chemise pour lui montrer les longues cicatrices à l'intérieur de son bras, qui couraient de ses poignets à ses coudes. Elle les avait faites avec un couteau en argent, et si Isabelle ne l'avait pas découverte, elle se serait tuée.
C'est la raison pour laquelle Léo ne me force plus à coucher avec les mâles qu'il veut récompenser. Isabelle l'y a contraint. C'est elle qui m'a trouvée et gardée en vie. Après ça, j'ai acheté un pistolet et des balles d'argent. (Il gronda doucement mais pas contre elle, elle en était presque sûre.) Je ne suis pas en train de menacer de me tuer. Mais il faut que tu le saches, parce que
si tu veux être mon compagnon — je ne serai pas comme Léo. Je ne te permettrai pas de coucher avec quelqu'un d'autre. Et je ne serai pas non plus forcée. J'en ai assez. Si ça fait de moi le chien dans le garde-manger, qu'il en soit ainsi.
Mais si je suis tienne, alors tu as sérieusement intérêt à être mien.
Un chien dans le garde-manger ?
Il laissa échapper une bouffée d'air qui aurait pu passer pour un demi-rire. Il ferma de nouveau les yeux et lui dit d'une voix raisonnable :
Si Léo survit à cette nuit, j'en serai très surpris. Si je te survis, j'en serai surpris tout autant. (Il la regarda.) Et il n'y a plus grand-chose qui me surprenne.
Il traversa la pièce à grandes enjambées, ramassant sa chaise et la reposant à sa place. Il s'arrêta juste devant Anna et effleura son menton levé, puis éclata de rire. Sans cesser de sourire, il lui remit en place une mèche de cheveux derrière l'oreille.
Je te promets que tu apprécieras le sexe avec moi, murmura-t-il.